Matteo Renzi est un homme qui a le goût du risque. Il le cultive depuis ses origines politiques à Florence, où il s’était présenté lors des primaires pour briguer la fonction de maire, défiant les volontés du commandement local et national du PD. Matteo Renzi ne peut pas jouer les seconds rôles. D’autant plus, si l’on considère qu’Italia Viva, sa créature, a été jusqu’à présent un échec politique.

En raison d’un excès du romanocentrisme habituel dont souffre le journalisme politique en Italie –  selon lequel la seule politique qui compte a lieu à Rome  –, il me semble que l’on continue d’ignorer le résultat des élections régionales du 20 et 21 septembre dernier en Toscane, où Italia Viva s’est présentée avec les centristes et les européistes de + Europa, qui ont été un tournant pour Renzi. Il visait 10  % des suffrages et n’en a obtenu que 4,48 % dans toute la région et 6,67 à Florence, qui est non seulement la ville dont il a été maire mais aussi celle qu’il représente actuellement comme sénateur. Si on ne comprend pas sa psychologie, on ne peut pas comprendre Renzi, tout comme ne ne peut comprendre, à la vérité, aucun politicien. Comme Berlusconi, Renzi a du mal à comprendre pourquoi les gens ne l’aiment pas. La différence est que Berlusconi a su rester dans l’opposition puis revenir à la victoire, tandis que Renzi a perdu son génie original depuis qu’il a quitté le Palazzo Chigi. En fait, il l’avait déjà perdu peu de temps après y être entré. C’est ce qui arrive à tous les révolutionnaires lorsqu’ils parviennent au Palais.

L’ancien Premier ministre a toujours aimé l’idée d’être le chef d’une communauté. Cette communauté, a-t-il découvert, est de plus en plus petite et sans importance dans la société (le Parlement est autre chose). C’est pourquoi la comparaison faite par l’ancien Premier ministre et président de la Commission Romano Prodi, selon laquelle Renzi s’est comporté comme Fausto Bertinotti, ancien secrétaire de la Rifondazione Comunista –  qui a fait tomber le gouvernement du même Prodi en 1998  – est discutable. La comparaison ne tient pas la route, car Bertinotti considérait le pouvoir et le fait d’être au pouvoir comme une superstructure dont il fallait se tenir à l’écart. Pour Bertinotti, l’opposition était une condition naturelle. Chez Renzi, c’est exactement le contraire. La raison pour laquelle il n’aime pas les rôles éminemment politiques –  comme celui de Secrétaire du parti  – est qu’ils réduisent considérablement le pouvoir exécutif.

Le pouvoir exécutif est ce qu’il faut pour organiser et exécuter les décisions. Là où il se trouvait désormais, il était empêché de faire cela. Giuseppe Conte est son adversaire, voire son concurrent : c’est pourquoi Renzi a besoin de lui aujourd’hui. À la fois comme adversaire et comme concurrent dans lequel se refléter.

Renzi a toujours eu le bon timing, ce qui est crucial en politique. Sauf quand il a quitté le Parti démocrate. Peut-être aurait-il dû le faire plus tôt. En 2012, après sa défaite aux primaires, ou en 2014, après avoir cumulé 40,8 % des suffrages aux élections européennes. Mais s’interroger sur ce sujet aujourd’hui reviendrait à refaire l’histoire. Tout comme on peut se demander ce qui se serait passé si Renzi avait réellement quitté la politique après sa défaite au référendum constitutionnel de 2016, comme il l’avait dit. 

Le problème de Renzi, c’est qu’au cours des dix dernières années, il a joué la carte de l’outsider, puis celle du politicien professionnel anti-système. Comme peu d’autres avant lui (peut-être Silvio Berlusconi), il était en phase avec une grande partie de l’électorat. C’est peut-être aussi la raison pour laquelle il y a aujourd’hui tant de méfiance à son égard. Au point que Renzi aurait tort – même s’il avait raison.

La politique est faite de risques et de relances. Mais les politiciens doivent toujours avoir une idée forte pour les soutenir. La rottamazione (sa volonté d’envoyer la vieille classe dirigeante italienne à la casse) a conditionné politiquement le débat public pendant des années. Elle avait sa force intrinsèque (sociale, politique, économique) et avait contaminé l’opinion publique. Aujourd’hui, les sondages nous disent que les choix de Renzi ne sont pas bien compris par l’électorat, peut-être pris par d’autres choses, d’autres logiques.

Il y a toujours une urgence sanitaire en cours, et pourtant, en juin, pourraient se tenir des élections générales anticipées. Pour les éviter, Giuseppe Conte a besoin d’un groupe de personnes dites responsables, également appelées « constructifs ». On ne sait pas encore combien ils sont. Le vote anticipé sied à très peu de personnes. Certainement pas Renzi, qui risque de disparaître du Parlement. Mais cela ne convient pas non plus au Mouvement 5 étoiles, qui traverse une crise irréversible que l’on pourrait qualifier de culturelle (si le mot n’était pas trop fort pour le parti de Luigi Di Maio).

Crédits
Publié à l'origine en italien dans la newsletter de David Allegranti, www.il machiavello.it