L’Afrique du Sud se revendique comme « non-alignée ». Cependant, le pays entretient historiquement des liens bien plus étroits avec Moscou qu’avec Kiev.

  • Le 23 janvier, la ministre sud-africaine des relations internationales et de la coopération, Naledi Pandor, accueillait son homologue russe Sergueï Lavrov en visite officielle1.
  • Du 17 au 27 février, la marine sud-africaine a conduit des exercices militaires conjoints avec des navires russes et chinois au large de l’Afrique du Sud.
  • Hier, lundi 15 mai, le commandant des forces terrestres sud-africaines, le lieutenant-général Lawrence Mbatha, s’est rendu à Moscou pour une rencontre bilatérale avec son homologue russe Oleg Salyukov.
  • Au cours de celle-ci, les officiers ont convenu de « renforcer la coopération et d’accroître la préparation au combat de leurs armées », selon le ministère russe de la Défense2.

Cette rencontre — prévue de longue date selon Pretoria3 — intervient quelques jours seulement après que l’ambassadeur américain en Afrique du Sud ait accusé le pays jeudi 11 mai d’avoir autorisé en décembre le « chargement d’armes de guerre » sur un navire russe, le Lady R (détenu par l’entreprise russe MG-FLOT), visé par des sanctions américaines depuis mai 20224.

Dès le 9 janvier, le Wall Street Journal révélait que ce navire avait effectué une « escale secrète » au Cap entre le 6 et le 9 décembre 2022 — sans aucune accusation officielle américaine à ce stade5.

  • Bien que l’ambassadeur américain en Afrique du Sud, Reuben Brigety, ait déclaré être prêt à « parier sa vie » sur le fait que des armes à destination de la Russie ont bien été chargées sur ce navire, le Département d’État n’a produit aucune preuve à ce jour.
  • Après avoir été convoqué au ministère des Affaires étrangères le lendemain, Brigety a déclaré avoir pu « corriger toute impression erronée » laissée par ses remarques publiques. Pour le DIRCO sud-africain, l’ambassadeur américain « a admis avoir franchi la ligne et s’est excusé sans réserve »6.
  • Tandis que Cyril Ramaphosa a déclaré avoir ouvert une enquête visant à déterminer si des armes à destination de la Russie ont bien été embarquées à bord du Lady R, Volodymyr Zelensky a averti que « quiconque aide l’agresseur en lui fournissant des armes sera un complice, avec toutes les conséquences que cela implique », suite à un appel avec son homologue sud-africain samedi 13 mai7.

La ministre sud-africaine de la Défense, Thandi Modise, a déclaré que le Lady R « livrait des marchandises commandées avant la pandémie », tandis qu’un autre ministre a soutenu publiquement que le gouvernement n’avait pas autorisé de vente d’armes à la Russie (l’industrie de défense sud-africaine ne produit pas d’armements et de systèmes d’armes utilisés par l’armée russe, mais aurait pu embarquer des systèmes de guidage, de contrôle et des optiques utilisables par des drones).

  • Cependant, s’il est également plausible qu’une telle livraison soit le fait de contrebandiers — toutefois peu probable, étant donné que le Lady R a amarré dans la plus grande base navale sud-africaine, et non dans un port commercial — et non du gouvernement, l’accusation publique par un diplomate américain d’un pays proche de Washington témoigne d’une dégradation significative des relations entre les États-Unis (et plus globalement de l’Occident) et l’Afrique du Sud8.

Suite à l’émission d’un mandat d’arrêt international contre le président russe pour déportation et transfert illégal de population en mars, Cyril Ramaphosa avait déclaré que l’ANC souhaitait que l’Afrique du Sud quitte la Cour pénale internationale, en amont de la venue de Poutine dans le pays pour le sommet annuel des chefs d’État des BRICS qui se tiendra en août9. Ce dernier devrait finalement participer au sommet à distance via Zoom.