• Aujourd’hui, Emmanuel Macron entame une visite diplomatique de quatre jours qui le conduira au Cameroun, puis au Bénin et en Guinée-Bissau. Après avoir annoncé la fin de l’opération Barkhane en février dernier, le président français a rappelé son intérêt pour l’Afrique le 13 juillet dernier à l’occasion d’un discours prononcé à l’Hôtel de Brienne, lorsque ce dernier a « demandé aux ministres et au chef d’État-Major des armées de pouvoir repenser d’ici à l’automne l’ensemble de nos dispositifs sur le continent africain »1.
  • L’objectif de cette tournée diplomatique est en premier lieu de réaffirmer l’engagement sécuritaire de la France vis-à-vis de l’Afrique centrale dont le troisième pays le plus peuplé, le Cameroun, est exposé à la menace de Boko Haram dans sa partie nord — sans oublier le conflit toujours en cours entre le gouvernement et les mouvements séparatistes anglophones. Cependant, la guerre en Ukraine occupera également une partie importante des discussions entre Emmanuel Macron et ses homologues africains, alors que la Russie a violé l’accord conclu sur les céréales ukrainiennes quelques heures à peine après sa signature.
  • La temporalité dans laquelle s’inscrit cette tournée diplomatique française est intéressante puisqu’elle correspond à une visite du même type engagée hier par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Après avoir rencontré le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, et les représentants permanents de la Ligue arabe hier au Caire, Lavrov s’apprête à entamer aujourd’hui un voyage de plusieurs jours qui le conduit en Éthiopie, puis en Ouganda et en République démocratique du Congo2.
  • Au Caire, Sergueï Lavrov a joué du récit anticolonial visant les pays occidentaux en déclarant que : « La propagande selon laquelle la Russie « exporterait la faim » est absolument sans fondement »3. Moscou insiste depuis le début de l’invasion que les sanctions occidentales sont responsables de la crise alimentaire et des pénuries. L’Égypte ayant importé pour plus de 7 milliards de dollars de blé russe entre 2016 et 2020, Moscou dispose d’un atout de taille en Afrique du Nord — mais également subsaharienne — pour vendre le narratif du Kremlin. Lavrov a présenté la Russie comme un acteur uniquement désireux de tenir les exportations de céréales, contre la mauvaise volonté ukrainienne.
  • L’Afrique est de plus en plus devenue un terrain de lutte informationnelle et d’influence depuis le début de la guerre. Les trois pays où Emmanuel Macron va se rendre n’ont pas pris part au vote sur la résolution du 2 mars aux Nations unies condamnant l’agression militaire russe. À l’inverse, la République démocratique du Congo, où va se rendre Sergueï Lavrov, a voté pour condamner l’agression russe, mais aurait également accueilli sur son sol des mercenaires de l’entreprise russe Wagner4.
  • La Russie investit de plus en plus massivement en Afrique, en apportant ainsi une alternative au modèle occidental critiqué dans un nombre important de pays africains — non sans rappeler la stratégie employée par la Chine sur le continent. Après la décision de l’Union européenne de suspendre ses activités le 2 mars dernier, la chaîne de télévision russe financée par le Kremlin, RT, a ouvert vendredi dernier son premier bureau africain5. Dans l’éventualité d’un conflit long avec l’Ukraine — comme le prévoit l’OTAN — l’Afrique pourrait devenir un terrain d’affrontement central, dans lequel la France occupe une place importante.
Sources
  1. Élysée, Discours aux armées à l’Hôtel de Brienne, 13 juillet 2022.
  2. Polina Ivanova, « Sergei Lavrov on Africa tour to counter accusation Russia is ‘exporting hunger’ », The Financial Times, 25 juillet 2022.
  3. Ministère des Affaires étrangères russe, S.Lavrov at a meeting with the permanent representatives of the Arab League members, Cairo, July 24, YouTube.
  4. « Private military contractors bolster Russian influence in Africa », France 24, 4 février 2022.
  5. Antony Sguazzin, « Banned in Europe, Kremlin-Backed RT Channel Turns to Africa », Bloomberg, 22 juillet 2022.