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Key Points
  • Redéploiement en cours du côté russe au Nord de Kiev.
  • Victoire ukrainienne sur le front du Nord, mais progression lente des Russes à Marioupol et au Donbass.
  • La date du 9 mai sera importante à surveiller car la Russie a besoin d’une victoire à célébrer, à n’importe quel prix – en témoignent les exactions commises dans les anciennes zones occupées au Nord de Kiev.

Situation générale

On assiste à une accélération du repli des forces russes dans le Nord de l’Ukraine et la ville de Kiev est désormais complètement dégagée de toute menace. En revanche, dans le Sud de l’Ukraine, les positions russes se maintiennent et les attaques se poursuivent dans le Donbass avec sans doute l’espoir d’obtenir une victoire avant la célébration de la « Grande guerre patriotique » (1941-1945) le 9 mai.

Situations particulières

Zone Nord

Il semblerait que les Russes aient abandonné toute idée de menacer Kiev et aient complètement dégagé ses abords. La manœuvre de repli est plutôt bien menée et ne se transforme pas en déroute mais les reliquats des 35e et 36e Armées à l’Ouest de Kiev sont menacés. Au Nord-Ouest, les 41e, 2e et 1ère Armées se replient en bon ordre. C’est la manœuvre russe la mieux exécutée depuis le début de la guerre. Mais, cette manœuvre et la fin de la bataille de Kiev marquent en réalité une victoire majeure pour l’Ukraine.

Le repli s’accompagne de destructions et de nombreux minages destinés à freiner les forces ukrainiennes. Il s’accompagne surtout de témoignages concrets de nombreuses exactions menées par les forces russes dans les zones occupées. 

Zone Est

On a observé un raid aéromobile effectué par deux Mi-24 P ukrainiens au matin du 2 avril sur un dépôt de carburant à Belgorod, à l’intérieur du territoire russe, malgré la densité de la défense aérienne de Moscou. Deux autres frappes par missiles ont déjà été réalisées par les Ukrainiens, sans être revendiquées par les autorités ukrainiennes.

Un nouveau bombardement de Kharkiv par l’artillerie russe est en cours. 

Zone du Sud-Ouest

C’est devenu un front secondaire pour le moment. Les forces russes sont réduites en volume et sont sur la défensive, face à des troupes ukrainiennes qui poussent de Mikolayev vers Kherson ou depuis Kryvyi Rhi vers le Sud, mais qui sont aussi réduites après plus d’un mois de guerre. Kherson, une des rares grandes villes prises par l’armée russe verrouille encore la zone.

La flotte russe de la mer Noire bombarde au Odessa.

Zone du Donbass

On observe une pression des forces russes sur la Donets à Yzium et Severodonetsk. Après trois semaines de combat, la ville d’Yzium a été prise par la 144e Division motorisée (DM) russe le 1er avril. Le génie prépare le franchissement de la rivière Donets, afin de lancer une nouvelle attaque vers Sloviansk à l’intérieur de l’oblast de Donetsk.

La 3e DM poursuit la pression sur la poche de Severodonetsk par l’attaque de Rubizhne, au Nord-Est et on assiste à une attaque du 2e Corps d’armée de la république séparatiste de Lougansk sur Popasnaya, offensive qui vise à couper l’axe T1302.

La prise de Severodonestk serait une défaite significative pour les forces ukrainiennes, surtout si plusieurs brigades s’y trouvaient piégées, et la province de Louhansk serait complètement conquise.

Le 1er Corps d’armée de la république séparatiste de Donestk se concentre sur les sorties Ouest de Donetsk, en particulier en direction de Marinka et Selydove, mais sans beaucoup progresser.

La 42e DM à la limite Sud de l’oblast de Donetsk est pour l’instant à l’arrêt. Il n’y a pas de progression vers Zaporijjia.

L’effort de la 150e DM est renforcée dans Marioupol. La progression est très lente, mais constante.

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Perspectives

On constate une tentative russe de sortir du blocage par une bascule d’effort de toutes les forces du front Nord vers le Donbass. Le même schéma pourrait se produire, en cas de conquête de Marioupol, avec un redéploiement des forces russes vers la limite Sud du Donbass.

Pour être véritablement efficace, il faudrait prendre le temps de reconditionner et recompléter les forces dégagées avant de constituer une masse de manœuvre permettant d’obtenir des rapports de forces suffisants sur certains points clés. Si les Russes parviennent à former des groupements de feux importants – l’artillerie russe a moins souffert du mois de guerre que les troupes de manœuvre – associées à des sorties aériennes plus nombreuses, les GTIA, parfois recomposées en pures unités d’assaut sans appuis, seront plutôt engagés au fur et à mesure de leur arrivée.

Il y a sans doute une forte pression politique pour obtenir une victoire avant la célébration du 9 mai, mais à l’encontre de la logique opérationnelle. Cela peut réussir mais le coût de l’engagement d’unités déjà usées ou mal préparées est très élevé.

Après les ordres stratégiques données aux états-majors opérationnels au dernier moment avant la guerre par peur des fuites, l’engagement de « toutes les forces réunies », sans aucune réserve opérative, l’obstination à s’emparer de Kiev malgré l’évidence de l’échec du plan initial et la pression politique pour s’emparer au plus vite du Donbass quel que soit le coût, nous avons un nouvel indice de dissociation entre les désirs souvent irréalistes de l’échelon politico-stratégique et le commandement sur le terrain.

Rappelons une évidence : la bascule des efforts se fait aussi au profit des forces ukrainiennes qui bénéficient de l’avantage des lignes intérieures, et ce malgré la supériorité aérienne russe. Plusieurs brigades ukrainiennes de l’Ouest ou du Nord, peuvent venir renforcer ou relever les brigades sur la ligne de contact du Donbass. Chaque jour qui passe permet également la transformation des localités de la région en bastions urbains, en particulier le complexe Sloviansk-Kramatorsk.

L’annonce de l’envoi aux forces ukrainiennes de missiles sol-air très courte portée (SATCP) Starstreak à visée laser et de drones-rodeurs Witchblade représente un saut qualitatif dans l’armement léger fourni. Tout aussi importante, sinon plus, est la décision d’engager des équipements lourds, en particulier des pièces d’artillerie (et les obus correspondants), un des points faibles de l’armée régulière ukrainienne. On annonce aussi un envoi éventuel de missiles anti-aériens S 300, correspondant sans doute une manœuvre de « roque » – les envois d’équipements datant de l’ère soviétique en provenance d’Europe de l’Est seraient remplacés par des équipements américains.

La « manœuvre d’équipements » consistant à transférer très vite à un allié des équipements, accompagnés de la logistique est une manœuvre en soi, qui implique au moins des stocks, des processus de production industrielles réactifs, et des équipes de formation, bref une organisation préalable.