Les forces ukrainiennes ont réalisé des avancées confirmées jusqu’à dix kilomètres dans l’oblast russe de Koursk, alors que des opérations d’offensives mécanisées se poursuivent encore sur le territoire russe.

  • Selon l’Institute for the Study of War, « plusieurs images géolocalisées publiées les 6 et 7 août montrent que des véhicules blindés ont progressé jusqu’à des positions situées le long de la route 38K-030 à environ dix kilomètres de la frontière internationale », mais il n’est pas en mesure de confirmer s’il s’agissait de véhicules ukrainiens, russes, ou des deux à la fois.
  • Selon l’AFP, l’armée ukrainienne aurait réussi, pendant l’incursion, à abattre un hélicoptère russe Mi-28 à l’aide d’un drone, ce qui constituerait une « première dans l’histoire de la guerre ».
  • À ce stade les forces ukrainiennes auraient déjà capturé au moins 40 prisonniers et auraient capturé au moins 11 localités au total, en se battant à la périphérie de Korenovo (en direction du nord-ouest) et de Sudzha où l’on trouve l’un des derniers points d’acheminement du gaz russe vers l’Europe par gazoduc. Une interruption brutale des volumes affecterait surtout l’Autriche et la Slovaquie. Gazprom a déclaré que le transit était de 37,3 millions de mètres cubes le 8 août, soit légèrement en dessous du volume observé ces dernières semaines (autour de 40 millions).

L’oblast de Koursk, d’une superficie d’environ 30 000 km2 et qui compte près d’un million d’habitants, jouxte la frontière ukrainienne.

  • Il occupe la partie méridionale du plateau moyen-russe. Sa surface est vallonnée et entrecoupée de ravins. On l’appelle la « région des terres noires » ou le « tchernoziom », en référence à ce sol riche en humus (tchernoziom).
  • Il est logistiquement bien connecté : la route fédérale M3, axe de la Route européenne 101 qui relie Moscou à Kiev, passe par cet oblast, ainsi que deux grandes liaisons ferroviaires, Moscou-Kharkiv et Kiev-Voronej, aujourd’hui à l’arrêt.

Face à ce moment de bascule, la réaction russe paraît pour le moment double. 

  • D’un côté, le Kremlin présente l’incursion comme une escalade de l’Ukraine. Vladimir Poutine a déclaré qu’il s’agissait d’une « provocation à grande échelle », en accusant les troupes ukrainiennes de « tirer de manière aveugle avec différents types d’armes, y compris des roquettes, sur des bâtiments civils, des habitations et des ambulances » 1 — une information qui ne peut pas être confirmée à ce stade.
  • L’état d’urgence a été proclamé dans l’oblast de Koursk le 7 août 2024 2. Lors d’une vidéoconférence avec le chef par intérim de la région de Koursk, Alexey Smirnov, le président russe Vladimir Poutine a déclaré que les habitants de la région de Koursk qui ont été contraints de quitter leurs maisons en raison de l’avancée des forces armées ukrainiennes recevront 10 000 roubles (environ 105 euros) 3.
  • De l’autre côté, le Kremlin ne semble pas vouloir exagérer les implications potentielles de cette incursion afin de ne pas exposer son « opération spéciale » à des critiques. Plusieurs blogs militaires russes 4 ont déjà reproché avec virulence au commandement militaire de ne pas avoir détecté les préparatifs ou empêché les opérations offensives ukrainiennes dans l’oblast de Koursk. 
  • Dans une tentative de contrôler l’expression publique, Andrey Kurshin, auteur d’un blog ultranationaliste sur Telegram 5 a été condamné à six ans et demi de prison pour avoir publié de « fausses » informations sur l’armée russe 6.

Dans les faits, en ouvrant un nouveau front, l’armée ukrainienne élargit le périmètre du conflit et effectue une escalade horizontale

  • Pour le moment, les réactions officielles ukrainiennes restent limitées. Le Président ukrainien n’a pas encore commenté directement l’incursion. Cependant, dans son discours quotidien du 8 août, Volodymyr Zelenskyy a souligné qu’il avait reçu trois rapports du commandant en chef Syrsky. Il a précisé que ces rapports étaient « efficaces et répondaient exactement aux besoins actuels de notre État. » 7
  • Mykhailo Podolyak, conseiller de Volodymyr Zelensky, a écrit sur X (ex Twitter) que « la seule raison des événements de Koursk est l’agression armée russe » et que, par conséquent, Poutine est « l’architecte de l’autodestruction de la Russie » 8
  • Les réactions de la société civile ukrainienne sont pour la plupart positives, mais certains émettent des doutes quant à la faisabilité d’une telle opération, compte tenu des besoins en ressources dans d’autres parties de la ligne de front.

Sur le front ukrainien, la Russie a obtenu récemment des succès militaires, au sud-ouest de la ville de Donetsk et dans la zone frontalière de l’oblast de Donetsk-Zaporizhia ainsi qu’au nord-est de Siversk.

  • Les capacités offensives de la Russie paraissent toutefois limitées, les forces ukrainiennes auraient réussi récemment à reprendre des positions au sud de Tchassiv Yar. Selons les services de renseignement militaire ukrainiens, le potentiel offensif russe serait proche d’un pic qui pourrait arriver à son terme « d’ici un mois et demi à deux mois » 9.
  • Cette incursion pourrait être comprise comme une manœuvre destinée à diminuer la pression des troupes russes sur le Donbass, en détournant l’attention de leurs avancées et en les ralentissant.

Depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, plusieurs incursions et attaques du territoire russe ont eu lieu :

  • Il y a un an, en août 2023, l’Ukraine avait défié les défenses russes dans les airs en lançant ce que Michel Goya avait qualifié « d’opération Moscou » : une série d’attaques par drones sur des cibles symboliques de la capitale russe, créatrices de nuisances et visant à faire entrer la guerre chez l’envahisseur.
  • Sur terre, la dernière incursion notable en date a eu lieu le 12 mars 2024, dans les oblasts de Koursk et de Belgorod, en conduisant à la revendication du contrôle de Tyotkino et de Lozovaya Rudka. 
  • Si Kiev a soutenu ces incursions terrestres, elle a nié jusqu’ici toute implication directe.