« Pourquoi la Russie est-elle meilleure que l’Iran » ? En Ukraine, la défense d’Israël relève d’un double standard

Entre le 13 et le 14 avril, Israël a subi l’attaque aérienne de longue portée la plus massive de son histoire. Au total, 170 drones Shahed-136/131, 120 missiles balistiques et 30 missiles de croisière ont été lancés contre son territoire. Grâce à l’appui de grandes puissances (États-Unis, France, Royaume-Uni) et de pays de la région (Jordanie, Arabie saoudite, Émirats arabes unis), seulement 4 missiles se sont écrasés sur le sol israélien, provoquant une victime civile.

En Ukraine, la défense directe du territoire israélien a été perçue comme relevant d’un double standard, alors que le pays subit quotidiennement des frappes russes sur ses infrastructures civiles, énergétiques et militaires.

• Le ministère des Affaires étrangères ukrainien et l’ambassade d’Ukraine en Israël ont « fermement condamné » l’attaque iranienne qui « démontre une fois de plus l’importance de mobiliser toutes les forces du monde libre pour protéger les frontières mondiales de la démocratie »¹.
• Dans un discours prononcé dimanche 14 avril, Volodymyr Zelensky rappelait l’ampleur de la campagne aérienne russe contre l’Ukraine : 130 drones Shahed, 80 missiles et 700 bombes aériennes guidées au cours de la semaine².
• Jeudi dernier, une frappe de missiles russe détruisait la centrale de Trypilska, quatrième centrale charbon du pays. Au total, la Russie a détruit ou endommagé plus de 95 % des capacités ukrainiennes de production d’électricité à partir de charbon depuis le début de la guerre.

Dans un entretien avec PBS News diffusé le 16 avril, le président ukrainien déclarait que l’armée n’avait pas pu protéger la centrale de Trypilska en raison de l’épuisement des réserves de missiles sol-air disponibles³. Quelques jours plus tard, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et dans une moindre mesure l’Allemagne — soit les pays dont l’assistance militaire à l’Ukraine est la plus déterminante pour Kiev — dépensaient plusieurs dizaines millions de dollars en carburant pour avions de chasse et missiles pour défendre directement Israël.

• Sur les réseaux sociaux ukrainiens, des milliers de messages ont mis en évidence cette réalité dans un pays quotidiennement attaqué par la Russie, et dont les habitants vivent avec le bruit des sirènes d’alerte.
• Parmi les messages les plus récurrents, on retrouve notamment : « pourquoi sommes-nous pires qu’Israël ? », « pourquoi la Russie est-elle meilleure que l’Iran ? » ou encore « pourquoi les voisins d’Israël (Jordanie) abattent-ils des drones sur leur territoire, alors que nos voisins (Pologne) autorisent le vol de missiles »⁴ ?
• L’attaque iranienne contre Israël a relancé le débat sur ce dernier point qui existe depuis 2022. Dimanche 14 avril, le ministre des Affaires étrangères ukrainien considérait « réaliste » la protection du ciel des régions occidentales de l’Ukraine par les systèmes de défense antimissiles Patriot déployés en Pologne⁵.
• La veille, l’Allemagne annonçait donner un troisième système Patriot à l’Ukraine. Ce geste fort est néanmoins insuffisant pour protéger les villes et centrales ukrainiennes (le besoin total est estimé à 25 systèmes) et ne résout pas la question centrale de l’approvisionnement régulier en missiles — dont le coût unitaire est de 4 millions de dollars⁶.

La défense d’Israël a également témoigné de l’efficacité des moyens disponibles aux grandes puissances pour intercepter la quasi-totalité des projectiles dans le cadre d’une attaque longue distance aux proportions inédites. Comme le révèle une analyse de données compilées par l’Institute for the Study of War, le taux d’interception par les forces ukrainiennes est directement corrélé à l’épuisement du soutien américain ainsi qu’à l’amélioration des tactiques de frappe russes. Entre décembre 2023 et février, l’Ukraine interceptait environ 60 % des missiles russes dans le cadre d’attaques massives⁷. Depuis le 22 mars, ce taux est passé sous les 50 %⁸.