Pour Jan-Christian Kaack, l’inspecteur de la marine allemande (équivalent du chef d’état-major), le Hessen, entré en service en 2004, représente le « standard-or » de la flotte allemande. Opérée par 236 marins — soit le plus gros équipage de la Deutsche Marine —, cette frégate dispose d’un équipement radar de pointe ainsi que d’armements défensifs comme offensifs capables d’engager des menaces jusqu’à 160 km de distance1.

La coalition que l’Union européenne veut mettre en place en mer Rouge fera usage de ces capacités pour protéger le trafic commercial, avec une présence d’au moins trois navires en même temps pour une durée totale d’au moins un an.

  • Outre l’Allemagne, la Grèce, l’Italie, la France, le Danemark, la Belgique et les Pays-Bas ont déjà annoncé mettre à disposition certains de leurs navires, en amont d’une Force Sending Conference qui fixera le rythme des rotations.
  • En principe, le Hessen devrait rester sur place jusqu’à mi-avril.

Le cadre général et juridique de l’engagement européen a déjà été arrêté en janvier, mais la décision politique finale sur l’engagement de chacun des États membres dépendra des ministres des Affaires étrangères qui se réuniront en conseil le 19 février. En Allemagne même, l’approbation du déploiement de la frégate passe par un mandat du Bundestag.

  • Toute projection militaire allemande « hors-zone » de l’OTAN se heurte en effet à des contraintes constitutionnelles importantes.
  • La réaction militaire de la Bundeswehr intervient certes plus tard que les Américains et les Britanniques, mais d’un point de vue strictement allemand les choses sont allées relativement vite.
  • Le gouvernement a ainsi pris les devants de la décision parlementaire en dirigeant le Hessen sur la zone putative de son engagement en amont du vote.

Si la mission du Hessen est approuvée, le navire de guerre rejoindra donc la force navale européenne, mais aussi les unités britanniques et américaines déjà déployées au sein de deux missions, Prosperity Guardian et Poseidon Archer, dans le cadre desquelles ont été menées les frappes contre des cibles houthistes au Yémen. Contrairement à l’US Navy et à la Royal Navy, la mission européenne ne mènera, selon Josep Borrell, à aucune opération terrestre offensive2.

À l’instar des autres domaines de leur défense, bientôt deux ans après le discours de la Zeitenwende, les capacités navales allemandes sont limitées. Comme l’a souligné l’inspecteur de la marine Jan-Christian Kaack pendant une conférence de presse, si la Royal Navy possède six frégates comparables, la marine nationale française huit, et la marine italienne douze, l’Allemagne ne compte que trois unités de ce type.

Cependant cette opération constitue bien un changement vis-à-vis de l’histoire récente de la marine allemande.

  • Certes la marine allemande a été active dans l’opération Atalante de lutte contre la piraterie dans l’océan Indien, mais selon l’inspecteur de la marine Kaack, l’envoi du Hessen en mer Rouge est « l’engagement le plus sérieux d’une unité navale allemande depuis de nombreuses décennies »3.
  • Contrairement à des rengaines souvent présentes lorsqu’il est question des forces armées allemandes, l’envoi du Hessen semble avoir été bien préparé.
  • Durant les derniers mois, le navire a fait partie d’un groupe aéronaval protégeant un porte-avion américain, son équipage s’est entraîné avec des munitions réelles et il a participé au « fer de lance » maritime de l’OTAN dans la Baltique et la mer du Nord.

Si la réussite de la mission confiée au Hessen est assez probable sur le plan technique, l’apaisement général de la situation navale en mer Rouge dépend de facteurs géopolitiques qui dépassent de loin la présence de navires occidentaux dans la zone.

Sources
  1. Fregatten der Sachsen-Klasse, Bundeswehr.
  2. Andrew Gray, « Eu aiming to launch Red Sea naval mission by mid-Feb », Reuters, 31 janvier 2024.
  3. « Marine : Mission im Roten Meer « ernsthafterster Einsatz » seit Langem », Tagesschau, 8 février 2024.