Un Conseil européen extraordinaire devait se tenir aujourd’hui et demain, pour discuter marché unique, politique industrielle et numérique, mais surtout géopolitique. Toutefois, la réunion a été reportée à la semaine prochaine (1-2 octobre) en raison de la quarantaine imposée à Charles Michel, président du Conseil, qui est entré en contact avec un positif au Covid-191. Un report qui pourrait être utilisé par les États membres pour gagner du temps supplémentaire afin de trouver une solution sur les questions géopolitiques complexes qui entourent l’Union.

  • Russie et Biélorussie. Initialement présentées comme éléments de discussion au sein de ce Conseil, les questions russe (relations de l’Union avec la Russie après les preuves d’empoisonnement de l’opposant Navalny) et biélorusse (prise de sanctions en réponse aux actions de Loukachenko) ne sont plus a priori à l’ordre du jour.
  • Le grand sujet : la Méditerranée orientale. Les actions de la Turquie dans les eaux grecques et chypriotes seront le principal thème des discussions. L’Allemagne qui présidera le Conseil, cherchera l’apaisement. Elle devra s’entendre avec la Grèce (soutenue par la France, qui appelle néanmoins à la pax mediterranea), qui reste réservée mais a apprécié le retrait du navire Oruç Reis de ses eaux territoriales et s’est dite prête à négocier avec Ankara. En revanche, Chypre se montre plus ferme et refuse de voter les sanctions contre la Biélorussie si d’autres sanctions ne sont pas prises contre la Turquie.
  • Des pressions parlementaires aussi. Le 17 septembre, les députés européens ont adopté une résolution appelant la Turquie à mettre un terme à toutes ses activités de forage en Méditerranée et à sa « rhétorique nationaliste belliqueuse ».
  • Ankara n’abandonne pas. Le retour temporaire de l’Oruç Reis au port s’explique par une opération de maintenance. Il pourrait être renvoyé prochainement dans la zone de l’île grecque Kastellorizo ou à Chios, nouvelle île d’intérêt pour la Turquie.
  • Le Med 7. En cette période de crises inouïes en Méditerranée, il faut bien comprendre que les intérêts des États méditerranéens membres de l’Union sont parfois divergents. Alors que la France, la Grèce et Chypre voient dans la question turque un grand enjeu de sécurité et de souveraineté, « la politique envers Ankara est d’abord vue par Berlin comme Rome en fonction des intérêts commerciaux et industriels ».2
  • La relation spéciale franco-grecque. Il y a dix jours, au lendemain du sommet d’Ajaccio, la Grèce devenait le premier État européen à acheter 18 avions de chasse français (Rafale) dans un contexte de militarisation intense de la Méditerranée. Mitsotakis veut aussi acheter 4 frégates françaises.
  • La « Commission géopolitique » von der Leyen. « Faute d’avoir su ou pu façonner le monde à son image, coopérative et irénique, l’Union en arrive à se convaincre que c’est à elle de s’adapter à la rugueuse réalité d’un monde fait de rapports de forces et bras de fer. »3
  • L’un des autres sujets diplomatiques qui seront sur la table concerne les relations entre l’Union et la Chine, alors même que la grande majorité des pays de l’Union manifeste de plus en plus ouvertement leur désapprobation au sujet des dossiers importants de la politique internationale chinoise.4

Sources
  1. Charles Michel delays summit to 1-2 October after going into quarantine, Euractiv, 22 septembre 2020
  2. KEPEL Gilles, Méditerranée : le sommet d’Ajaccio dans les crises, Le Grand Continent, 10 septembre 2020
  3. LOUIS Florian, Quatre problèmes géopolitiques de la Commission géopolitique, Le Grand Continent, 8 septembre 2020
  4. VERON Emmanuel, LINCOT Emmanuel, Chine-UE : un sommet pour des retombées réelles ou virtuelles ?, Le Grand Continent, 14 septembre 2020