Dans l’est de l’Ukraine, le manque de moyens matériels et humains est probablement plus sévère que précédemment évalué.

  • Le 24 mars, l’Institute for the Study of War estimait qu’il était « peu probable que les forces russes menacent d’encerclement ou de prise de contrôle la ville de Tchassiv Yar dans les mois à venir »1.
  • Dans son point de situation quotidien du dimanche 14 avril, le centre de recherche américain admettait que « les forces russes pourraient être en mesure d’avancer plus rapidement que lors des efforts précédents, compte tenu de l’insuffisance actuelle de l’artillerie et de la défense aérienne de l’Ukraine »2.

Plusieurs éléments soutiennent la dégradation de la situation observée par l’ISW, le plus significatif étant probablement les témoignages des forces ukrainiennes déployées dans et autour de la ville. Mercredi 17 avril, un commandant de compagnie opérant autour de Tchassiv Yar disait « manquer de tout »3. La veille, le commandant du bataillon de drones Achille Yuriy Fedorenko évoquait le chiffre d’un tir d’artillerie ukrainien pour cinq voire sept tirs russes4.

  • L’observation visuelle confirmée du vol à basse altitude de Soukhoï Su-25 russes au-dessus de Tchassiv Yar mardi 9 avril suggère quant à elle que les systèmes de défense antiaérienne ukrainiens ne représentent plus une menace jugée rédhibitoire par l’état-major russe5.
  • L’aviation russe avait déjà joué un rôle significatif d’appui feu rapproché durant le siège d’Avdiivka avant la chute de la ville le 17 février — en rupture avec une longue période de quasi-absence d’appareils au plus proche des combats.
  • L’engagement aérien russe se traduisait alors par des pertes d’appareils les plus importantes depuis octobre 2022, avec un bilan de 13 avions détruits au cours du mois de février. Moscou avait notamment perdu 2 appareils de détection Iliouchine A-50 en un peu plus d’un mois.
  • Or, l’armée ukrainienne n’a pas abattu un seul appareil russe depuis le 3 mars. Un hélicoptère de transport russe Mi-8 au sol a néanmoins été détruit à Samara, à près de 900 kilomètres de la frontière ukrainienne, probablement par une frappe de drone6.

Malgré un important désavantage matériel en faveur de l’armée russe, le commandement ukrainien compte tenir la ville et a renforcé les brigades déployés dans et autour de Tchassiv Yar avec des munitions, des drones et des équipements de guerre électronique7. Comme le note l’analyste du groupe d’OSINT finlandais Black Bird, Emil Kastehelmi, l’offensive russe pourrait reposer majoritairement sur de l’infanterie en raison des importantes pertes de blindés et d’autres véhicules sur d’autres secteurs8. Dans ce cas de figure, la topologie de la ville fournirait un avantage défensif non négligeable aux forces ukrainiennes.

Sources
  1. Riley Bailey, Christina Harward, Angelica Evans, Nicole Wolkov et Frederick W. Kagan, Russian Offensive Campaign Assessment, March 24, 2024, Institute for the Study of War.
  2. icole Wolkov, Riley Bailey, Grace Mappes, Angelica Evans et Frederick W. Kagan, Russian Offensive Campaign Assessment, April 14, 2024, Institute for the Study of War.
  3. James Marson et Daniel Michaels, « Ukraine’s Chances of Pushing Russia Out Look Increasingly Grim », The Wall Street Journal, 17 avril 2024.
  4. Christopher Miller, « Ukraine’s eastern cities brace as Russian troops advance », Financial Times, 16 avril 2024.
  5. Publication sur X (Twitter) de NOELreports, 9 avril 2024.
  6. Message Telegram du Direction générale du renseignement du ministère de la Défense ukrainien, 17 avril 2024.
  7. Veronika Melkozerova, « Russian victory in Chasiv Yar would jeopardize ‘last stronghold’ of Donetsk region, Ukrainians say », Politico, 16 avril 2024.
  8. Publication sur X (Twitter) d’Emil Kastehelmi, 16 avril 2024.