D’une manière globale, l’aviation joue un rôle largement effacé depuis le début de la guerre en Ukraine, une situation illustrée par les délais de livraison d’avions de chasse américains F-16 à l’Ukraine dont le déploiement a encore été repoussé autour de juin 2024.

Cette situation a commencé à évoluer dernièrement sur la ligne de front.

  • L’aviation a joué un rôle significatif durant le siège d’Avdiivka, village de l’oblast de Donetsk tombé aux mains des Russes le 17 février, lorsque l’armée russe a été en mesure de faire de l’appui feu aérien rapproché.
  • Stéphane Audrand considère que c’est principalement « l’environnement risqué pour les plateformes pilotées (hélicoptères, avions) russes qui a contraint Moscou à n’avoir recours dans la profondeur qu’à des armes à longue portée non-pilotées (missiles de croisière et balistiques, drones) ».
  • Forte de ses récentes avancées dans l’Est de l’Ukraine, l’aviation russe a de plus en plus recours à des appareils pilotés pour larguer des bombes sur la ligne de front — en rupture avec la dynamique du conflit observée au cours des deux premières années.

Cet engagement aérien russe au plus proche des combats n’est pas sans coût : l’armée de l’air ukrainienne estime que le mois de février 2024 a vu les pertes d’appareils russes les plus importantes depuis octobre 2022, avec un bilan de 13 avions détruits1. Moscou a notamment perdu 2 appareils de détection Iliouchine A-50 en un peu plus d’un mois, sur un total de 6 en fonctionnement selon le directeur du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Budanov2.

  • Ces destructions d’appareils russes — pour une partie desquels aucune preuve n’a encore été fournie par Kiev — constituent un sérieux revers pour l’armée russe, mais ne devraient pas mettre fin aux opérations aériennes en Ukraine (du moins pour les avions de chasse).
  • Selon l’Institute for the Study of War, la Russie possède environ 300 avions de chasse / bombardiers tactiques Soukhoï3.
  • Les importantes pertes de pilotes et autres personnel de l’armée de l’air russe (159 à la mi-février, un chiffre probablement plus élevé aujourd’hui) représentent quant à elles une « sérieuse perte de capacité », selon le Royal United Services Institute for Defence and Security Studies (RUSI)4.

Des experts militaires et analystes attribuent le taux élevé de destruction de ces appareils aux sorties russes plus fréquentes au plus près de la ligne de front ainsi qu’aux capacités ukrainiennes en matière de défense anti-aérienne5. La France, dont le ministère des Armées a récemment communiqué la liste des équipements fournis à Kiev, a notamment envoyé un système sol-air moyenne portée/terrestre (SAMP/T), six missiles Mistral ainsi que deux batteries de missiles sol-air Crotale NG du 24 février 2022 au 31 décembre 20236.

Sources
  1. Publication sur X (Twitter) du ministère de la Défense ukrainien, 29 février 2024.
  2. Roman Petrenko, « Russia will be forced to stop round-the-clock duty of A-50 planes if another one is lost – Chief of Ukraine’s Defence Intelligence », Ukrainska Pravda, 25 février 2024.
  3. Angelica Evans, Riley Bailey, Nicole Wolkov, Kateryna Stepanenko et Frederick W. Kagan, Russian Offensive Campaign Assessment, 3 mars 2024.
  4. Jack Watling et Nick Reynolds, Russian Military Objectives and Capacity in Ukraine Through 2024, RUSI, 13 février 2024.
  5. Constant Méheut, « Shift in Russian Tactics Intensifies Air War in Ukraine », The New York Times, 5 mars 2024.
  6. Liste des équipements livrés à l’Ukraine, Ministère français des Armées, 4 mars 2024.