Relations internationales, multilatéralisme

Glenda Sluga, The Invention of International Order. Remaking Europe after Napoleon, Princeton University Press.

«  En 1814, après des décennies de conflit continental, une alliance d’empires européens s’empare de Paris et exile Napoléon Bonaparte, mettant en échec l’expansionnisme militaire français et établissant le “concert européen”. Cette nouvelle coalition a semé les graines de l’ordre international actuel, mariant l’idée d’une paix durable au multilatéralisme, à la diplomatie, à la philanthropie et aux droits, et faisant de l’Europe son centre. Glenda Sluga révèle comment, à la fin des guerres napoléoniennes, ces nouvelles conceptions de la politique entre les États ont été l’œuvre non seulement d’hommes d’État européens, mais aussi d’hommes et de femmes aristocrates et bourgeois ambitieux sur le plan politique, qui ont saisi l’opportunité offerte par cet extraordinaire carrefour historique.

Elle propose des portraits à multiples facettes des principaux hommes d’État de l’époque, tels que le tsar Alexandre, le comte Metternich et le vicomte Castlereagh, en montrant comment ils opéraient dans le contexte de réseaux sociaux souvent présidés par des femmes influentes, alors même qu’ils faisaient de la politique une entreprise masculine. Dans cette histoire, des figures telles que Madame de Staël et la comtesse Dorothea Lieven oeuvrent à façonner les transformations politiques en cours, tandis que les banquiers influencent les développements économiques et que leurs familles s’agitent pour les droits des Juifs. »

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Sandrine Kott, Organiser le monde. Une autre histoire de la guerre froide, Seuil.

«  Plongeant dans les archives des organisations internationales – l’ONU et ses agences, en particulier mais aussi des organisations non gouvernementales et de grandes fondations privées –, Sandrine Kott nous dévoile une autre histoire de la guerre froide. Ces organisations, où se rencontrent et s’opposent des acteurs issus de mondes en conflit, se révèlent être des lieux d’élaboration en commun de savoirs et de projets. Elles rendent possible et encouragent des internationalismes structurés autour de causes qui tout à la fois rassemblent et divisent : droits de l’homme et de la femme, paix, écologie… Elles promeuvent l’idée qu’il est possible d’organiser le monde en régulant ses déséquilibres et ses contradictions. Enfin et surtout elles donnent la parole à une multitude d’acteurs négligés dans les grands récits, en particulier ceux du « tiers monde » dont les revendications de justice ont puissamment marqué l’agenda international de la période. À la guerre froide a succédé l’ère du globalisme marquée par la généralisation des logiques de concurrence. Leur triomphe met en danger les espace de débats internationaux comme les projets de régulation et d’organisation du monde dont les sociétés humaines et leurs environnements naturels auraient, pourtant, plus que jamais besoin.  »

Paru le 21 janvier

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Sandrine Kott a développé ses analyses dans nos colonnes.

Jean-Marie Guéhenno, Le premier XXIe siècle, Flammarion

« Le « premier XXIᵉ siècle », comme la première version d’un logiciel insuffisamment testé, révèle chaque jour de nouvelles failles : nous sommes loin du triomphalisme qui saisit les démocraties en 1989 quand le mur de Berlin est tombé. L’individu qui croyait changer le monde est de plus en plus écrasé par lui. Il a perdu confiance dans la politique, et l’utopie identitaire remplace l’utopie politique. Comment en est-on arrivé là dans des sociétés aussi différentes que l’Amérique de Trump, le Brésil de Bolsonaro, l’Inde de Modi ou le Royaume-Uni de Boris Johnson ?

Jean-Marie Guéhenno va au-delà des explications économiques : la crise des démocraties – à laquelle l’élection de Biden ne met pas fin – est une crise des sociétés. Une société qui n’est plus définie que par une seule dimension – que ce soit celle de la réussite matérielle, de la nation, ou de la religion – est une société malade. Cette crise se produit alors que le nouvel « âge des données » de l’internet et de l’intelligence artificielle bouscule les hiérarchies du savoir et de la puissance ; comme l’invention du livre, il peut conduire à une Seconde Renaissance, riche de promesses, mais aussi de conflits. La Chine et les entreprises géantes de l’internet, avec des objectifs différents et chacune à leur manière, développent une capacité de contrôle des esprits qui fait secrètement envie à des individus auxquels leur propre liberté fait peur, mais peut aussi déboucher sur des confrontations violentes.

Un autre avenir est possible : une écologie repensée, des institutions qui organisent une nouvelle séparation des pouvoirs, une Europe qui ne cherche pas à être un super-État, sont quelques-unes des voies explorées par ce livre ambitieux et novateur. »

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Jean-Marie Guéhenno nous avait accordé un long entretien à propos de son livre.

Delphine Allès, La part des dieux. Religion et relations internationales, CNRS Éditions

« Du Discours du Caire, adressé en 2009 par Barack Obama à un « monde musulman » dont il présupposait l’unité, à la prolifération des « dialogues interreligieux pour la paix », la religion apparaît aujourd’hui comme centrale dans les relations internationales. Cette perception débouche sur des initiatives politiques présentées comme autant d’antidotes face aux troubles attribués au « retour du religieux » dans l’espace mondial.

 Pourtant, contrairement à ce que laisse entendre le mythe d’un système international sécularisé, les dieux n’ont jamais cessé d’être mêlés aux affaires du monde. En Europe même, où la souveraineté de l’État s’est formée contre l’autorité de l’Église, les relations entre religion et politique sont restées imbriquées. Dans le monde postcolonial, des mobilisations à dimension religieuse ont souvent formé un ressort de l’accès à l’indépendance et donc une condition de l’acquisition de la souveraineté. 

La longue ignorance de cette « part des dieux » a laissé place, à partir des années 90, à une surinterprétation du retour du religieux dans l’analyse des relations internationales. Le succès des représentations confessionnalisées du désordre mondial et des initiatives politiques qui s’en sont inspirées, souvent en réponse à différents avatars de la thèse du « choc des civilisations », a eu un effet auto-réalisateur : elle a incité des acteurs qui échappaient jusqu’alors aux labels religieux à les mobiliser stratégiquement. 

C’est au prisme du terrain indonésien notamment que l’auteure étudie cette évolution, tout en s’attachant à montrer l’autonomie d’individus et de sociétés échappant aux assignations d’identités religieuses uniformisantes. »

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Économie

Philippe Aghion, Céline Antonin et Simon Bunel, Le pouvoir de la destruction créatrice, Odile Jacob

« La destruction créatrice est le processus par lequel de nouvelles innovations viennent constamment rendre les technologies et activités existantes obsolètes. C’est le processus par lequel les emplois nouvellement créés viennent sans cesse remplacer les emplois existants. Ce livre invite le lecteur à repenser l’histoire et les énigmes de la croissance à travers le prisme de la destruction créatrice et à remettre en cause nombre d’idées reçues. Pourquoi les révolutions technologiques et l’automatisation créent plus d’emplois qu’elles n’en détruisent. Pourquoi concurrence et politique industrielle ne sont pas antinomiques. Pourquoi l’impôt n’est pas le seul moyen de rendre la croissance plus juste. Pourquoi la croissance n’est pas correctement mesurée. Pourquoi la stagnation séculaire n’est pas une fatalité. Pourquoi l’industrialisation n’est pas une étape indispensable dans le processus de développement. Pourquoi la taxe carbone n’est pas l’unique levier d’une croissance plus verte. Pourquoi, avec des politiques publiques appropriées, la destruction créatrice ne nuit pas à la santé et au bonheur. Pourquoi l’innovation a besoin du marché, de l’État, mais également d’une intervention active de la société civile. Le Pouvoir de la destruction créatrice est à la fois une exploration des ressorts de la prospérité économique et un guide pour penser l’avenir du capitalisme. »

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Lire le compte-rendu de cet ouvrage sur le Grand Continent.

Eric Monnet, La Banque-providence. Démocratiser les banques centrales et la monnaie, Seuil

« Les banques centrales sont sous le feu des critiques : trop opaques, trop technocratiques, hyperpuissantes et coupées du peuple. Pourtant, il faut les penser comme un pilier de l’État-providence, leur rôle étant de nous protéger contre les aléas économiques. Dans les années à venir, elles seront une pièce maîtresse pour soutenir la transition écologique, financer la dette publique et produire une monnaie électronique. Mais dans quel cadre, avec quelle légitimité ? Quelle forme prendra l’argent demain ? Questions cruciales, qui montrent à quel point la monnaie est une question politique. Les banques centrales doivent être l’outil de la démocratie. »

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Lire l’entretien de Shahin Vallée avec Eric Monnet à propos de son ouvrage.

Adam Tooze, Shutdown. How Covid Shook the World’s Economy, Viking

«  Lorsque les premières informations ont commencé à circuler en Chine au sujet d’un nouveau virus en décembre 2019, les marchés financiers ont été alertés par son potentiel de perturbation. Pourtant, ils n’auraient jamais pu prédire l’effondrement économique total qui suivrait, alors que les marchés boursiers chutaient plus rapidement et plus durement qu’à n’importe quel moment depuis 1929, que les devises du monde entier plongeaient, que les investisseurs paniquaient et que même l’or était vendu.

En l’espace de quelques semaines, l’économie mondiale a été stoppée net par les gouvernements qui tentaient de contenir une catastrophe de santé publique en pleine expansion. Les vols ont été cloués au sol, les chaînes d’approvisionnement brisées, les industries du tourisme, du pétrole et de l’hôtellerie se sont effondrées du jour au lendemain, laissant des centaines de millions de personnes sans emploi. Les banques centrales ont réagi par des interventions sans précédent pour maintenir leurs économies en vie. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, l’ensemble du système économique mondial s’est contracté.

Ce livre raconte l’histoire de cette contraction. Nous ne savons pas encore comment cette histoire se termine, ni quel nouveau monde nous trouverons de l’autre côté.  »

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Guerre, stratégie

Marc Hecker et Élie Tenenbaum, La guerre de vingt ans. Djihadisme et contre-terrorisme au XXIe siècle, Robert Laffont

«  Vingt ans, déjà, que les tours du World Trade Center se sont effondrées. Qui aurait cru alors que, deux décennies plus tard, la guerre globale contre le terrorisme se poursuivrait sans issue en vue ? Des sables du Sahara aux jungles d’Asie du Sud-Est, des plaines irakiennes aux montagnes afghanes, les pays occidentaux et leurs alliés continuent de pourchasser des djihadistes à la détermination sans faille. La menace n’est pas cantonnée à ces contrées lointaines : l’Europe – et singulièrement la France – a payé un lourd tribut à ce long conflit.

Al-Qaida a fait preuve d’une résilience remarquable et de nouveaux groupes, comme l’État islamique, sont apparus. La chute du « califat » proclamé par Daech n’a pas signé la fin de cette organisation, et encore moins celle de son idéologie mortifère. Le monde compterait deux à trois fois plus de combattants djihadistes aujourd’hui qu’au début du siècle. Ce constat d’une interminable guerre d’usure interroge : qu’avons-nous fait de ces vingt ans ? En dépit des centaines de milliers de vies perdues et des sommes considérables dépensées, pourquoi la menace est-elle encore si élevée ?

Décryptant les dynamiques stratégiques de cet affrontement, les auteurs expliquent pourquoi il est si difficile de casser la spirale de la violence et tirent de ces deux décennies de lutte des leçons essentielles pour l’avenir.  »

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Lire l’entretien avec Marc Hecker à propos de La guerre de vingt ans.

Hervé Drévillon, Penser et écrire la guerre. Contre Clausewitz, Passés Composés 

« Faire l’histoire de la pensée de la guerre de 1780, date de la naissance de Clausewitz, à 1837, année de publication du dernier volume de ses œuvres complètes par sa veuve, tel est le pari d’Hervé Drévillon dans ce livre remarquable d’intelligence et d’originalité. Car au-delà du parcours du plus célèbre théoricien de la guerre, la période 1780-1837 se caractérise par l’émergence de la théorie militaire comme un véritable champ littéraire.

Considéré, à cette époque, comme l’auteur de référence de ce domaine, Antoine de Jomini attaqua la théorie de Clausewitz et sa mise en œuvre qui s’appuyait sur une « plume facile » mais « parfois un peu vagabonde » et « surtout trop prétentieuse ». L’inconstance de la plume de Clausewitz reposa sur sa conscience aiguë des problématiques de la théorie militaire. Il est donc utile de s’appuyer dessus pour étudier la construction de la pensée militaire par de nombreux auteurs qui pensèrent et écrivirent la guerre. Contrairement à la vision idéaliste de Clausewitz, la plupart se référèrent à la réalité des conflits armés pour tenter d’offrir des principes répondant à des questions essentielles : que faire en guerre et quel est le lien entre guerre et politique ? »

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Lire le compte-rendu de cet ouvrage sur le Grand Continent.

Samuel Moyn, Humane. How the United States Abandoned Peace and Reinvented War, Farrar, Straus and Giroux

« Samuel Moyn pose une question troublante mais urgente : Et si les efforts déployés pour rendre la guerre plus éthique – interdire la torture et limiter les pertes civiles – n’avaient fait que renforcer l’entreprise militaire ? Pour défendre cette thèse, Moyn se penche sur un siècle et demi de débats passionnés sur l’éthique du recours à la force. Au XIXe siècle, les fondateurs de la Croix-Rouge se sont battus avec acharnement pour rendre la guerre moins meurtrière, tout en reconnaissant son caractère inévitable. Léon Tolstoï s’est opposé à leurs efforts, estimant que la guerre devait être abolie et non réformée. Au cours du siècle suivant, un mouvement populaire visant à abolir la guerre s’est développé des deux côtés de l’Atlantique.. Toutefois, les réformateurs ont fini par passer de l’opposition au crime de guerre à l’opposition aux guerre criminelles, avec des conséquences fatales.

Les ramifications de ce changement sont devenues évidentes après le 11 septembre. À cette époque, l’armée américaine avait adopté un programme de “guerre humaine”, motivée à la fois par la disponibilité d’armes de précision et par la nécessité de protéger son image. La bataille s’est déplacée de la rue vers les tribunaux, où les tactiques de la guerre contre le terrorisme ont été contestées, mais où ses hypothèses fondamentales n’ont pas été sérieusement remises en question. Ces tendances n’ont fait que s’accélérer sous les présidences Obama et Trump. Même si les deux administrations ont parlé de la puissance et de la moralité américaines sur des tons radicalement différents, elles ont inauguré la deuxième décennie de la guerre « éternelle ».

Humane est l’histoire de la façon dont l’Amérique est partie se battre et n’est jamais revenue, et comment le combat armé s’est transformé d’un outil imparfait de résolution des conflits en une composante intrinsèque de la condition moderne. Si les guerres américaines sont devenues plus humaines, elles sont aussi devenues interminables. Ce livre provocateur soutient que cette évolution ne représente peut-être pas du tout un progrès. »

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Environnement, écologie 

Agnès Sinaï, Politiques de l’Anthropocène. Penser la décroissance. Économie de l’après-croissance. Gouverner la décroissance, Presses de Sciences-Po

« Âge de l’épuisement des ressources, du bouleversement des cycles naturels, l’Anthropocène s’illustre par la rapidité des transformations thermo-industrielles du système-Terre. En dépit de cette accélération sans analogue, les sociétés contemporaines continuent de se nourrir de valeurs obsolètes. La croissance est l’une d’elles.

D’où l’impératif de déconstruire un imaginaire productiviste qui ignore la nature et les contenus de la production ; de penser des politiques de l’Anthropocène qui se fondent sur l’acceptation de seuils et de limites. Envisagée ici comme un projet égalitaire plutôt que comme une injonction à diminuer le produit intérieur brut, la société décroissante cherche à éviter le délitement des liens, à maintenir les conditions d’habitabilité de la Terre dans une décence commune. »

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Stephen Rostain, La forêt vierge d’Amazonie n’existe pas, Le Pommier

« Depuis trop d’années, le grave état de santé de l’Amazonie inquiète. Déforestation sauvage, incendies, élévation de la température… Autant de symptômes d’un fatal déséquilibre aux prochaines implications climatiques globales, et irrémédiables. En cause ? Une destruction systématique menée, depuis trois siècles à peine, par les sociétés occidentales. Mais celles-ci, contrairement aux idées reçues, ne menacent pas seulement la plus grande forêt tropicale du monde, mais également les Amérindiens, qui ont pourtant toujours vécu en interaction avec leur milieu naturel.

Dans cet essai original d’écologie historique, Stéphen Rostain brosse un panorama complet de ces relations et des puissantes dynamiques à l’œuvre. Il se propose, plutôt que d’en rester à un constat d’échec, de comprendre les divers usages qui ont été faits de cette nature sylvicole – du plus néfaste au plus bénéfique –, ouvrant des horizons face à la chronique habituelle d’une mort annoncée. »

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Gernot Wagner, Geoengineering. The Gamble, Polity

« Stabiliser les climats de la planète nécessite de réduire la pollution par le dioxyde de carbone. Mais que faire si ce n’est pas suffisant ? S’il est trop difficile d’y parvenir dans le temps imparti ou, pire encore, s’il est si tard dans la partie que même une réduction à zéro des émissions de carbone, demain, ne suffirait pas ?

C’est alors qu’intervient la géo-ingénierie solaire. Le principe est simple : tenter de refroidir la Terre en renvoyant davantage de lumière solaire dans l’espace. Le principal mécanisme, qui consiste à envoyer des particules dans la haute atmosphère, implique une augmentation de la pollution, et non une diminution. Si cela ne semble pas effrayant, cela devrait l’être. Il y a beaucoup de risques, d’inconnus et d’inconnaissables.

Fondateur et directeur exécutif du programme de recherche sur la géo-ingénierie solaire de Harvard, Gernot Wagner présente les avantages possibles et les risques trop réels, en particulier le « risque moral » selon lequel la recherche ou même la simple discussion sur la géo-ingénierie (solaire) saperait la volonté de réduire les émissions de carbone. Malgré ces risques, la géo-ingénierie solaire n’est peut-être qu’une question de temps. Il ne s’agirait pas de savoir s’il faut ou non y recourir, mais quand. »

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Histoire

Marie Favereau, The Horde. How the Mongols Change the World, Harvard University Press

« Les Mongols sont connus pour une chose : la conquête. Marie Favereau montre que les réalisations des Mongols s’étendaient bien au-delà de la guerre. Pendant trois cents ans, la Horde n’a pas été moins importante pour le développement mondial que ne l’avait été Rome. Elle a laissé un héritage profond en Europe, en Russie, en Asie centrale et au Moyen-Orient, palpable jusqu’à aujourd’hui. Marie Favereau nous fait pénétrer dans l’une des plus puissantes sources d’intégration transfrontalière de l’histoire mondiale. La Horde était le nœud central de l’essor commercial eurasiatique des XIIIe et XIVe siècles et a permis des échanges sur des milliers de kilomètres. Son régime politique unique – un accord complexe de partage du pouvoir entre le khan et la noblesse – récompensait les administrateurs et les diplomates habiles et favorisait un ordre économique mobile, organisé et novateur. Depuis sa capitale de Sarai, sur le cours inférieur de la Volga, la Horde a fourni un modèle de gouvernance à la Russie, influencé les pratiques sociales et la structure de l’État dans les cultures islamiques, diffusé des théories sophistiquées sur le monde naturel et introduit de nouvelles idées de tolérance religieuse. Remettant en cause les conceptions des nomades comme périphériques à l’histoire, Marie Favereau montre clairement que nous vivons dans un monde hérité du moment mongol.  »

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Richard Overy, Blood and Ruins. The Great Imperial War, Allen Lane

« Dans Blood and Ruins, Richard Overy entreprend de revoir la façon dont nous considérons la Seconde Guerre mondiale, ses origines et ses conséquences. Il affirme qu’il s’agissait d’une «  grande guerre impériale », épilogue violent de près d’un siècle d’expansion impériale mondiale qui a atteint son apogée dans les ambitions de l’Italie, de l’Allemagne et du Japon dans les années 1930 et au début des années 1940, avant de se transformer en la guerre la plus importante et la plus coûteuse de l’histoire de l’humanité et la fin, après 1945, de tous les empires territoriaux.

La manière dont une guerre à grande échelle a été menée, approvisionnée, payée, soutenue par une mobilisation de masse et moralement justifiée est au cœur de ce nouveau récit. Surtout, Overy explique le coût amer pour ceux qui ont participé aux combats, ainsi que le niveau exceptionnel de criminalité et d’atrocité qui a marqué ces projets impériaux, la guerre et ses suites. Cette guerre a été aussi meurtrière pour les civils que pour les militaires, une guerre à mort pour l’avenir de l’ordre mondial.

Provoquant la réflexion, Blood and Ruins vise à comprendre la guerre d’une manière nouvelle. »

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Jérémie Foa, Tous ceux qui tombent. Visages du massacre de la Saint-Barthélémy, La Découverte, 2021

« Fin août 1572. À Paris, des notaires dressent des inventaires après décès, enregistrent des actes, règlent des héritages. Avec minutie, ils transcrivent l’ordinaire des vies au milieu d’une colossale hécatombe. Mais ils livrent aussi des noms, des adresses, des liens.

Puisant dans ces archives notariales, Jérémie Foa tisse une micro-histoire de la Saint-Barthélemy soucieuse de nommer les anonymes, les obscurs jetés au fleuve ou mêlés à la fosse, à jamais engloutis. Pour élucider des crimes dont on ignorait jusqu’à l’existence, il abandonne les palais pour les pavés, exhumant les indices d’un massacre de proximité, commis par des voisins sur leurs voisins. Car à descendre dans la rue, on croise ceux qui ont du sang sur les mains, on observe le savoir-faire de la poignée d’hommes responsables de la plupart des meurtres. Sans avoir été prémédité, le massacre était préparé de longue date – les assassins n’ont pas surgi tout armés dans la folie d’un soir d’été.

Au fil de vingt-cinq enquêtes haletantes, l’historien retrouve les victimes et les tueurs, simples passants ou ardents massacreurs, dans leur humaine trivialité : épingliers, menuisiers, rôtisseurs de la Vallée de Misère, tanneurs d’Aubusson et taverniers de Maubert, vies minuscules emportées par l’événement. »

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Lire l’entretien que Jérémie Foa avait accordé au Grand Continent à propos de son livre.

Carlo Ginzburg, La lettera uccide, Adelphi, 2021

« « La lettre tue, l’esprit donne la vie » disait Paul de Tarse, opposant la loi juive dans laquelle il était né à la nouvelle foi – le christianisme – dont il était le fondateur. « Il tue » et « il donne la vie » sont des métaphores, qui ne doivent pas être prises au pied de la lettre. On peut y répondre par une autre métaphore : la lettre tue ceux qui l’ignorent. De l’analyse approfondie de cas spécifiques émerge une version de la micro-histoire présentée ici dans une nouvelle perspective. Au centre de ces affaires, des personnages célèbres (Machiavel, Michel-Ange, Montaigne) ou semi-inconnus (Jean-Pierre Purry, La C.***) ; un texte ou une image ; un thème (la révélation) ou une lettre de l’alphabet. Et un élément récurrent : la réflexion sur la méthode, sur l’entrelacement du  » hasard  » et de la  » chance  » – entre les études de cas et les éléments aléatoires, souvent délibérément produits. « Le livre dont vous avez besoin peut se trouver à côté du livre que vous cherchez » : le lecteur découvrira les résultats souvent imprévisibles de cette déclaration d’Aby Warburg. »

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Paulin Ismard (ed.), Les mondes de l’esclavage, Éditions du Seuil

« Cet ouvrage d’une ambition exceptionnelle présente sous une forme accessible à un large public une histoire inédite de l’esclavage depuis la Préhistoire jusqu’au présent. Il paraît vingt ans après le vote de la loi Taubira, alors que la prise de conscience du passé esclavagiste est chaque jour plus aiguisée au sein de la société française. L’histoire de l’esclavage, trop longtemps tenue pour une forme de passé subalterne, est ici replacée au coeur de l’histoire mondiale. Le livre renouvelle une approche comparée dans l’étude du phénomène esclavagiste, qui conduit le lecteur de l’Inde ancienne aux Antilles du xviiie siècle, de la Chine des Han jusqu’au Brésil colonial, de l’Egypte médiévale à l’Ouganda contemporain. Loin de banaliser la singularité monstrueuse de l’esclavage colonial issu de la traite transatlantique, la comparaison contribue à l’éclairer.

Ce livre fait donc le pari de la connaissance et de la réflexion, convaincu que le savoir historique offre des ressources critiques qui ont le pouvoir d’émanciper. Le parti pris du monde et la perspective comparatiste qui sont la sienne souhaitent enrichir les scènes et les figures depuis lesquelles relire notre histoire, mais aussi, espérons-le, tracer des chemins vers d’autres futurs possibles. »

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Biographies

Berna González Harbour, Goya en el país de los garrotazos. Una biografía, Arpa.

« Si Goya a peint son présent, il a aussi dépeint le nôtre. C’est pourquoi il est considéré comme le père de la modernité. Précurseur et visionnaire, le peintre aragonais s’est hissé au plus haut sommet de l’art pour refléter les aspects les plus grandioses et les plus abjects de son époque : la détérioration de la monarchie, le rêve raté de la raison, l’inégalité et la misère, la violence et l’horreur de la guerre, mais aussi notre façon de comprendre la beauté, la fête et la joie de vivre, le travail et la combativité des gens du peuple… S’il renaissait aujourd’hui, Goya nous reconnaîtrait immédiatement. Parce que son travail est le miroir de notre idiosyncrasie. De notre capacité à créer, mais aussi à détruire. »

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Timothy Brennan, Places of Mind. A Life of Edward Said, Bloomsbury

«  S’appuyant sur de nombreuses archives et des centaines d’entretiens, Places of Mind de Timothy Brennan est la première biographie complète de Said, l’un des intellectuels les plus controversés et les plus célèbres du XXe siècle. Said, pionnier des études postcoloniales, défenseur infatigable de sa Palestine natale et critique littéraire érudit, y apparaît comme un défenseur plein de doutes, tendre et éloquent, des effets dramatiques de la littérature sur la politique et la vie civique.

Places of the Mind retrace les itinéraires entrelacés du développement intellectuel de Saïd : cajoleur et stratège, intellectuel new-yorkais avec un pied à Beyrouth, imprésario d’orchestre à Weimar et à Ramallah, raconteur à la télévision nationale, négociateur palestinien au Département d’État et acteur dans des films où il jouait son propre rôle. Brennan retrace les influences arabes de la pensée de Said, ainsi que sa formation auprès d’hommes d’État libanais, d’auteurs modernistes décalés et d’écrivains new-yorkais, alors que Said devenait un érudit dont les écrits influents ont changé à jamais le visage de la vie universitaire. Avec une brio et un charme intimidants, Said a transformé ces ressources en une contre-tradition révolutionnaire d’humanisme radical, sur fond de domination techno-scientifique et de guerre de religion.  »

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Robert Zaretsky, The Subversive Simone Weil. A Life in Five Ideas, University of Chicago Press

« Surnommée la « sainte patronne de tous les marginaux », Simone Weil (1909-43) est l’une des penseuses les plus remarquables du XXe siècle, une philosophe qui a véritablement vécu selon ses idéaux politiques et éthiques. Au cours de sa courte vie, marquée par les deux guerres mondiales, Simone Weil a enseigné la philosophie à des lycéens et organisé des syndicats, combattu aux côtés des anarchistes pendant la guerre civile espagnole et travaillé aux côtés des ouvriers sur les chaînes de montage, rejoint le mouvement de la France libre à Londres et est morte de désespoir parce qu’elle n’a pas été envoyée en France pour aider la Résistance.

Bien que Weil ait peu publié durant sa vie, après sa mort, en grande partie grâce aux efforts d’Albert Camus, des centaines de pages de ses manuscrits ont été publiées et acclamées par la critique et le public. Alors que de nombreux chercheurs ont été attirés par la pensée religieuse de Weil, Robert Zaretsky nous présente une Weil différente, explorant ses idées sur la politique et l’éthique, et nous montrant une nouvelle facette de Weil qui équilibre ses contradictions – la rationaliste rigoureuse qui avait aussi sa propre marque de mysticisme catholique ; la révolutionnaire avec un faible pour l’anarchisme mais qui croyait en la hiérarchie du travail ; et l’humanitaire qui mettait l’accent sur les besoins et les obligations de l’homme plutôt que sur ses droits. Réfléchissant à la relation entre la pensée et l’action dans la vie de Weil, The Subversive Simone Weil rend hommage à la complexité de la pensée de Weil et explique pourquoi elle est importante et continue de fasciner les lecteurs aujourd’hui. »

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Europe

Céline Spector, No démos ? Souveraineté et démocratie à l’épreuve de l’Europe, Éditions du Seuil

« L’Union européenne engendre-t-elle un déni de démocratie ? En prônant le retour à l’Europe des nations, les adversaires de la technocratie bruxelloise dénoncent la confiscation du pouvoir populaire. Leur argumentaire est rôdé : dans le huis-clos des réunions entre dirigeants, dans l’opacité feutrée de cénacles qui semblent n’avoir de comptes à rendre à personne sinon aux lobbies et aux thinks tanks, la légitimité démocratique s’exténue.

Ce livre montre pourtant que le souverainisme, qui confine la politique à l’État-nation, est une illusion philosophique et une erreur pratique. Les principes de la démocratie moderne (peuple, citoyenneté, volonté générale) ne sont pas niés par le projet européen, ils peuvent y trouver l’occasion d’un approfondissement. Pour combattre l’impasse souverainiste, l’Union européenne doit faire de la solidarité sa nouvelle finalité et mettre en œuvre un fédéralisme social, fiscal et environnemental. Ancré dans la théorie de la république fédérative issue de Montesquieu et des fédéralistes américains, son régime pourra alors conjuguer fédération démocratique et souveraineté du peuple. »

Ce livre explore et développe les grandes questions exposées dans cette pièce de doctrine de Céline Spector.

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Klaus Larres, Uncertain Allies. Nixon, Kissinger and the Threat of a United Europe, Yale University Press

« Les États-Unis ont longtemps été tiraillés entre la promotion d’une Europe occidentale unie pour renforcer leur défense de l’Occident et la crainte qu’une Europe occidentale plus unie ne se soumette pas à leur leadership politique et économique. L’époque du soutien inconditionnel à l’unité européenne s’est limitée à l’immédiat après-guerre. Les positions des trois derniers présidents américains – l’unilatéralisme de Bush, l’insistance d’Obama sur le « leading from behind  » et l’hostilité ouverte de Trump envers l’Union européenne – ont été préfigurées par les stratégies économiques et géopolitiques de Washington dans les années 1960 et 1970. En se concentrant sur les politiques de Richard Nixon et d’Henry Kissinger, Klaus Larres soutient que leurs années de mandat ont constitué un tournant majeur lorsque l’ »hégémonie bienveillante » a fait place à une attitude envers l’Europe qui était rarement plus que tiède, souvent même carrément hostile. »

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Eric Min, Gare du Nord. Belgische en Nederlandse kunstenaars in Parijs, Pelckmans Uitgevers.

« Gare du Nord est un livre sur le désir. Vers 1900, de nouvelles générations d’artistes des Pays-Bas se rendent à Paris, la capitale culturelle incontestée du monde. Dans la Ville Lumière, ils ont cherché l’inspiration et le succès. Leur carburant : l’ambition, l’orgueil de la jeunesse, la passion et la faim de la nouveauté, de l’inédit et de l’inouï. Dans les studios et les salons, mais aussi dans les cafés des boulevards ou dans la douce odeur des stations de métro, ils ont appris la vie. Et dans le processus, ils ont contribué à inventer la modernité. Eric Min brosse un portrait de groupe de peintres, d’écrivains et de photographes dans lequel des figures telles que Van Gogh et Rops, Wiertz et Verhaeren, Mondrian et Masereel, Simenon et Claus sont rejoints par des contemporains pour lesquels l’histoire a été moins clémente. Qui se souvient de Marthe Donas, ou de Théo Reeder ? Camille Platteel ? André Baillon ? Ed van der Elsken ? Elly Overzier ? Le décor : une métropole comme un diorama. Une lanterne magique. Une ville où la lumière ne s’éteint jamais. »

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Russie

Luca Gori, La Russia eterna. Origini e costruzione dell’ideologia post sovietica, Luiss University Press

« La Russie est devenue le foyer de la pensée conservatrice. Après la chute du mur de Berlin et l’échec de l’expérience libérale d’Eltsine, Moscou a choisi de poursuivre son propre chemin, distinct de celui emprunté par l’Occident, en s’engageant sur la voie d’un développement inspiré par son unicité historique et culturelle et libéré de la nécessité d’imiter les modèles extérieurs de modernisation. Le discours politique de Vladimir Poutine a promu les valeurs de la « Russie éternelle », présentée comme un État-civilisation doté d’une dimension géopolitique autonome. En analysant les concepts fondateurs du nouveau conservatisme russe et la pensée des intellectuels qui l’ont inspiré, ce livre reconstruit la parabole par laquelle la nouvelle idéologie est devenue la culture politique dominante. L’auteur trace également les scénarios futurs que le conservatisme pourrait générer au niveau international : si l’Occident veut avoir une relation stable et prévisible avec la « Russie éternelle », il devra faire preuve de réalisme et de pragmatisme, en identifiant des domaines spécifiques de coopération avec Moscou, malgré les divergences de valeurs et d’intérêts qui continueront d’exister. »

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Sabine Dullin, L’ironie du destin, Une histoire des Russes et de leur empire (1853-1991), Payot

«  Les dirigeants de l’Empire russe puis soviétique n’ont cessé de lancer des politiques aboutissant à des résultats contraires. Les tsars voulurent agrandir, consolider et moderniser l’Empire en le russifiant et en lui donnant les contours d’un État-nation à l’européenne assorti d’un Empire colonial ; le résultat, ce furent des défaites, d’amples révoltes et l’éclatement de l’Empire en 1917. Les bolcheviks voulurent supprimer l’Empire et abolir l’État et les frontières ; le résultat, ce fut la constitution d’un vaste Empire autoritaire et bureaucratique derrière une frontière épaisse. En Union soviétique, une société socialiste devait être fondée, homogène et égalitaire, débarrassée du nationalisme et de la domination des Russes ; mais lorsque l’URSS s’effondra en 1991, la principale « réussite » du communisme avait été la consolidation de nations qui prirent alors leur indépendance et la restauration d’une Russie dominant son étranger proche. En sept dates clés, Sabine Dullin explique cette ironie du destin et nous aide à comprendre ce qui motive depuis plus de 150 ans notre plus puissant voisin. »

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Asie

Rana Mitter, China’s Good War. How World War II Is Shaping a New Nationalism, Harvard University Press

« Pendant la majeure partie de son histoire, la République populaire de Chine a limité le débat public sur la guerre contre le Japon. C’était une expérience de victimisation qui avait vu Mao Zedong et Chiang Kai-shek se battre pour les mêmes objectifs. Mais aujourd’hui, alors que la Chine devient plus puissante, la signification de cette guerre change. Dans ce livre, Rana Mitter affirme que la réévaluation par la Chine de sa participation à la Seconde Guerre mondiale est au cœur de son regain de confiance à l’étranger et de la montée du nationalisme dans le pays. Les lieux de mémoire – musées, films, émissions de télévision, art de rue, littérature populaire et médias sociaux – définissent la guerre comme un mythe fondateur d’une Chine ascendante. La Chine est désormais présentée comme victorieuse plutôt que victime de la Seconde Guerre mondiale. »

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Michael Schuman, Die ewige Supermacht, Propylaen

« Pourquoi la Chine ignore-t-elle les valeurs occidentales telles que la liberté, la démocratie et les droits de l’homme ? Pourquoi, à mesure que son économie se renforce, se comporte-t-elle de manière de plus en plus agressive envers les autres pays ? La réponse à ces questions se trouve dans la grande histoire de la Chine et dans sa prétention à être la seule superpuissance. Pendant des millénaires, l’Empire du Milieu a disposé de l’armée la plus puissante, de l’économie la plus florissante et de la plus grande influence scientifique et culturelle dans sa région. Du point de vue de la Chine, l’histoire mondiale se présente donc de manière totalement différente de celle qui détermine les canons occidentaux – et c’est de là que se nourrit la conception chinoise de la manière dont on traite les hommes et les autres États en tant que superpuissance. C’est à cette position de force qu’elle veut revenir, après des décennies au cours desquelles le pays a été temporairement remis à sa place par la politique coloniale occidentale et le communisme importé. »

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Sumantra Bose, Kashmir at the Crossroads. Inside a 21st-Century Conflict, Yale University Press

« Le conflit entre l’Inde et le Pakistan au sujet du Cachemire est l’un des plus brûant au monde. Depuis 1990, au moins 60 000 personnes ont été tuées – insurgés, civils, militaires et policiers. En 2019, le conflit est entré dans une nouvelle phase dangereuse. Le gouvernement nationaliste hindou de l’Inde, dirigé par Narendra Modi, a abrogé le statut d’autonomie du Jammu-et-Cachemire administré par l’Inde et l’a divisé en deux territoires soumis à la domination directe de New Delhi. Cette mesure radicale s’est accompagnée d’arrestations massives et d’une longue suspension des services de téléphonie mobile et d’Internet.

Sumantra Bose examine le conflit au Cachemire depuis ses origines jusqu’à la situation explosive actuelle. Il en explore le contexte global, y compris le rôle croissant de la Chine, ainsi que la tragédie humaine des personnes prises dans cet âpre conflit. S’appuyant sur trois décennies d’expérience de terrain au Cachemire, il se demande si un règlement de compromis est encore possible compte tenu de la montée du nationalisme hindou en Inde et du contexte géopolitique complexe. »

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Marco Lupis, Hong Kong. Racconto di una città sospesa, Il Mulino

« Terre de frontière à la jonction entre différents mondes et cultures, Hong Kong est un rêve, né d’une histoire d’amour entre l’Est et l’Ouest. Une ville agitée, souvent brutale et impitoyable, mais capable de nous séduire par son charme caché, toujours enveloppée d’une aura de magie orientale. Ce récit non conventionnel trace le portrait de ses rues et de son histoire, découvrant les personnages et les événements du passé, mais aussi le présent dramatique marqué par la relation difficile et controversée avec la mère patrie chinoise et le choc de deux visions différentes du capitalisme. Il en ressort l’image d’une cité-état inachevée et son destin d’avant-poste suspendu entre la Chine et l’Europe. »

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Afrique

Patrick de Saint-Exupéry, La traversée, Les Arènes

« La traversée : un périple à travers l’immense forêt congolaise, de Kigali au Rwanda à Kinshasa en République démocratique du Congo. Un invraisemblable voyage, en moto, en camion, en barge, malgré les trafiquants, la fièvre Ébola, les groupes armés. Une traversée dans une nature dantesque où les hommes et les femmes vivent coupés du monde.

L’enjeu ? Vérifier les accusations des autorités françaises, répétées inlassablement depuis plus de vingt ans : un génocide se serait déroulé au cœur de la forêt équatoriale congolaise, des centaines de milliers d’hommes et de femmes auraient été massacrés dans l’indifférence.

Au fil des étapes, émouvantes, savoureuses ou romanesques, les témoins parlent. La vérité émerge, et avec elle le rôle de la France au Rwanda puis au Congo. Un engrenage qui a conduit Paris à s’enfoncer toujours plus avant dans la compromission. »

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Abdelmajid Hannoum, The Invention of the Maghreb. Between Africa and the Middle East, Cambridge University Press

« Sous la domination coloniale française, le Maghreb est apparu comme distinct de deux autres entités géographiques qui, elles aussi, sont des inventions coloniales : le Moyen-Orient et l’Afrique. Dans ce livre, Abdelmajid Hannoum démontre comment l’invention du Maghreb a commencé bien avant la conquête d’Alger et a duré jusqu’à l’indépendance et même au-delà. À travers une étude interdisciplinaire de la modernité coloniale française, Hannoum examine comment le colonialisme a fait un usage intensif de traductions de textes grecs, romains et arabes et a exploité les technologies du pouvoir pour reconfigurer la région et l’inventer. Dans ce processus, il analyse une variété de formes de connaissances coloniales, notamment l’historiographie, l’anthropologie, la cartographie, la littérature, l’archéologie, la linguistique et les théories raciales. Il montre comment l’engagement local dans la politique coloniale et ses modes de connaissance ont contribué à faire de la région, y compris à l’ère postcoloniale, une unité séparée de l’Afrique et du Moyen-Orient. »

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Jean-Michel Deveau, L’Afrique atlantique. Des origines aux siècles d’or (XVIIe siècle), Karthala

« Depuis quelques décennies, historiens, archéologues et anthropologues mettent au jour l‘existance de brillantes civilisations sur l‘ensemble de l‘Afrique subsaharienne. Si l‘histoire de ce continent, berceau de l‘humanité, a longtemps été sous estimée voire niée, il est temps d‘en reconnaître aujourd’hui toutes les richesses. Dans cet ouvrage, l‘auteur présente la spécificité de la partie occidentale, bornée par l‘Atlantique. Face à cet océan hostile, c‘est donc plutôt le long des fleuves que se sont constitués les puissants empires du Niger et du Congo, suzerains de royaumes vassaux dont l‘histoire intérieure comme celle de la géopolitique suit une logique d‘adaptation aux milieux naturels de la savane ou de la forêt dense.

Les hommes y ont répondu en développant des systèmes agricoles et artisanaux qui permettaient des échanges interrégionaux prolongés jusqu‘en Méditerranée grâce aux caravanes transsahariennes. Cet ensemble économique très élaboré était sous-tendu par une organisation politique et sociale qui reposait sur des monarchies secondées par des administrations et des aristocraties tout à fait comparables aux systèmes européens. Devant la puissance de la nature, les religions et les philosophies développèrent des systèmes d‘explication sous formes de mythes qui font toute la richesse d‘une littérature orale qui s’est transmise par les griots.

L‘auteur conteste l‘image classique et totalement erronée d‘une Afrique monolitique, privilégiant le concept des Afriques. Même si l‘on peut dégager des traits communs, la diversité des cultures et des histoires oblige à une présentation régionale mettant en exergue toute la complexité et l’ingéniosité de ces sociétés en marche dans l’histoire depuis toujours. »

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Moyen-Orient

Philippe Pétriat, Aux pays de l’or noir. Une histoire arabe du pétrole, Gallimard

« L’après-pétrole est désormais un mot d’ordre dans les pays arabes. Dans le nouvel orientalisme que les pays du Golfe offrent à leurs touristes, l’or noir est relégué à l’arrière-plan. Au début du XXIe siècle, la transition économique est pourtant particulièrement difficile pour les pays arabes tant elle implique un changement radical de leur modèle de société. En un peu plus de deux générations, ces tard-venus du pétrole ont vécu au cours de la seconde moitié du XXe siècle une transformation sans équivalent dans le reste du monde, passant de l’opulence à l’austérité et de l’enthousiasme au désenchantement. Fondement d’un panarabisme volontiers révolutionnaire avant d’être le pilier d’États autoritaires, moteur de l’industrialisation des économies, exploité sans scrupules par l’État islamique, le pétrole a façonné le monde arabe et conditionné les rapports que nous entretenons avec lui.Cet ouvrage décrit l’expérience que les pays arabes ont faite de l’ère du pétrole depuis les premiers forçats de l’industrie jusqu’aux hérauts de la modernité post-pétrolière. En donnant la priorité aux sources arabes, il dévoile un versant surprenant de l’histoire de l’énergie du monde contemporain. »

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Stephanie Cronin, Social Histories of Iran. Modernism and Marginality in the Middle East, Cambridge University Press

« L’histoire de l’Iran, comme celle du Moyen-Orient au sens large, a été dominée par deux récits : celui de la modernisation imposée d’en haut et celui du nationalisme méthodologique. Dans ce livre, Stephanie Cronin problématise ces deux récits. Son attention est fermement fixée sur les groupes sociaux subalternes : les « classes dangereuses » et leur contraste construit avec la nouvelle élite bourgeoise, ouvertement moderne, créée par le jeune État pahlavi ; les pauvres affamés confrontés à la déréglementation et à la mondialisation de l’économie iranienne de la fin du XIXe siècle ; les criminels ruraux de toutes sortes, bandits, contrebandiers et pirates, et les attitudes profondément ambiguës des communautés dont ils sont issus à leur égard. En mettant en avant ces groupes, le livre cherche également à dépasser le contexte national étroit, en démontrant, par une série d’études de cas, le pouvoir explicatif des approches globales, transnationales et comparatives pour l’étude de l’histoire sociale du Moyen-Orient. »

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Vincent Capdepuy, Chroniques du bord du monde. Histoire d’un désert entre Syrie, Irak et Arabie, Payot

« Au creux du berceau de la civilisation, de cet arc de cercle qu’on appelait autrefois le Croissant fertile, entre Proche et Moyen-Orient, s’étend le désert dit de Syrie. Longtemps perçu comme un « blanc de la carte », une « terra incognita », cet espace ponctué de tentes noires de Bédouins, de capitales éphémères et de châteaux forts, hanté au début du XXe siècle par la grande révolte arabe et la figure de Lawrence d’Arabie, interpelle le géographe et l’historien. Quelle est la place, dans l’histoire globale, de cette région aux frontières mouvantes, terre de passage des caravanes et des voyageurs entre Orient et Occident, entre golfe Persique et mer Méditerranée ? À sa marge, des empires – ottoman, byzantin, achéménide, assyrien, etc. – se sont façonnés et ont tenté de s’allier ou de soumettre les farouches tribus du désert. Là, commence l’Arabie, la terre des Arabes, des descendants d’Ismaël. Là, des « Sapiens » ont marché pour la première fois, laissant leurs empreintes de pas dans le lit de lacs asséchés. En traçant les contours de ce désert, sur les routes de Damas à Bagdad, Vincent Capdepuy en arpente le récit plurimillénaire à rebours et en interroge les lieux et les moments, des temps présents aux confins préhistoriques. »

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Amériques

Ada Ferrer, Cuba. An American History, Simon & Schuster

« En 1961, au plus fort de la guerre froide, les États-Unis ont rompu leurs relations diplomatiques avec Cuba, où une révolution avait pris le pouvoir trois ans plus tôt. Pendant plus d’un demi-siècle, le bras de fer s’est poursuivi – sous le mandat de dix présidents américains et les cinquante ans de règne de Fidel Castro. Sa mort en 2016, et le départ à la retraite de son frère et successeur Raúl Castro en 2021, ont suscité des questions sur l’avenir du pays. Pendant ce temps, la politique à Washington – l’ouverture par Barack Obama, le revirement de cette politique par Donald Trump et l’élection de Joe Biden – a fait de la relation entre les deux nations un nouveau sujet de débat.

Aujourd’hui, l’historienne Ada Ferrer nous livre une chronique ambitieuse et émouvante écrite pour un moment qui exige une nouvelle prise en compte du passé de l’île et de sa relation avec les États-Unis. Couvrant plus de cinq siècles, Cuba : An American History nous permet d’assister aux premières loges à l’évolution de la nation moderne, avec son histoire dramatique de conquête et de colonisation, d’esclavage et de liberté, d’indépendance et de révolutions faites et défaites.

En cours de route, Ferrer explore l’intimité parfois surprenante, souvent troublée, entre les deux pays, documentant non seulement l’influence des États-Unis sur Cuba, mais aussi les nombreuses façons dont l’île a été une présence récurrente dans les affaires américaines. Il s’agit donc d’un récit qui donnera aux lecteurs américains un aperçu inattendu de l’histoire de leur propre nation et, ce faisant, les aidera à imaginer une nouvelle relation avec Cuba.  »

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Stephen Wertheim, Tomorrow, the World. The Birth of U.S. Global Supremacy, Harvard University Press, 2021

« Pendant la plus grande partie de leur histoire, les États-Unis ont évité de prendre des engagements politiques et militaires qui les entraîneraient dans une politique de puissance à l’européenne. Puis, soudainement, ils se sont imaginé un nouveau rôle en tant que superpuissance armée du monde – et n’ont jamais regardé en arrière. Dans Tomorrow, the World, Stephen Wertheim retrace la transformation de l’Amérique au creuset de la Seconde Guerre mondiale, en particulier dans les mois qui ont précédé l’attaque de Pearl Harbor. Lorsque les nazis ont conquis la France, les architectes de la nouvelle politique étrangère de la nation en sont venus à croire que les États-Unis devaient obtenir la primauté dans les affaires internationales pour toujours. »

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Lire l’entretien avec Stephen Wertheim publié sur le Grand Continent à propos de son ouvrage.

Cécile Vidal (dir.), Une histoire sociale du Nouveau Monde, Éditions de l’EHESS

« En 1503 apparaît pour la première fois l’expression « Nouveau Monde » dans une lettre attribuée au navigateur florentin Amerigo Vespucci. Elle désigne les Amériques que les Espagnols puis les Portugais ont entrepris d’explorer et coloniser depuis 1492. Désormais, ces territoires constituent bien des mondes « nouveaux », tant pour les Européens qui choisirent de s’établir outre-Atlantique que pour les Africains transportés de force et les Amérindiens confrontés à ces migrations. C’est à la construction de sociétés multiethniques d’un type inédit que la situation coloniale donna naissance, souvent dans la violence.

En articulant les points de vue des trois populations en contact, l’approche comparatiste de cet essai collectif pose un regard neuf sur l’histoire sociale de l’ensemble des Amériques à la période moderne. Le dialogue entre des historiographies nationales qui d’ordinaire s’ignorent permet de dépasser l’opposition sociopolitique entre Amérique du Nord et Amérique latine, tout en révélant la centralité de la Grande Caraïbe.

Trois perspectives sont mobilisées – hémisphérique, atlantique et impériale – qui mettent au jour autant de facettes des mêmes dynamiques sociales : migrations et mobilités, travail, marchés, territoire et propriété, famille(s), religions, droit et justice, ordre social. Ce livre démontre ainsi la spécificité de l’impérialisme et du colonialisme d’Ancien Régime, étroitement associé à la traite des esclaves et à l’esclavage et, plus largement, la singularité de l’histoire d’un monde atlantique qui sert de laboratoire social à la première globalisation. »

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Beaux Livres

Benoit Jallon, Umberto Napolitano, et Laboratoire R.A.A.R, Napoli Supermodern, Park Books.

« Ce livre richement illustré offre un panorama complet de la construction urbaine moderne à Naples. Il comprend une cinquantaine de nouvelles photos du célèbre photographe français Cyrille Weiner, ainsi que des images historiques, des dessins de détails architecturaux importants et un atlas de dix-huit bâtiments importants datant de 1930 à 1960. Il révèle comment cette métropole du sud de l’Italie a développé sa propre forme de modernisme, qui combine la culture méditerranéenne avec des matériaux locaux et un fort esprit internationaliste.

Les essais thématiques et les descriptions concises des bâtiments documentés, ainsi que les somptueuses illustrations, constituent un portrait extrêmement attrayant et vivant de Naples. Si ette ville fascinante est à la fois fameuse et tristement célèbre, ses qualités et son individualité en termes d’architecture et de développement urbain méritent d’être mieux connues. »

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Eileen Hunt Botting, Portraits of Wollstonecraft, Bloomsbury

« La contribution décisive de Mary Wollstonecraft aux théories des droits humains et sa réception internationale par des intellectuels occidentaux et non occidentaux lui ont permis de continuer à façonner les débats contemporains en la matière dans le monde entier. Portraits of Wollstonecraft documente cette réception internationale et interculturelle de la fin du XVIIIe siècle au début du XXIe siècle.

Reflétant plus de deux siècles de réactions à ses idées politiques, à ses écrits et à sa philosophie, il réfute le mythe persistant selon lequel elle aurait cessé d’être lue après la publication, en 1798, des scandaleux Mémoires posthumes de son mari William Godwin. En commençant par son premier portrait et les premières critiques de ses écrits publiés à la fin des années 1780, le volume I retrace son émergence en tant que figure publique internationale des droits de la femme dans sa vie, son œuvre et sa réception philosophique, littéraire et artistique en Grande-Bretagne, en Irlande, en Europe continentale, en Amérique du Nord et du Sud, et à travers l’Empire britannique et ses anciennes colonies, de la Jamaïque à l’Inde en passant par l’Afrique du Sud. Le volume II se concentre sur la réception philosophique, littéraire et artistique posthume de Wollstonecraft, en particulier au sein des courants modernes du féminisme, en rassemblant des lectures venant de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud ainsi que des écrits de Mary Shelley, Emma Goldman, Ruth Benedict, Virginia Woolf, Simone de Beauvoir, Betty Friedan, Susan Moller Okin, Barbara Johnson, Martha Nussbaum et Amartya Sen qui discutent de ses théories sur la vertu, l’amour, le genre, l’éducation et les droits. »

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Florian Mazel (dir.), Nouvelle histoire du Moyen Âge, Seuil

« Le Moyen Âge est une séquence de temps qui n’a pas d’âge, hors d’âge si l’on veut, et son altérité est profonde. Mais cette étrangeté, le dépaysement que l’on peut éprouver en ses allées, n’est ni sans charme ni sans intérêt. Le Moyen Âge représente en effet, par son altérité même, un extraordinaire lieu de vagabondage et un remarquable terrain d’exercice pour l’esprit critique, où réfléchir entre autres choses, à relative distance des passions contemporaines, aux relations entre public et privé, communauté et identité, hiérarchies et solidarités, rôle et statut, mémoire et histoire, violence et solidarité, droit et tradition, don et échange, imaginaire et identité, institution et pouvoir, croissance et environnement… Qui trouverait la chose inutile ? »

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Marisa Anne Bass, Anne Goldgar, Hanneke Grootenboer et Claudia Swan, Conchophilia. Shells, Art, and Curiosity in Early Modern Europe, Princeton University Press.

« Parmi les créations les plus artistiques de la nature, les coquillages ont longtemps inspiré la curiosité et la passion des artisans, des artistes, des collectionneurs et des penseurs. Conchophilia se penche sur la relation intime entre les coquillages et les gens au début de l’ère moderne, lorsque l’afflux de coquillages exotiques en Europe a alimenté leur étude et leur représentation comme jamais auparavant. Ce livre richement illustré révèle comment l’amour des coquillages a croisé non seulement l’essor de l’histoire naturelle et du commerce mondial, mais aussi la recherche philosophique, les questions de race et de genre, et l’ascension des connaisseurs en histoire de l’art. »

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