Cet article fait partie d’une série en cours présentant opinions et perspectives originales sur l’accord commercial entre l’Union et le Mercosur récemment signé. Les autres articles sur le sujet sont à retrouver ici.

Washington. « Vous pouvez être en retard. Le temps, lui, est toujours à l’heure » (You may delay but time will not). La sagesse des mots de Benjamin Franklin peut s’appliquer aussi bien aux circonstances personnelles les plus banales qu’aux négociations internationales les plus complexes, comme l’accord UE-Mercosur, dont l’importance dépasse largement les quatre milliards d’euros1 d’économies qu’il permettra à la communauté atlantique de réaliser.

Beaucoup prévoient que la ratification de l’accord pourrait prendre des années, car il doit passer par les Parlements des États du Mercosur et de l’Union. Ce travail, déjà herculéen en soi, sera rendu encore plus ardu par les courants protectionnistes de part et d’autre de l’Atlantique2. Mais, si les nations de l’Union et du Mercosur souhaitent définir une nouvelle communauté atlantique en dehors de la sphère de domination américaine, cet accord constitue une formidable opportunité.

Pourquoi est-il important ? Et pourquoi doit-il être ratifié le plus tôt possible ? Abordons ces questions dans l’ordre.

Premièrement, cet accord est important pour l’Union et le Mercosur parce que les économies des États parties sont pour la plupart en stagnation ou en déclin. Cet accord leur servira de tremplin en modifiant profondément l’environnement économique des entreprises.

Au-delà des avantages économiques immédiats, l’accord, une fois ratifié, prouvera qu’il s’agit d’un projet dynamique qui peut apporter des avantages matériels aux citoyens. Il montrera également que, malgré les nombreux défis qu’ils leur faut affronter, l’Union et le Mercosur ont la vitalité et l’imagination nécessaires pour se développer, plutôt que de se retirer d’une économie mondialisée ouverte qui a aidé des centaines de millions de personnes à échapper à la pauvreté et à atteindre la prospérité3.

Cela soulève la deuxième question : pourquoi cet accord doit-il être ratifié le plus tôt possible ? La réponse est que les États-Unis sont en train de démanteler les mécanismes de l’ordre économique qu’ils ont construit au cours des 25 dernières années. Donald Trump ne croit pas au libre-échange – il croit que les États-Unis sont engagés dans une guerre commerciale permanente avec le reste du monde et que les tarifs douaniers sont les armes les plus efficaces de son arsenal. Malgré la résistance farouche des intellectuels libre-échangistes, Trump a réussi à populariser ce point de vue dans de larges pans de la droite américaine4.

La probabilité que Trump remporte un second mandat en 2020, couplée au mercantilisme et aux aspirations hégémoniques de la Chine5, invite de nouveaux acteurs à se faire les champions de l’ordre libéral. En ratifiant l’accord Union-Mercosur, les deux parties de ce nouveau pont atlantique peuvent obtenir une victoire morale nécessaire à la survie du libre-échange. Ils peuvent également se présenter, comme l’Union le fait déjà, comme législateurs sur la scène internationale, plutôt que de s’inspirer des États-Unis, de plus en plus imprévisibles. Et cela tout en procurant d’importants avantages matériels à leurs citoyens.

Cet accord n’est pas parfait. Aucun compromis négocié entre un ensemble diversifié de peuples et d’intérêts ne peut l’être. Mais s’il est ratifié, il permettra d’investir dans le futur et de renforcer l’autonomie économique des États parties. Il s’agira également d’un rempart contre la vague du populisme et de l’illibéralisme, qui rend chaque jour plus difficile la libre association des peuples et des nations.

« Vous pouvez être en retard. Le temps, lui, est toujours à l’heure. »

Sources
  1. BLENKINSOP Philip, KIHARA Leika, EU, Mercosur strike trade pact, defying protectionist wave, Reuters, 28 juin 2019.
  2. FELTER Claire, RENWICK Danielle, CHATZKY Andrew, Mercosur : South America’s Fractious Trade Bloc, Council on Foreign Relations, 10 juillet 2019.
  3. The World Bank Group and the World Trade Organization, Trade and Poverty Reduction : New Evidence of Impacts in Developing Countries, 2018.
  4. LINCICOME Scott, The Case for Free Trade, National Review, 2 mai 2019.
  5. Traité avec le Mercosur : faire entendre la voix de l’Europe, Le Monde, 4 juillet 2019