Les combats ont embrasé certains quartiers de la capitale, et des violences ont éclaté dans plusieurs autres villes du Soudan, notamment à Nyala et el-Fasher au Darfour, ainsi que dans l’État du Nil Bleu, à la frontière avec l’Éthiopie. Les deux parties ont affirmé contrôler des infrastructures clefs comme l’aéroport international et la radio-télévision publique.

L’armée soudanaise est depuis longtemps le principal agent du pouvoir dans le pays. Elle a soutenu le dictateur Omar al-Bashir pendant trois décennies avant de l’évincer en 2019, après des mois de manifestations contre l’inflation galopante et la répression menée par le pouvoir en place.

  • En juillet 2021, l’armée dirigée par le lieutenant-général Abdel Fattah al-Burhan a renversé la coalition transitoire, composée de personnalités civiles et militaires, qui avait dirigé le pays après le soulèvement.
  • Le coup d’État avait été suivi de mouvements de protestation pro-démocratie, sévèrement réprimés par l’armée (plus de 100 morts) mais se poursuivant jusqu’à aujourd’hui. Les généraux exerçant un contrôle quasi total, une rivalité s’est intensifiée entre l’armée et la milice des « Forces de soutien rapide » (FSR), qui avait contribué à renverser Omar al-Bashir.
  • Issus des milices janjawids soutenues par le gouvernement qui avaient pris part aux combats au Darfour au début des années 2000, les FSR sont dirigées par Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemedti, ancien homme de main d’al-Bashir ; après le putsch de 2021, il est devenu le numéro deux du pouvoir soudanais, après Abdel Fattah al-Burhan.

Les affrontements surviennent alors que l’armée régulière prévoyait, dans un plan de transition démocratique, de réduire l’indépendance des FSR ; en mars dernier, les deux forces avaient mobilisé leurs troupes aux alentours de Khartoum, avant que Hemedti et al-Burhan ne se rencontrent le 11 mars pour convenir d’une désescalade.

  • L’armée soudanaise et une coalition d’acteurs civils majeurs avaient signé un accord-cadre le 5 décembre 2022, ouvrant la voie à un nouveau gouvernement civil plus d’un an après le putsch ; le plan prévoyait un processus de transition vers des élections démocratiques.
  • Dans le cadre du pacte de partage du pouvoir proposé par l’armée, le FSR — qui possède sa propre structure de commandement, ses propres richesses et ses propres intérêts commerciaux — aurait été intégré à l’armée régulière, perdant son indépendance.

Le plan de transition démocratique aurait permis au gouvernement de débloquer l’aide internationale gelée depuis le coup d’État de 2021, pour relancer une économie en chute libre et freiner une inflation galopante. 

  • En réponse au coup d’État de 2021, les donateurs occidentaux ont gelé des milliards de dollars d’aide financière au gouvernement et ont suspendu les plans de réduction de la dette extérieure du Soudan, qui s’élève à 50 milliards de dollars, réduisant les espoirs de reprise économique. 
  • Au mois de février 2023, le taux d’inflation mensuel était de 63 %. La guerre en Ukraine a aussi aggravé la balance économique du Soudan, le pays important 85 % de son blé, principalement via la Russie et l’Ukraine. 

Bien qu’elle ne dispose pas des chars et de la puissance aérienne de l’armée, la RSF est une force de combat expérimentée, qui a mené des contre-insurrections pendant des années et a joué un rôle dans la guerre menée par l’Arabie saoudite contre les houthis au Yémen. Selon le service de recherche du Congrès américain1, elle pourrait compter jusqu’à 50 000 combattants, faisant craindre une potentielle guerre civile entre les deux factions. 

Sources
  1. Dan Rosenzweig-Ziff, Who are the Rapid Support Forces clashing with Sudan’s military ?, The Washington Post, 15 avril 2023