Yaoundé. La présence de l’État camerounais dans les régions anglophones (Nord-Ouest et Sud-Ouest) est attaquée depuis plusieurs mois. Les manifestations de janvier 2017, appelant à l’intégration de la langue anglaise dans les institutions et l’administration, ont progressivement laissé place à une escalade qui a enflammé les régions depuis fin 2017 : le plus long embargo sur Internet de l’histoire du continent, a été remplacé, dans les deux régions anglophones, par une situation de guérilla constante. Le front très composite (1) des séparatistes d’Ambazonia a en effet progressivement élargi le théâtre de ses opérations, multipliant les attaques contre les forces de l’ordre, mais aussi contre les écoles et les représentants des institutions, forçant l’« État » à lutter pour chaque garnison institutionnelle en dehors des capitales et à les militariser.

Contrairement aux récits dominants, qui mettent l’accent sur la menace « transnationale » de Boko Haram, le deuxième trimestre 2018 a vu l’établissement du conflit anglophone comme principale source de préoccupation militaire et politique du gouvernement camerounais : selon Acled, les épisodes de violence dans les régions anglophones ont causé 239 victimes, contre 86 dans le conflit avec Boko Haram dans la région du Grand Nord (3). Rien que le 4 septembre, une attaque des forces camerounaises a fait 27 morts parmi les séparatistes à Yemngeh, dans le Menchum (Nord-ouest).

La date de l’élection présidentielle d’octobre, au cours de laquelle Paul Biya, qui est au pouvoir depuis 1982, sera à nouveau à la tête d’une coalition du changement, est probablement l’une des raisons conjoncturelles de cette escalade (2). Si, du point de vue des séparatistes, l’augmentation de l’intensité du conflit peut sembler efficace pour contester le pouvoir de Biya, la situation de violence généralisée pourrait constituer un obstacle plus ou moins légitime à l’ouverture de bureaux de vote dans les régions anglophones, permettant effectivement aux dirigeants gouvernementaux d’empêcher les camerounais anglophones de participer au processus électoral.

Perspectives :

  • 7 octobre 2018 : date prévue pour l’élection présidentielle au Cameroun

Sources :

  1. International Crisis Group, Cameroon’s Anglophone Crisis : Dialogue Remains the Only Viable Solution, 21 decembre 2017.
  2. Cameroun : Paul Biya annonce sa candidature à l’élection présidentielle, Le Monde, 13 juillet 2018.
  3. ZANOLETTI Giovanni, Political Violence in Anglophone Cameroon, ACLED, 22 juillet 2018.