Il s’agit de la troisième tournée diplomatique d’un haut-responsable américain depuis le début de l’année 2023, suite aux visites du secrétaire d’État Antony Blinken plus tôt ce mois-ci et de la secrétaire au Trésor Janet Yellen en janvier. L’ambassadrice américaine aux Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, s’est quant à elle également rendue au Ghana, au Mozambique, au Kenya puis en Somalie en janvier. 

Si le renforcement des liens avec l’Afrique figurait parmi les priorités de l’agenda de Biden en matière de politique étrangère, l’invasion de l’Ukraine par la Russie ainsi que le renforcement de la lutte globale d’influence qui s’en est suivi ont conduit Washington à adopter une diplomatie plus active.

  • Durant le mois d’août 2022, Blinken s’était déjà rendu sur le continent africain suite à la publication par la Maison-Blanche du « U.S. Strategy toward Sub-Saharan Africa », un document stratégique mettant l’accent sur la promotion d’une ouverture démocratique en Afrique subsaharienne afin de « contrer les activités nuisibles de la République populaire de Chine, de la Russie et d’autres acteurs »1.
  • Comme reflété par les votes sur les résolutions des Nations unies, le continent africain est profondément divisé quant aux récits portés par les différents acteurs engagés — directement ou indirectement — dans la guerre en Ukraine.
  • Le 13 décembre dernier, Joe Biden avait invité à Washington les chefs d’État et de gouvernement de 49 pays africains, renouvelant avec un format de rencontre dont la dernière occurrence remontait à 2014. Par la suite, Donald Trump était devenu le premier président américain depuis Reagan à ne pas se rendre en Afrique subsaharienne au cours de son mandat.

Au cours de cette dernière rencontre, plusieurs engagements financiers ont été pris par l’administration Biden dont : 55 milliards de dollars d’investissements au cours des trois prochaines années « pour soutenir l’économie, la santé et la sécurité de l’Afrique », 350 millions de dollars pour l’initiative « Digital Transformation with Africa » (DTA)2, 10 millions de dollars de financements pour la « Health Electrification and Telecommunication Alliance » ainsi que 2,5 milliards de dollars d’assistance humanitaire principalement destinés à lutter contre l’insécurité alimentaire. Toutefois, aucune annonce significative n’a été faite concernant des problèmes plus structurels, tels que la dette.

  • Selon le Programme des Nations unies pour le Développement, 54 pays au monde connaissent de « graves problèmes d’endettement », dont 24 en Afrique subsaharienne.
  • La Zambie et le Ghana — deux pays qui accueilleront Kamal Harris cette semaine — ont tous deux fait défaut sur leurs dettes depuis la pandémie de coronavirus. La dette zambienne, qui s’élève à plus de 17 milliards de dollars, est détenue à plus de 30 % par des acteurs chinois3.
  • Lors de sa visite à Lusaka en janvier, Janet Yellen a déclaré que la Chine — et ses créanciers — constituait un « obstacle » à la résolution de la crise de la dette zambienne, appelant Pékin à « accepter une restructuration rapide des prêts accordés à la Zambie »4.
  • Dans le même temps, Moscou fait également de la dette un des piliers de sa diplomatie vis-à-vis de l’Afrique. Lundi 20 mars, Vladimir Poutine a notamment déclaré que « la Russie a annulé les dettes des États africains pour un montant de plus de 20 milliards de dollars »5.

Tandis que le deuxième Sommet pour la démocratie de Biden se tiendra cette semaine, cette visite de Kamala Harris vise à prolonger l’effort diplomatique intensifié depuis l’an dernier à destination du continent africain. Contrairement à l’approche commune en Afrique subsaharienne qui consiste à conserver de bonnes relations avec des acteurs aux intérêts divergents (États-Unis, Chine, Russie notamment) du moment que celles-ci correspondent à « l’intérêt national » du pays, Washington veut renouer le plus possible avec les pays africains — tout en les éloignant de l’influence de Pékin et de Moscou.

Sources
  1. U.S. Strategy toward Sub-Saharan African, Maison-Blanche, 8 août 2022.
  2. FACT SHEET : New Initiative on Digital Transformation with Africa (DTA), Maison-Blanche, 14 décembre 2022.
  3. Akayla Garder, « US Fights for Influence in Africa Where China, Russia Loom Large », Bloomberg, 24 mars 2023.
  4. Joseph Cotterill, « China is ‘barrier’ to ending Zambian debt crisis, says Janet Yellen », Financial Times, 23 janvier 2023.
  5. « Russia wrote off $20 bln of African nations’ debts, Putin says », TASS, 20 mars 2023.