- Dans le scénario d’un conflit opposant plusieurs puissances nucléaires, l’élément déterminant est le nombre d’ogives nucléaires pouvant être utilisées. Au sein des arsenaux nucléaires, les ogives sont divisées en deux catégories : non-stratégiques, à plus courte portée et destinées à être utilisées sur un champ de bataille, et les armes stratégiques, conçues pour attaquer directement le territoire adverse.
- Afin d’évaluer les forces en présence ainsi que les conséquences d’un conflit nucléaire entre les États-Unis et la Russie, le Program on Science & Global Security de l’université de Princeton a développé une simulation permettant de mettre en lumière les conséquences désastreuses qu’un tel scénario aurait sur le monde 1.
- Selon ce scénario intitulé « plan A », plus de 90 millions de personnes à travers le monde trouveraient la mort dans les premières heures du conflit. Après une première escalade, les deux pays dirigeraient des centaines de bombes et missiles nucléaires d’abord sur des cibles tactiques, puis sur des cibles stratégiques, visant les villes les plus peuplées de chacun. Un tel scénario activerait l’article 5 de l’Alliance atlantique, engageant les pays membres dans le conflit.
- Dans son discours prononcé le 21 septembre, Vladimir Poutine prévenait l’Occident qu’il n’excluait pas d’utiliser l’arme nucléaire si « la souveraineté, la sécurité et l’intégrité territoriale » de la Russie étaient en péril. Depuis le début de la guerre contre l’Ukraine, le président russe a brandi plusieurs fois la menace nucléaire — plus ou moins ouvertement.
- De son côté, Washington n’a pour le moment pas concrètement fait mention de l’usage de l’arme nucléaire. Dans un entretien publié dans The Guardian dimanche 2 octobre, l’ancien directeur de la CIA David Petraeus a toutefois fait un premier pas en ce sens en déclarant que : « Les États-Unis et leurs alliés détruiraient les troupes et les équipements de la Russie en Ukraine — et couleraient sa flotte de la mer Noire — si Vladimir Poutine utilisait des armes nucléaires » 2.
- Selon Max Bergmann, le directeur du programme Europe du Center for Strategic and International Studies, ces déclarations conduisent à deux options : soit Petraeus n’a pas eu accès à de telles informations, dans ce cas cette déclaration n’a que peu de valeur, soit il en a eu l’accès, signalant ainsi à la Russie que Moscou doit désormais évaluer le risque d’une réponse conventionnelle de la part des États-Unis 3.
- Dans un article publié dans nos colonnes la semaine dernière, Bruno Tertrais rappelait qu’il est « important de conserver, sur la question du risque nucléaire, une certaine modestie dans les pronostics. Les enjeux sont trop élevés pour que quiconque puisse affirmer avec assurance que « jamais la Russie n’emploiera l’arme nucléaire en Ukraine ». Pour autant, il ne sert à rien de dire que « le scénario n’est pas exclu » et il serait tout aussi erroné de tomber dans le piège tendu par Poutine ».
Sources
- PLAN A, Princeton Program on Science & Global Security.
- Edward Helmore, « Petraeus : US would destroy Russia’s troops if Putin uses nuclear weapons in Ukraine », The Guardian, 2 octobre 2022.
- Tweet de Max Bergmann, 3 octobre 2022.