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Février-mars 2022 : l’échec de la prise de Kiev

Vladimir Poutine pensait pouvoir prendre la capitale de l’Ukraine en seulement quelques jours. Trois ans plus tard, la ligne de front se trouve à plusieurs centaines de kilomètres de Kiev, tandis que la frontière avec le Belarus ne présente plus une réelle menace d’attaques venant du nord.

Tentative de prise de Kiev

Au début du mois d’avril 2022, Michel Goya notait que l’abandon des ambitions russes de capture de Kiev, quelques semaines seulement après le lancement de l’invasion, constituait une victoire majeure pour l’Ukraine. Le repli s’accompagnait alors de nombreuses exactions menées par les forces russes dans les zones occupées.

Les raisons qui permettent d’expliquer l’échec russe des premières semaines de l’invasion sont nombreuses : campagne aérienne insuffisante, sous-estimation des capacités de la défense ukrainienne, manque de préparation en matière d’approvisionnement… 

Le monde a néanmoins tremblé en voyant les forces russes atteindre les faubourgs de la capitale, occupant temporairement le stratégique aéroport de Hostomel, à moins de 10 kilomètres de Kiev.
Quelques semaines après le lancement de l’invasion russe, le nombre de réfugiés ukrainiens a dépassé les deux millions — dix millions pour les déplacés internes. À Marioupol, l’armée russe bombardait les couloirs d’évacuation et empêchait l’aide humanitaire d’atteindre la ville 1.

Septembre-octobre 2022 : offensive ukrainienne dans la région de Kharkiv

Au mois d’août, les troupes russes se regroupent dans la région de Kherson en prévision d’une large contre-offensive ukrainienne. Le 29 septembre, Vladimir Poutine signe des décrets reconnaissant « l’indépendance » des régions de Kherson et de Zaporijia. Le lendemain, le Kremlin officialise l’annexion de quatre régions ukrainiennes. La ratification des accords marque l’annexion territoriale la plus importante qu’ait connu l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

L’offensive ukrainienne dans l’oblast de Kharkiv reste à ce jour l’un des principaux succès militaires de Kiev depuis le lancement de l’invasion russe. En trois semaines seulement, les forces ukrainiennes sont parvenues à reprendre 12 000 kilomètres carrés de territoire autour de Kharkiv, deuxième plus grande ville du pays.

L’efficacité avec laquelle l’Ukraine a faire reculer les forces russes installées depuis plusieurs mois dans cette région frontalière de la Russie a eu un double effet : elle a prouvé au Kremlin que l’armée ukrainienne était capable de mener des offensives majeures, et a démontré dans le même temps aux pays apportant une assistance militaire à l’Ukraine que Kiev était capable, avec du matériel et des munitions de l’extérieur, de gagner la guerre.

Novembre 2022 : libération de Kherson

La libération de Kherson, une ville de presque 300 000 habitants avant la guerre, située sur le Dniepr, a été perçue à la fin de l’année 2022 comme le signe annonciateur d’un véritable « tournant » dans la guerre. Le 9 novembre, le ministre russe de la Défense ordonne le retrait des forces russes de la ville. Deux jours plus tard, l’armée ukrainienne entre dans Kherson.

Si elle n’a finalement pas ouvert la voie vers la Crimée, l’abandon de Kherson a néanmoins constitué un revers de taille pour le Kremlin, qui annonçait quelques mois plus tôt l’annexion de l’oblast dont la ville est la capitale administrative. Au cours d’un discours prononcé le 30 septembre 2022, le président russe qualifiait les habitants de la région de Kherson comme « des citoyens russes pour toujours ».

L’armée russe fait sauter le pont d’Antonivka après son retrait

Après avoir abandonné Kherson, l’armée russe s’est retranchée plus au sud, sur la rive est du Dniepr, où elle avait en amont entamé la construction d’un réseau de fortifications largement responsable de l’échec de la contre-offensive ukrainienne. Le retrait de Kherson marquait néanmoins l’échec de l’offensive russe dans le sud de l’Ukraine.

Dans un témoignage traduit et commenté dans la revue, un volontaire russe décrit le désordre dans lequel l’armée russe s’est retirée de la ville : épuisée après plusieurs semaines de combats, en manque de munitions car « tous les ponts et les pontons étaient bombardés », ce volontaire confie avoir été contraint de détruire du matériel avant d’abandonner la ville — alors que le ministère russe de la Défense affirme qu’il n’y a pas eu de pertes.

Mai 2023 : chute de Bakhmout

Bakhmout est très certainement le théâtre d’une des batailles les plus meurtrières du conflit à ce jour. Bien qu’il n’existe pas de chiffre précis détaillant les pertes humaines et matérielles des deux camps pour le contrôle de la ville, la Maison-Blanche estimait en mai 2023 que la Russie avait subi 100 000 pertes — dont 20 000 morts, sur tout le territoire et non seulement à Bakhmout — depuis le mois de janvier, au plus fort de la bataille. L’armée ukrainienne a notamment accusé la Russie d’avoir utilisé des munitions incendiaires au phosphore blanc.

Après des mois de bombardements et de combats acharnés ayant conduit à la destruction quasi-totale de la ville dont témoignent les images satellites, Bakhmout est finalement tombée aux mains des forces russes, et notamment de la milice Wagner, en mai 2023, soit neuf mois après les premiers bombardements.

Les ruines de Bakhmout

Le niveau de pertes très élevé des forces de Wagner et de l’armée russe à Bakhmout s’explique par la tactique «  d’infanterie jetable  » utilisée par le commandement russe. L’opération, qualifiée de «  Bakhmut Meat Grinder  » par l’ancien chef de Wagner Evgueni Prigogine, consistait alors à lancer des vagues successives de combattant afin d’identifier les positions de tir ou de trouver des points faibles dans les défenses ukrainiennes.

De nombreux témoignages de soldats ayant combattu à Bakhmout décrivent l’horreur du combat ainsi que le manque de sens apporté par les commandements ayant investi des ressources colossales pour une bataille dont la victoire russe fût avant tout symbolique. C’est notamment à Bakhmout où le nouveau commandant des forces ukrainiennes, Oleksandr Syrsky, a acquis son surnom de « boucher » en raison de ses décisions ayant conduit à de lourdes pertes, notamment au sein d’unités parmi les plus expérimentées.

Juin 2023 : destruction du barrage de Kakhovka

Dans la matinée du 6 juin 2023, autour de 3 heures du matin, le barrage hydroélectrique de Kakhovka, situé sur le Dniepr, a cédé, entraînant l’inondation de 120 kilomètres carrés de terre au cours des premières heures. La destruction de l’infrastructure a entraîné l’évacuation de plusieurs dizaines de milliers de personnes, un important coût économique et environnemental chiffré à 6,4 milliards de dollars par l’UNESCO.

Catastrophe de Kakhovka

Le barrage de Kakhovka sera-t-il reconstruit après la guerre  ? Dans un entretien publié dans nos colonnes, Jean Pisani-Ferry considère qu’il ne faut pas attendre la fin de la guerre pour entamer la reconstruction des infrastructures telles que les ponts et les installations électriques, «  essentielles pour maintenir la capacité économique du pays aussi intacte que possible  ».

Si plusieurs éléments ont permis de soupçonner l’implication de la Russie dans la destruction du barrage, rien ne permet à ce stade de tirer des conclusions définitives quant à la responsabilité de Moscou. Plusieurs experts militaires pointaient notamment du doigt la volonté russe de « freiner » la contre-offensive ukrainienne d’été lancée au même moment. En inondant l’une des zones qui semblaient faire partie des plans offensifs de Kiev, Moscou aurait pu chercher à modifier la topographie de la zone en provoquant une montée des eaux entraînant une modification des plans ukrainiens.

Juin-novembre 2023 : contre-offensive ukrainienne

Dans la matinée du 5 juin 2023, l’état-major russe signale des attaques ukrainiennes terrestres de grande ampleur sur cinq secteurs du front dans la région de Donetsk. Une semaine plus tard, un mouvement offensif ukrainien est signalé dans quatre régions du pays.

La contre-offensive ukrainienne de l’été 2023 était un projet en gestation depuis plusieurs mois, préparé avec l’appui des États-Unis et du Royaume-Uni lorsqu’il fût finalement lancé au début du mois de juin 2023.

Quelques mois plus tôt, l’Ukraine recevait ses premiers chars d’assaut et véhicules de combat d’infanterie occidentaux (Leopard, Bradley…) sur lesquels Kiev comptait pour obtenir une supériorité sur le terrain face à leurs équivalents russes, moins sophistiqués.

Contre-offensive

Joseph Henrotin définit une contre-offensive comme une suite d’actions offensives menées par un acteur au plan opératif — au plan tactique, il s’agirait d’une contre-attaque — et faisant suite à une progression adverse. Elle «  répond  » donc à une suite d’offensives mais c’est surtout sa dynamique profonde qui importe  : si elle est le fait, ici, d’un défenseur, toute contre-offensive cherche d’abord à reprendre l’initiative, qui en est le véritable enjeu.

Retrouvez ici l’entretien en entier.

En septembre 2023, l’armée ukrainienne perce finalement la première ligne de défense russe au niveau du village de Robotyne (quelques centaines d’habitants), dans l’oblast de Zaporijia. Cette ouverture génère un espoir inespéré jusqu’alors parmi les soutiens de l’Ukraine en ce qu’elle prouve que les fortifications russes, érigées et renforcées depuis plusieurs mois alors, ne sont pas impénétrables.

En septembre 2023, l’armée ukrainienne perce finalement la première ligne de défense russe au niveau du village de Robotyne (quelques centaines d’habitants), dans l’oblast de Zaporijia. Cette ouverture génère un espoir inespéré jusqu’alors parmi les soutiens de l’Ukraine en ce qu’elle prouve que les fortifications russes, érigées et renforcées depuis plusieurs mois alors, ne sont pas impénétrables.

L’offensive ukrainienne sur ce secteur du front visait à couper en deux le « pont terrestre » russe, séparant les oblasts de Donetsk et de Lougansk à l’est des oblasts de Kherson, Zaporijia et de la Crimée à l’ouest. Les objectifs étaient les villes de Melitopol et/ou de Berdiansk, sur la mer d’Azov, dont la capture aurait permis de sectionner une ligne d’approvisionnements stratégique majeure construite par la Russie dans le sud de l’Ukraine.

Progressivement, les espoirs se sont asséchés à mesure que les forces ukrainiennes, après avoir passé la première ligne de défenses, n’avançaient plus que de quelques dizaines voire quelques mètres par jour. Dans un entretien publié dans The Economist le 1er novembre 2023, l’ancien commandant des forces ukrainiennes, Valeri Zaloujny, déclarait que la guerre était dans une « impasse ».

Hiver 2023-2024 : vers un conflit gelé

Nombre d’experts refusent le qualificatif de « conflit gelé » pour décrire la situation de la guerre en Ukraine qui s’entérine à l’automne et à l’hiver 2023-2024 tant les combats continuent d’être meurtriers, et ce malgré les faibles progressions des deux armées. L’an dernier, la variation du contrôle territorial en Ukraine est restée proche de 0 %, la Russie contrôlant toujours environ 18 % du territoire ukrainien depuis novembre 2022.

Le conflit ne peut être caractérisé de « gelé » car, au-delà de la campagne terrestre, la guerre en Ukraine se déroule également en mer Noire, en Russie et parfois même au-delà de l’Europe. Une analyse du CSIS portant sur la période allant de juin à août 2023 traduit toutefois la lente progression qui a caractérisé la deuxième année de guerre : sur cette période de trois mois, sur le secteur de Robotyne, la progression ukrainienne moyenne était de 90 mètres par jour — soit autant que les troupes françaises et britanniques lors de la bataille de la Somme, de juillet à novembre 1916.

Face à des pénuries de matériel, d’hommes et de munitions, les forces ukrainiennes se trouvent aujourd’hui dans une posture défavorable. Si la Russie fait elle aussi face à des problèmes structurels, elle semble avoir regagné l’initiative sur un certain nombre de secteurs du front au cours des derniers mois.

Fin décembre 2023, la contre-offensive lancée à l’été est définitivement enterrée, tandis que les États-Unis disent vouloir seulement « permettre à l’Ukraine de maintenir sa position » sur le front. Pour la première fois depuis le mois d’avril de la même année, les forces russes gagnent plus de territoire qu’elles n’en perdent.

Mai 2024 : ouverture d’un nouveau front à Kharkiv

Au cours du mois d’avril et des deux premières semaines de mai 2024, la Russie intensifie ses bombardements de la ville de Kharkiv et vise lors d’attaques nocturnes le réseau énergétique ukrainien. Le 11 mai, Volodymyr Zelensky annonce que l’armée ukrainienne mène des « contre-attaques » dans une région qui était depuis l’hiver 2022 relativement stable.

Les attaques transfrontalières s’étaient alors largement limitées à des raids sporadiques, quelques attaques de drones et à des bombardements de faible intensité. Réputée comme étant solidement protégée, la ville de Kharkiv (deuxième plus peuplée du pays), dans l’est de l’Ukraine, a depuis été relativement épargnée par les combats.

Les civils sont évacués face à la menace russe

Moscou avance principalement dans les oblasts de Louhansk, Donetsk et Kharkiv. Des images géolocalisées publiées le 28 janvier indiquaient une avancée à l’ouest de la ville de Kreminna, en direction de Yampolivka. La veille, des vidéos indiquaient que les troupes russes progressaient au nord-ouest de Synkivka, à moins de 10 kilomètres de la ville de Koupiansk — recapturée par Kiev en septembre 2022.

Alors que Moscou revendique avoir capturé en une semaine 274 km² de territoire dans cette région — soit autant qu’au cours des trois mois précédents —, l’armée russe regroupe également des forces près de Soumy, plus au nord. À la fin du mois de mai, Joe Biden autorise l’Ukraine à frapper la Russie avec des armes américaines afin de défendre Kharkiv.

Dès la fin du mois de mai, la progression russe se stabilise et les forces ukrainiennes sont en mesure de contenir les deux poches ouvertes par l’armée russe à la frontière entre les deux pays, autour de Pylna et Vovchansk, au nord-est de Kharkiv.

Juin 2024 : l’échec d’une résolution internationale du conflit

Du 15 au 16 juin 2024, la Suisse accueille au Bürgenstock la première conférence internationale d’ampleur sur la paix en Ukraine. Des représentants de 92 pays, dont les États-Unis, un grand nombre de pays d’Amérique latine, l’Inde, l’Arabie saoudite et la Turquie se réunissent afin d’œuvrer à un accord de cessez-le-feu entre l’Ukraine et la Russie.

Sommet sur la paix en Ukraine

Le refus ukrainien d’inclure la Russie dans les pourparlers en Suisse ne relevait pas d’une simple posture. En posant ses conditions maximalistes pour un cessez-le-feu, Vladimir Poutine démontrait qu’il ne cherchait pas la paix, mais à fragiliser le soutien international à l’Ukraine.

Cette dernière est toutefois la grande absente au Bürgenstock. Soutenue par la Chine et le Brésil, la Russie a usé de ses canaux diplomatiques pour dissuader les pays du Sud d’y prendre part. Selon un diplomate chinois, Pékin aurait fait circuler l’idée par ses canaux diplomatiques que « le sommet prolongerait la guerre ». La carte des participants laisse penser que cet effort a globalement porté ses fruits : seulement 9 pays africains étaient représentés en Suisse, et 7 pays asiatiques.

Dans les mois ayant précédé le sommet, plusieurs conférences internationales réunissant principalement des conseillers à la sécurité nationale se sont tenues au Danemark, en Arabie saoudite, à Malte puis à Davos. Absente de tous ces formats, la Russie signalait alors ne pas être favorable à un accord de cessez-le-feu.

Août 2024 : lancement de l’incursion de Koursk 

Jusqu’alors principalement visée par des attaques de drone et des raids transfrontaliers isolés, la région frontalière russe de Koursk a été le théâtre de la seule attaque ukrainienne terrestre majeure sur le sol russe depuis le lancement de l’invasion en février 2022. Dans la matinée du 6 août 2024, plusieurs centaines de combattants ukrainiens, équipés de dizaines de chars et véhicules blindés, pénètrent sur le sol russe. L’état d’urgence est décrété dans la foulée.

À Koursk, des civils vivent sous l’occupation ukrainienne

L’intensification des efforts russes visant à reprendre la ville de Soudja pourrait se solder par une catastrophe humanitaire, les bombardements de Moscou provoquant régulièrement des morts et blessés parmi les civils russes.

Deux semaines plus tard, le 20 août, l’armée ukrainienne contrôle 1320 km² de territoire russe. L’incursion mène à la capture par Kiev de plusieurs centaines de soldats russes, et provoque la sidération en Russie. L’opération est un véritable tournant dans la guerre : l’Ukraine capture davantage de territoire à la Russie que celle-ci ne lui en a pris dans les neuf derniers mois. L’analyste Stéphane Audrand écrit que l’Ukraine a su reconstruire un « récit de victoire ».

L’occupation par les forces ukrainiennes d’une portion du territoire russe vise à servir un objectif double : disposer d’une monnaie d’échange dans le cadre de futures négociations de cessez-le-feu et contraindre l’état-major russe à renforcer ses défenses en Russie, et ainsi alléger la pression qui pèse sur le front en Ukraine.

Automne, hiver 2023-2024 : l’effritement du front dans le Donbass

La fin de l’année 2024 et les premiers mois de 2025 ont été marqués par la chute de plusieurs petites villes et localités, principalement dans l’oblast de Donetsk, qui témoignent de l’effritement du front ukrainien face aux bombardements et aux assauts russes répétés sur des secteurs spécifiques de la ligne de contact. 

Au début du mois d’octobre, l’armée russe a capturé la ville de Vuhledar après 30 mois de résistance ukrainienne. Dans les jours ayant suivi, celle-ci est entrée dans la ville de Toretsk et a pénétré sur la rive ouest de Tchassiv Yar, à quelques kilomètres. Depuis le début de l’année, Kourakhove et Velyka Novossilka sont également tombées, tandis que l’encerclement de Pokrovsk se poursuit encore aujourd’hui.

La lente avancée russe

Le rythme de la progression russe en Ukraine a diminué en décembre 2024 puis en janvier, se stabilisant autour de 400 km² par mois. Chaque nouveau village et localité pris par l’armée russe se traduit cependant par la destruction et l’abandon de leurs foyers par les habitants.

Octobre 2024 : arrivée de soldats nord-coréens à Koursk et internationalisation du conflit 

En déployant ses soldats dans l’oblast de Koursk afin de repousser les forces ukrainiennes, la Corée du Nord a provoqué l’une des escalades les plus importantes du conflit depuis février 2022. Le 23 octobre 2024, l’ancien secrétaire à la Défense américain Lloyd Austin confirmait que des milliers de combattants nord-coréens s’apprêtaient à être déployés sur le front de Koursk, en territoire russe.

Pyongang-Moscou

L’envoi par Pyongyang de milliers de combattants en Russie traduit le rapprochement militaire opéré par les deux pays depuis 2022, qui avait jusqu’alors pris la forme d’envoi de millions d’obus d’artillerie nord-coréens à partir d’août 2023.

Le 13 janvier, le Service de Renseignement National coréen estimait qu’environ 3 000 combattants sur les 12 000 envoyés en octobre 2024 par la Corée du Nord avaient été tués ou blessés depuis leur déploiement. Les services de Séoul parlaient notamment d’un « décalage » entre l’entraînement dont les combattants nord-coréens bénéficient et les nouvelles réalités du conflit moderne de grande intensité.

Février 2025 : un an après, la question d’une présence militaire internationale pour le maintien de la paix revient au coeur des discussions

En février 2024, le président français Emmanuel Macron avait suggéré ouvertement pour la première fois depuis le lancement de l’invasion que des troupes au sol des armées occidentales pourraient être déployées en Ukraine dans le cadre d’une mission de maintien de la paix. Cette annonce, initialement rejetée par la majeure partie des États membres de l’Union, a fait l’objet d’une attention renouvelée en février 2025 suite aux réunions d’urgence sur l’Ukraine organisées par Paris.

Un an plus tard, le nombre de pays potentiellement favorables à une participation directe en Ukraine a augmenté de manière significative, mais ces derniers restent minoritaires parmi les États membres. Cette évolution intervient alors que les États-Unis ont déjà demandé à chaque pays européen combien de soldats et quel niveau de ressources ceux-ci étaient prêts à fournir pour faire respecter un éventuel accord de paix.

Douze pays européens, en comptant le Royaume-Uni, ont à ce jour signalé qu’ils seraient ouverts à une participation dans le cadre d’une mission internationale. La Pologne et l’Allemagne, qui n’ont pour l’heure pas publiquement manifesté leur soutien, pourraient changer de position si les États-Unis fournissaient des garanties de sécurité, une sorte de « backstop ».

Quelles perspectives pour 2025 ?

Après trois ans de guerre à haute intensité, les armées ukrainienne et russe ont subi d’importantes pertes matérielles et humaines qui limitent leurs capacités à lancer des opérations de grande ampleur. L’amélioration et l’augmentation numérique des moyens en matière de guerre électronique, de drones et l’acquisition par l’Ukraine d’armes aériennes et anti-aériennes contribuent également à « geler » la ligne de front sur ses lignes.

Toutefois, si le retour au pouvoir de Donald Trump et l’ouverture de l’Ukraine à négocier un accord de cessez-le-feu indiquent qu’un arrêt des combats pourrait avoir lieu en 2025, Vladimir Poutine ne semble pour l’heure pas intéressé par la conclusion d’un accord avec Kiev et Washington. Les négociations russo-américaines ouvertes à Riyad en février visent quant à elles principalement à « normaliser » la relation bilatérale, et les négociateurs russes n’ont pas signalé d’ouverture réelle à un arrêt des combats à court et moyen terme.

Sources
  1. Certaines entrées de cette chronologie s’appuient sur le travail d’Elisabeth Kozlowski (Cercec / EHESS) que nous remercions d’avoir partagé avec la revue sa base de données « La guerre de la Russie contre l’Ukraine. Repères chronologiques et documents historiques (1991-2025) ».