• À la fin du mois de juillet, la visite d’Emmanuel Macron en Guinée-Bissau, au Bénin puis au Cameroun faisait suite à une tournée diplomatique engagée par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, un jour plus tôt, qui avait débuté en Égypte avant de se prolonger en Éthiopie, en République du Congo puis en Ouganda.
  • Depuis le début de la guerre en Ukraine, le continent africain — et particulièrement l’Afrique sub-saharienne — est le théâtre d’une guerre des récits entre les pays occidentaux et la Russie, qui cherchent tous deux à faire basculer d’un côté ou de l’autre les pays africains ayant adopté une position ambiguë par rapport au conflit. Tandis que Moscou promet de traiter avec les nations africaines sur un pied d’égalité, Antony Blinken est quant à lui venu faire la promotion des idéaux démocratiques et renforcer la coopération entre les États-Unis et l’Afrique sur des enjeux globaux comme la prévention des pandémies, la lutte contre le changement climatique ou les technologies émergentes.
  • Lundi, avant l’arrivée d’Antony Blinken sur le continent, la Maison-Blanche publiait un document stratégique intitulé « U.S. Strategy toward Sub-Saharan Africa ». Bien qu’assez large et imprécis dans son contenu, la « nouvelle stratégie africaine des États-Unis » met l’emphase sur la promotion d’une ouverture démocratique en Afrique subsaharienne afin de « contrer les activités nuisibles de la République populaire de Chine, de la Russie et d’autres acteurs »1.
  • Sur le terrain, Blinken a toutefois choisi la voie de « la séduction plutôt que de l’intimidation »2. Lundi, lors d’une interview donnée à la chaîne de télévision eNews Channel Africa, le Secrétaire d’État américain confiait que sa visite n’était « en lien avec aucun autre lieu ou pays », après avoir été interrogé sur les objectifs de sa visite en Afrique du Sud. Autrement dit, Blinken se défend d’être venu pour « contrecarrer l’influence russe », mais dit plutôt être venu faire la promotion de la relation entre les États-Unis et les pays africains3.
  • Dans les faits, cette nouvelle stratégie reprend dans les grandes lignes ce qui était déjà la priorité depuis le début de l’administration Biden, à savoir « ne plus traiter l’Afrique comme un sujet de géopolitique, mais comme un acteur majeur » — ce qui fût déjà le cas lors de la dernière tournée africaine de Blinken, en novembre 2021. Elle reprend également les priorités de Biden en matière de politique étrangère, esquissées dans son article paru dans Foreign Affairs en janvier 2020, de lutter contre la régression démocratique mondiale et de restaurer le rôle des États-Unis dans le monde après les années Trump4.
  • Depuis le début de la guerre, la Russie investit de plus en plus le théâtre africain et Vladimir Poutine renforce ses liens avec les leaders du continent. Dernier exemple en date, mercredi 10 août, Assimi Goïta, le militaire à la tête de la junte qui a pris le pouvoir au Mali en mai dernier, faisait savoir qu’au cours d’un entretien téléphonique avec le président russe, ce dernier avait « évoqué l’appui de la Fédération de Russie à la transition politique malienne ». Cet échange faisait suite à la réception par Bamako de plusieurs avions et hélicoptères de combat russes, fruit du partenariat « gagnant-gagnant » entre la Russie et le Mali, selon les mots du ministre malien de la défense, Sadio Camara5.
Sources
  1. U.S. Strategy toward Sub-Saharan African, Maison-Blanche, 8 août 2022.
  2.  Missy Ryan, « In Africa, Blinken seeks to beguile, not browbeat, over Russia », The Washington Post, 8 août 2022.
  3. Secretary Antony J. Blinken With Thulasizwe Simelane of eNCA, Département d’État américain, 8 août 2022.
  4. Joseph R. Biden Jr., « Why America Must Lead Again. Rescuing U.S. Foreign Policy After Trump », Foreign Affairs, 23 janvier 2020.
  5.  « Mali-Russie : Assimi Goïta et Vladimir Poutine ont échangé par téléphone », Jeune Afrique, 11 août 2022.