Ce vendredi 9 novembre 2019, Ursula Von der Leyen, présidente élue de la Commission européenne, prononçait un discours à la veille des célébrations du 30e anniversaire de la chute du mur de Berlin. Symboliquement fort, ce moment était l’occasion pour la future présidente de l’exécutif européen d’affiner sa vision pour l’Europe et d’incarner politiquement sa nouvelle fonction, alors que l’investiture du nouveau collège de commissaires prend du retard. Ce discours intervient notamment au lendemain d’un entretien fleuve donné par le président français pour The Economist, dans lequel Emmanuel Macron s’est distingué par une vive critique à l’encontre de l’OTAN et un appel à l’impérieuse nécessité pour l’Europe de « se réveiller » afin de prendre son destin stratégique et géopolitique en main.

Alors que la future présidente de la Commission souhaite elle-même donner une orientation résolument géopolitique à l’institution, l’exercice était particulièrement important. Le Grand Continent a identifié les points clés de son discours sur l’état de l’Europe :

  • Dès les premiers instants de son discours, Ursula Von der Leyen a longtemps défendu le bilan de l’OTAN, la qualifiant notamment « d’institution unique » et « d’alliance de défense la plus puissante du monde ». Une prise de position en évidente contradiction avec celle exprimée par Emmanuel Macron la veille ;
  • Après un long retour sur la turbulente histoire de l’Allemagne et le moment historique de la réunification, la future présidente de la Commission a rappelé l’importance et le poids de l’Europe en tant qu’entité politique, économique et commerciale unie ;
  • VDL a rappelé la capacité européenne singulière à maintenir un équilibre entre l’influence des marchés et celle des États, au service des citoyens. Elle a ainsi rappelé la portée des nouveaux standards européens en matière de protection des données personnelles, et l’importance d’une politique de souveraineté qui soit déployée plus largement et systématiquement à l’échelle européenne ;
  • VDL a ensuite insisté sur l’effet cathartique du Brexit, dans la mesure où elle considère que cette épreuve a renforcé l’Union en faisant prendre conscience du coût d’un départ et de la valeur-ajoutée européenne plutôt qu’elle n’a provoqué le début d’une contagion de la désunion ;
  • VDL a ensuite abordé l’enjeu climatique et la nécessité de faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone d’ici à 2050. Afin de traduire concrètement cette ambition politique, elle a annoncé son intention de proposer rapidement un projet de loi européenne sur la protection climatique, mais aussi un plan d’investissement pour une Europe durable et la réorientation d’une partie des activités de la banque européenne d’investissement au profit d’une nouvelle banque de protection climatique, avec l’objectif ambitieux de mobiliser 1000 milliards d’euros sur 10 ans ;
  • En cohérence avec sa volonté de donner corps à une Commission géopolitique, VDL est ensuite longuement revenue sur les dimensions de la souveraineté européenne et du modèle politique et démocratique européen, dont elle a dessiné les principales caractéristiques. Pour la future présidente de la Commission, le soft power seul n’est plus suffisant pour la garantie de ce modèle. Elle considère ainsi que l’Europe doit « apprendre le langage du pouvoir ». Cet aspect de la souveraineté passe notamment par une prise en main indépendante de la sécurité européenne, et une affirmation plus grande des standards et principes européens vis-à-vis des autres régions du monde, mais aussi des entreprises privées comme les géants du numérique ;
  • Au regard de la politique d’élargissement de l’Union, VDL a insisté sur la nécessité de donner de la visibilité aux pays des Balkans occidentaux. Là encore, la future présidente de la Commission européenne a tenu à se démarquer de la position défendue par le président de la République française. VDL a d’ailleurs clairement affirmé sa position en faveur de l’ouverture des négociations d’adhésion à l’UE pour l’Albanie et la Macédoine du Nord ;
  • Sur la politique migratoire de l’UE, plus prudente, VDL a invité les chefs d’État et de gouvernement à se saisir de la question en relançant les discussions sur ce dossier particulièrement contesté entre les pays membres. Son objectif est de présenter une proposition concrète d’ici à la fin du printemps 2020.