Varsovie. La constitution polonaise définit trois fonctions primordiales du Président : il détient les pouvoir exécutif, représente le pays dans les relations internationales et reste le chef des forces armées. Il est en outre élu pour un mandat de 5 ans.

Les élections présidentielles initialement prévues le 10 mai1 ont finalement eu lieu le 28 juin. Onze candidats étaient enregistrées par la Commission électorale nationale. Les principaux rivaux ayant une chance de gagner étaient : Andrzej Duda, l’actuel président, représentant de la droite ; Rafał Trzaskowski soutenu par l’opposition – la Coalition Civique (Rafał Trzaskowski a remplacé l’ancienne candidate de l’opposition Małgorzata Kidawa-Błońska) ; Robert Biedroń, soutenu par l’Alliance de la gauche démocratique ; Krzysztof Bosak – la Conféderation (l’extrême droite), Władysław Kosiniak-Kamysz (Parti populaire polonais) et Szymon Hołownia (un candidat indépendant).2

Les sondages effectués début mars avaient déjà montré la probabilité du second tour avec les résultats suivants : selon un sondage CBOS du 01/03/2020 Andrzej Duda obtient 35 %, Małgorzata Kidawa  – 24 %, Władysław Kosiniak Kamysz – 7 %.3

Finalement, selon Exit Polls du 28 juin à 21h, le taux de participation a été de 62,9 %, ce qui en fait le plus grand taux de participation en Pologne depuis 1989. À titre de comparaison, il était de 61,7 % durant les dernières élections parlementaires en 2019. Les résultats indiquent la victoire d’Andrzej Duda avec 41,8 % des voix, suivi de Rafał Trzaskowski avec le 30,4 %. La troisième place revient à Szymon Hołownia (13 %) et la quatrième à Krzysztof Bosak (7,4 %).4

Le second tour est prévu pour le 12 juillet. Ainsi, un affrontement entre les deux plus grands rivaux de la scène politique aura lieu. Cela signifie en fait un combat « tout ou rien » pour le parti au pouvoir, car il lui permettrait d’« achever sa mission » annoncée par Jaroslaw Kaczyński, le chef du parti Droit et Justice, doit avoir le monopole absolu du pouvoir.

Les élections se sont déroulées dans une atmosphère extrêmement inhabituelle, tout comme toute la campagne. Lancée dans une atmosphère de scandale, elle s’est déroulée de manière extrêmement agressive. La campagne d’Andrzej Duda a commencé au plus tôt, le 22 février 2020, tandis que les principaux rivaux initiaux Małgorzata Kidawa-Błońska et Robert Biedroń l’ont commencé le 1er mars. La campagne a été riche en divers incidents sans précédent, également lors de la collecte de signatures, de réunions avec les électeurs et de conventions. Les comportements agressifs, les combats entre partisans de diverses formations politiques et les propos haineux sont devenus le moteur de la campagne initiale. Le célèbre « geste de Lichocka » en Pologne restera dans l’histoire comme une expression d’irrespect envers les opposants politiques : la députée de Droit et Justice Joanna Lichocka a dirigé son doigt majeur pendant la séance du Sejm, criant des mots indécents à l’opposition. Ensuite, l’état d’urgence épidémique introduit a arrêté la campagne et a remis en cause la date des élections.5 Une nouvelle date a finalement été fixée au 28 juin. Depuis, le gouvernement lève progressivement les restrictions liées à la pandémie.

En effet, la nouvelle campagne électorale a commencé le 12 mai, lorsque la Coalition civique décide de présenter un nouveau candidat, l’actuel maire de Varsovie, Rafał Trzaskowski, qui a aussitôt commencé sa campagne sous le slogan « Un président fort, une Pologne commune ». Les sondages lui prévoient un soutien de 28 % et même, selon certains, une petite victoire au second tour contre Andrzej Duda – 48,8 % contre 48 %.

La campagne est largement dictée par la rhétorique du parti au pouvoir, qui impose le thème du débat public en recherchant « un ennemi ». La campagne contre « l’idéologie LGBT » a commencé avec le redémarrage de la campagne d’Andrzej Duda (le thème était déjà apparu lors de la dernière campagne au parlement en octobre 2019). Le 10 juin, la « charte de famille » présentée par lui est un recueil de garanties et de déclarations concernant la vie familiale, où existe une disposition de protection de la société polonaise contre « l’idéologie LGBT ». Cette charte est une réponse à la « déclaration LGBT » que le maire de Varsovie a signée en février 2019. Ainsi Duda a mis les autres candidats sur la défensive.

Sur cette vague, Krzysztof Bosak, un candidat d’extrême droite, a surfé bien au-dessus des autres candidats (10 %) ce qui s’est confirmé durant les élections (quatrième place avec 7,4 %). Surtout, il a su tirer son épingle du jeu après le consensus qui a transparu lors du débat télévisé, où la faiblesse des deux rivaux principaux s’est révélée.6 Ce qui montre la tendance observée depuis les dernières élections législatives d’octobre 2019 : la société polonaise choisit de plus en plus des groupes conservateurs de droite représentant les valeurs chrétiennes traditionnelles. Cette tendance s’applique à tous les catégorie d’âges. 

Ici, il convient de mentionner le problème des doubles standards dans les médias polonais depuis 2015. Tous les médias publics créent un récit favorable au gouvernement, ce qui les rend plus  favorable au président actuel, contrairement à tous les médias commerciaux. 

Au cours de la dernière semaine préélectorale, le 24 juin, Andrzej Duda s’est rendu aux États-Unis : comme pour la campagne avant les élections législatives, le président polonais cherchait avec cette visite officielle le soutien de l’allié de la Pologne le plus puissant du monde. 

John Davis Jr., l’ambassadeur américain en Pologne (1989 – 1990), a écrit dans ses notes diplomatiques que la Pologne est « le pays le plus pro-américain d’Europe  ». Aujourd’hui, 51 % des Polonais considèrent les États-Unis l’allié le plus important, et que les troupes américaines devraient stationner en Pologne. Il s’agit du plus grand soutien aux États-Unis parmi les pays européens. 4 500 soldats américains se trouvent actuellement en Pologne selon des périodes de rotation. En 2019, la Pologne a signé trois contrats pour la présence de troupes américaines, et déjà dans ces contrats était évoquée la possibilité d’un renforcement supplémentaire. Il s’agit de l’accord « OTAN-SOFA Accord sur le statut des forces », « SOFA bilatéral américano-polonais », ainsi que la loi sur les règles de séjour des troupes étrangères sur le territoire polonais et les règles de leur déplacement sur notre territoire.

Une autre promesse de renforcer la présence militaire américaine en Pologne (par l’envoi de 1 000 soldats supplémentaires) et la déclaration préliminaire de la construction d’une centrale nucléaire par les États-Unis en Pologne pourraient renforcer le classement de Duda dans la course au siège du président de la Pologne. La promesse d’une coopération militaire et énergétique entre les deux pays pourrait être bénéfique pour les deux présidents qui sont en pleine campagne électorale. Pourtant, la visite s’est terminée par de déclarations de bonnes foie sans des décisions concrètes.

La Pologne a l’ambition de construire une centrale nucléaire et de posséder l’armée nucléaire. Néanmoins, la Pologne n’a jamais été invité à participer dans le programme NATO Nuclear Sharing. De plus en plus souvent on souligne la possibilité de déplacer une partie de l’armée nucléaire de l’Allemagne vers la Pologne. Si les États-Unis décident de délocaliser les soldats américains ainsi que l’armée nucléaire du sol allemand sur le sol polonais, cela mettrait en danger la position diplomatique de la Pologne envers ces alliées européens, par rapport à la présidence de l’Allemagne du Conseil de l’UE qui s’ouvre le premier juillet 2020, à la promesse d’Emmanuel Macron, le président français, d’inviter la Pologne dans son nouveau programme nucléaire. Cela rend compliqué la position de la Pologne sur la scène internationale dans les années à venir, puisqu’elle devrait être équilibrée entre le partenaire américain et les alliées européens.7

Conclusion

Andrzej Duda a gagné le premier tour avec le slogan « Président des affaires polonaises », malgré la signature de la réforme du pouvoir judiciaire, suite au boom économique, multipliant successivement les promesses des programmes sociaux (Il a signé le 26 février 2020 le projet de la treizième retraite) et des programmes de relance post-pandémique. Pourtant, la différence entre deux principaux rivaux n’est pas très grande. 

Le second tour des élections aura lieu le 12 juillet. L’actuel président Andrzej Duda défendra sa position. Sa victoire signifiera que le parti au pouvoir conservera son monopole.

Perspectives :

  • Le deuxième tour des élections présidentielles se tiendra en Pologne le 12 juillet. Les sondages donnent les meilleures chances de gagner à l’actuel président Andrzej Dud, mais la course s’annonce très serrée.
  • À long terme, en Pologne, face à la crise économique et à un soutien croissant dans la société polonaise aux groupes conservateurs de droite, une campagne anti-UE va démarrer, appelant au Polexit. Cela pourrait commencer une vague de sortie de tous les pays du Groupe de Visegrad des structures européennes, tout en renforçant les nouveaux partages en Europe.