Dans le Sud et l’Est de l’Ukraine, les combats font toujours rage et les troupes ukrainiennes continuent de reculer tous les jours faute de suffisamment de combattants et de matériel. Le ministère de la Défense russe a revendiqué dimanche 26 janvier avoir capturé la totalité de Velyka Novosilka, tandis que Toretsk, au nord-est, devrait tomber au cours des prochains jours.
Parmi ses premières actions, Trump a ordonné dès le 20 janvier une pause de 90 jours dans le versement de l’aide étrangère américaine.
- Marco Rubio a annoncé hier, dimanche 26, avoir implémenté ce gel des aides accordées par le département d’État et l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) 1. Les fonds octroyés pour le programme FMF (Foreign Military Financing), supervisé par le département d’État, étaient quant à eux d’ores et déjà presque épuisés.
- Avec plus de 17 milliards de dollars perçus au cours de l’année fiscale 2023, Kiev était — de loin — le principal bénéficiaire de ces programmes. Cette suspension ne devrait toutefois pas concerner, pour le moment, l’aide militaire dont l’Ukraine bénéficie, qui passe principalement par la PDA (Presidential Drawdown Authority, Maison-Blanche) et l’USAI (Ukraine Security Assistance Initiative, Pentagone).
- Trump dispose d’environ 4 milliards de dollars de fonds alloués par le Congrès dans le cadre de la PDA. Il n’a cependant pas signalé vouloir permettre l’utilisation de ces fonds pour envoyer des équipements et munitions en Ukraine.
Trump et Pete Hegseth, le nouveau secrétaire à la Défense dont la confirmation a été approuvée vendredi 24 janvier par le Sénat lors d’un vote très serré ayant nécessité l’intervention de J.D. Vance, ne se sont pas exprimés publiquement sur le futur de l’aide à l’Ukraine depuis l’investiture. La position de la nouvelle administration semble s’être toutefois assouplie ces dernières semaines, Trump ayant déclaré fin décembre en privé qu’il comptait maintenir les livraisons d’armes tout en œuvrant à un cessez-le-feu 2.
- Durant la campagne, Trump avait répété à plusieurs reprises qu’il réduirait voire couperait l’assistance militaire à l’Ukraine en cas de victoire. Rubio a lui même déclaré : « Chaque dollar que nous dépensons, chaque programme que nous finançons et chaque politique que nous poursuivons doivent être justifiés par la réponse à trois questions simples : Est-ce que cela rend l’Amérique plus sûre ? Est-ce que cela rend l’Amérique plus forte ? Est-ce que cela rend l’Amérique plus prospère ? »
- Cette ligne est également celle de J.D. Vance, qui a voté contre le paquet d’aide supplémentaire à l’Ukraine au printemps 2024 en arguant que les États-Unis n’avaient ni les moyens ni les capacités industrielles de continuer à soutenir Kiev.
- Selon un récent rapport de l’American Enterprise Institute (AIE), la fin de l’assistance militaire américaine produirait en réalité l’effet inverse. En raison de la modification en profondeur de l’environnement stratégique européen et global qui résulterait d’une victoire russe, les États-Unis devraient augmenter considérablement leurs dépenses militaires pour faire face à Moscou — jusqu’à 808 milliards de dollars en plus sur cinq ans 3.
- Afin de continuer à protéger les intérêts américains dans le monde en cas de défaite de l’Ukraine et d’une Russie renforcée — dont l’armée sortirait plus expérimentée et dotée de nouveaux équipements et stratégies acquises après trois ans de guerre —, l’AEI estime que Washington devrait recruter 266 000 militaires supplémentaires pour former de nouvelles brigades.
- La défaite et l’annexion de facto d’une partie du territoire ukrainien conduirait également à la création d’un nouveau front entre la Russie et l’OTAN long de près de 4 200 kilomètres qui devra être surveillé et sécurisé, nécessitant d’importants investissements industriels et matériels.
En se basant sur ces chiffres, l’aide militaire apportée à l’Ukraine depuis début 2022 ne représenterait que 14 % du coût qu’engendrerait une victoire de la Russie pour Washington. Les fonds octroyés par le Congrès (112 milliards) pour remplacer l’équipement et les munitions fournies à Kiev ont par ailleurs stimulé plusieurs dizaines de milliards de dollars d’investissements ayant bénéficié en premier lieu à la base industrielle de défense américaine.
Sources
- Implementing the President’s Executive Order on Reevaluating and Realigning United States Foreign Aid, U.S. Department of State, 26 janvier 2025.
- Lucy Fisher, Henry Foy et Felicia Schwartz, « Trump wants 5 % Nato defence spending target, Europe told », Financial Times, 20 décembre 2024.
- Elaine McCusker, Frederick W. Kagan et Richard Sims, Dollars and Sense : America’s Interest in a Ukrainian Victory, 9 janvier 2025.