Le régime de transition démis de ses fonctions

  • Le 25 mai 2021, le colonel Goïta a démis de leurs fonctions le président de transition Bah N’Daw, ainsi que son premier ministre Moctar Ouane. À la tête du coup d’État qui mit fin au régime d’Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020, celui-ci ne pouvait admettre que la composition d’un gouvernement soit décidée par un président qu’il avait lui-même installé, dans son poste à vocation honorifique. Dans le gouvernement de transition dominé par des Peuls et des Touaregs, les généraux se retrouvaient ministres, donc supérieurs aux colonels qui détiennent en apparence le pouvoir. 
  • Le colonel Assimi Goïta dispose du soutien de ses pairs, qui ne veulent pas voir le retour de la prééminence des paracommandos au béret rouge, qu’affectionnent particulièrement la Minusma et la France. Le général Moussa Diawara, à la tête de la Direction Générale de la Sécurité d’Etat malienne (DGSE) entre 2013 et 2020 (structure héritée des soviétiques) est quant à lui l’homme fort de la transition politique. Son rôle dans la détermination des actions des colonels lui vaut de se trouver sur la liste noire du gouvernement potentiel, et de la Minusma. 

Le Mali et son rapport au pouvoir

  • L’armée malienne est traditionnellement formée au pouvoir, pas à la guerre. Le premier à avoir pris de force le pouvoir en 1968, Moussa Traoré, est sorti major de l’école militaire de Fréjus, dédiée à la formation d’officiers africains et malgaches durant les indépendances. Traoré a par la suite sapé la première armée malienne, importée de Dakar par le général Abdoulaye Soumaré. Il est renversé par Amadou Toumani Touré, qui était le chef de sa garde présidentielle, et l’homme à la tête des paracommandos. Goïta quant à lui est un militaire que l’on pourrait qualifier du troisième type, son habitude de la communication fait partie des éléments hérités de sa formation par les Américains. Sa prise de pouvoir a été applaudie.
  • Jusqu’à présent, seulement trois civils ont dirigé le Mali : Modibo Keïta, Alpha Oumar Konaré, puis Ibrahim Boubacar Keïta, tous des autocrates. Ces derniers concevaient la DGSE comme un instrument plus indispensable à la gouvernance que des bataillons mal nourris, mal équipés et mal payés. Le Mali est désormais à la recherche d’un militaire qui aurait des habits civils sans les tares d’un politicien, ce qui n’est pas chose aisée. Jerry Rawlings, président du Ghana entre 1981 et 2001, correspondait un peu à ce modèle ; il n’a cependant jamais eu de « frère » malien parmi ses amitiés. Ce dernier préférait emmener avec lui dans son hélicoptère le président burkinabé Blaise Compaoré, un jour marxiste toujours fêtard.

Un certain regard français

  • La France quant à elle n’a plus aucune trace de sa connaissance du Mali, malgré l’empilement des études de l’AFD ou d’autres organes et agences de l’État. Il s’agit de rappeler que c’est l’AOF qui avait choisi Kidal en 1937, l’enfer de chaleur et de soif, comme zone de relégation pour les hommes politiques et religieux qui lui déplaisait, Moussa Traoré avait perpétué cette décision. Il faut reconnaître à Amadou Toumani Touré, proche de Bernard Kouchner avec qui il entretenait de bonnes relations, le mérite d’avoir clos cette prison infernale, chef-lieu de la rébellion touarègue en 2012.
  • L’ambassadeur français en poste à Bamako entre 2002 et 2006, Nicolas Normand, semble s’être désintéressé de l’emprise grandissante exercée alors par des groupes insurgés. Proche des milieux socialistes, il préférait les intellectuels brillants et ne faisait cependant rien pour déplaire à l’Elysée. Le manque de communication entre la DGSE française et son homonyme malienne a laissé cette dernière faire face à d’énormes défis. Lorsque François Hollande est venu au secours du Mali en janvier 2013, il n’a pas aidé l’armée malienne, il a achevé de l’émasculer. Emmanuel Macron en voulant sauver un président fantoche, ni élu ni consensuel, n’entend pas que la nation est une affaire trop sérieuse pour la laisser à des urnes trafiquées.