Pékin. Le forum « 17+1 » a été lancé en 2012 à la fin du règne du tandem Hu Jintao – Wen Jiaobao, où ce dernier, Premier ministre, lors d’une visite à Varsovie pour le Forum des affaires Chine-Europe centrale et orientale, posa officiellement la première pierre de cet édifice économique et politique. Issu d’un travail diplomatico-économique patient de la Chine depuis la fin de la guerre Froide avec la plupart des pays d’Europe centrale et de l’Est, le forum regroupait au début la Chine et 16 pays : Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Slovénie, Croatie, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Albanie et Macédoine1. A partir de cette date, le format donnera le cadre : les relations entre la Chine et les pays d’Europe centrale et orientale ont connu jusqu’à aujourd’hui une intensité sans précédent. En avril 2019, lors du sommet annuel de l’organisation à Dubrovnik, cette coopération entre Pékin et les 16 pays d’Europe centrale et orientale s’est transformée en format 17 + 1 avec l’adhésion de la Grèce, pays stratégiquement important dans la politique européenne de la Chine.2 Ainsi, le forum comprend 12 états membres de l’UE et cinq non-membres, ceci accroissant l’influence de la Chine au sein de l’Union.

Dans le cadre de sa stratégie européenne et de promotion de sa méthodologie du multilatéralisme, Pékin voit dans ce format un atout pour assoir son influence à travers le projet Belt and Road Initiative (BRI). Doté de structures permanentes réparties sur l’ensemble des états membres, le format concerne la totalité des domaines « classiques » de coopération des initiatives chinoises : culturelle, agriculture et foresterie, finance, diplomatique, bancaire, énergétique, etc.3

Le format 17 + 1 est un pilier essentiel du développement de divers projets d’infrastructures et de MOU dans cette partie de l’Europe afin de mieux l’arrimer à la géoéconomie chinoise. Dans ce sens, le cas de la Grèce est éloquent. Membre de l’UE en récession durable, la Grèce, son paysage politique et ses infrastructures sont depuis plus d’une décennie dans les priorités stratégiques de la Chine. La situation du port du Pirée opéré en partie par le groupe COSCO, le développement d’infrastructure de transports et la proximité entre le Premier Ministre Grec et les autorités chinoises, la mise en place du système « golden visa » sont autant de marqueurs d’une relation bilatérale accélérée au sein d’un espace multilatéral4. Les cas de la Pologne, de la Lettonie ou de la Hongrie illustrent parfaitement les enjeux politique et économique en cours : plateforme logistique, désunion au sein de l’UE, développement d’infrastructures et réseau 5G, réseau énergétique (notamment par le groupe Chinois State Grid), etc. En outre, la quasi-totalité des membres européens de ce format sont membres de l’OTAN. Ceci représente une couche supplémentaire d’incertitudes stratégiques notamment en matière de renseignement, d’adhésion politique et de livraison de matériel militaire en provenance de Chine populaire.

Alors que le prochain sommet annuel aura lieu en avril à Pékin et sera présidé pour la première fois par Xi Jinping, la cohérence d’ensemble en interne semble prise par des difficultés multiples5. Si la stratégie chinoise de soumettre les états de la zone par la dette est évidente, plusieurs pays montrent les limites du format. A travers le format 17 + 1, les membres européens cherchent à développer leur relation bilatéral, en particulier commercial, une succession de déconvenues interroge la structure d’ensemble : déficit important dans les échanges bilatéraux, manque d’investissement, problématique douanière, manque d’ouverture du marché chinois…6

La tâche est très importante pour l’UE. Il est plus que nécessaire de s’y atteler et moderniser les outils de gouvernance face à ces rapports de force internes à l’Union pour la décennie à venir.