La volonté de renforcement des capacités militaires et l’évolution de la perception des menaces dans le contexte de l’invasion russe de l’Ukraine a entraîné un regain du débat sur la conscription dans plusieurs États membres.

  • Le gouvernement danois a présenté ce mois-ci un projet de loi visant à étendre la conscription aux femmes dans l’espoir d’augmenter ses effectifs annuels d’environ 4 700 conscrits en 2023 à 5 000 — avec également un allongement de la durée du service de 4 à 11 mois.
  • En décembre, le ministre de la Défense allemand Boris Pistorius a qualifié d’« erreur » la suppression du service militaire obligatoire en 2011. Un projet de réforme du service militaire pourrait être présenté d’ici le 1er avril, prévoyant un rétablissement de la conscription en 2025, d’après Der Spiegel1.
  • En Lituanie, alors que la conscription, supprimée en 2008, avait été rétablie temporairement dès 2015 après l’annexion russe de la Crimée, une réforme visant à augmenter progressivement le nombre de conscrits pourrait entrer en vigueur « à partir de 2025 » et « poser les bases d’un passage à une conscription universelle »2.

Le débat refait surface dans un contexte où les armées européennes professionnelles font face à une baisse de leurs effectifs du fait de démissions et de difficultés de recrutement. 

  • En 2023, les effectifs de la Bundeswehr ont diminué de 1 537 soldats en 2023 par rapport à 2022, passant à 181 514. Le nombre de postes vacants parmi les officiers allemands — de 15,8 % en 2022 — est passé à 17,6 %, avec pour conséquence l’aggravation du problème de surcharge de travail des personnels en poste3
  • En France, le chef d’État-major de l’armée de Terre rapportait en octobre une tendance similaire, avec un déficit de recrutement d’environ 2 000 soldats en 2023 par rapport à l’objectif fixé de 16 000 recrues.

Parmi les réformes militaires potentielles, l’extension de la conscription ne fait cependant pas l’unanimité et sa faisabilité et sa pertinence restent questionnées. 

  • Face au projet de loi, le syndicat danois CS a exprimé ses inquiétudes vis-à-vis d’un plan « irréaliste » au vu des faibles effectifs disponibles pour l’encadrement des conscrits.
  • En Allemagne, plusieurs membres de la coalition dont fait partie le ministre Pistorius ont exprimé des réserves sur ses projets, y compris de son propre parti, le SPD4

Alors que la Pologne s’est fixée pour objectif d’augmenter ses effectifs à 300 000 soldats d’ici 2030 (contre 202 100 aujourd’hui) — et deviendrait ainsi de loin la première armée européenne — Varsovie a plutôt opté pour un service volontaire rémunéré, introduit dans sa loi sur la défense adoptée en mars 2022. Le salaire s’élève à 6 000 zlotys, soit 1 392 euros5, au-dessus du salaire minimum passé à 4 942 zlotys (980 euros) en janvier 2024. 

D’autres options pour renforcer les moyens humains des armées sont préférées par certains spécialistes. Michel Goya insiste par exemple sur les investissement pour améliorer et renforcer les réserves opérationnelles, plutôt que dans la formation d’un large nombre de conscrits moins expérimentés et non déployables immédiatement.