Buenos Aires. Alors que la défense de la fille de l’ancienne présidente argentine Cristina Fernández de Kirchner (2007-2015) a présenté au juge fédéral Julián Ercolini ses antécédents médicaux lui permettant ainsi de justifier son séjour à Cuba 1, des personnalités politiques latino-américaines et européennes ont dénoncé ce lundi 8 avril, par le biais d’une déclaration dans le journal Página 12, la “persécution politique, médiatique et judiciaire” dont sont victimes leurs fils et leurs filles 2.

Pour rappel, Florencia Kirchner est inculpée pour avoir participé, avec sa mère et son frère Máximo Kirchner, à des “associations illicites”. Le 14 mars, l’ancienne présidente de l’Argentine publiait sur son compte Twitter une vidéo dans laquelle elle dénonçait la “féroce persécution” envers sa fille Florencia qui lui causait de “sévères problèmes de santé” 3. Si l’actuelle sénatrice de la province de Buenos Aires fait face à la justice dans de nombreuses affaires de corruption, ses deux enfants sont, eux aussi, soumis à des procédures judiciaires, connues sous le nom de “Hotesur” 4 et “Los Sauces” 5. Ils sont notamment accusés d’avoir organisé l’encaissement de versements à travers des entreprises touristiques en échange de marchés publics. Máximo Kirchner, qui est député pour la province de Santa Cruz bénéficie, tout comme sa mère, de l’immunité parlementaire, ce qui n’est pas le cas pour Florencia.

Parmi les signataires de la déclaration, on trouve notamment les anciens présidents du Brésil Lula da Silva (2003-2010) et Dilma Rousseff (2010-2016), l’ancien président de l’Équateur, Rafael Correa (2007-2017), l’ancien président du Paraguay, Fernando Lugo (2008-2012), ainsi que le prix Nobel de la paix argentin, Adolfo Pérez Esquivel. De l’autre côté de l’Atlantique, Jean-Luc Mélenchon, président du groupe France Insoumise à l’Assemblée nationale, Pablo Iglesias, secrétaire général du parti espagnol Podemos, et Gerardo Pisarello, premier adjoint au maire de Barcelone ont apporté leur soutien à cette déclaration. Ce dernier est aujourd’hui la tête de liste de Barcelona En Comú pour les élections européennes. Le parti d’Ada Colau fait partie de la coalition Unidos Podemos, dont les membres avaient largement voté contre la résolution commune sur le Venezuela le 31 Janvier dernier 6.

L’axe transatlantique est aussi évident dans cette carte qui montre les positions des différents pays dans la crise au Vénézuela. GEG – Pole Cartographe pour LGC

Nous vous proposons en exclusivité la traduction de cette déclaration :

Ne touchez pas à nos fils et nos filles

La persécution politique, médiatique et judiciaire est devenue une constante en Amérique latine. Ces pratiques affaiblissent les démocraties et cherchent à imposer une discipline politique à tous ceux qui ont favorisé le début de transformations depuis le début du siècle. Ceux parmi nous qui prennent la décision de s’engager politiquement, savent que cela implique d’énormes coûts personnels.

Mais nos fils et nos filles, les fils et les filles de tous ceux d’entre nous qui se consacrent d’une manière ou d’une autre à s’exposer de façon publique, n’ont pas choisi cela et devraient être exemptés de toute manœuvre persécutoire. Le harcèlement envers Florencia Kirchner est un exemple de ces pratiques que nous dénonçons et que nous ne saurions passer sous silence. C’est pourquoi nous affirmons : ne touchez pas à nos fils et nos filles.

Perspectives :

  • Les exemples de la “judiciarisation” de la politique, ou de “l’utilisation abusive des ressources juridiques à des fins de persécution politique”, ont été très nombreux en Amérique latine ces derniers temps. Parmi eux, les cas du Brésil et de l’Equateur 7 ont été les plus étudiés. En Argentine, se pose la question de l’utilité pour la coalition au pouvoir Cambiemos d’une telle stratégie dans la perspective des élections présidentielles d’octobre. Il semblerait que la polarisation entre la figure de Mauricio Macri et celle de Cristina Fernández de Kirchner est encore la principale tactique électorale du gouvernement, comme en témoignent les déclarations récentes de Jaime Durán Barba, conseiller politique et ancien directeur de campagne de l’actuel président, au journal Perfil : “ça sera Macri ou Cristina, ils sont côte à côte” 8.
  • Les médias et l’opinion publique argentins envisagent encore un deuxième tour entre Mauricio Macri et l’ancienne présidente. Les dernières évolutions de sa situation judiciaire, ainsi que celle de ses enfants, ont pourtant alimenté l’étude d’un scénario électoral sans l’actuelle sénatrice 9. A moins de deux mois de l’échéance pour la présentation des listes de pré-candidats aux primaires obligatoires le 22 juin, Cristina Fernandez de Kirchner n’a pas encore officialisé sa candidature.
Sources
  1. La defensa de Florencia Kirchner presentaron su historia clínica ante la Justicia y pidieron que le permitan quedarse en Cuba hasta que reciba el alta médica, Infobae, 8 avril 2019
  2. Con los hijos e hijas no, Página 12, 8 avril 2019
  3. KIRCHNER Cristina, Tweet du 14 mars 2019.
  4. Causa nro. 11352/2014, Poder Judicial de la Nación : Juzgado Criminal y Correccional Federal, 14 mai 2018.
  5. Causa nro. 3732/2016, Poder Judicial de la Nación : Juzgado Criminal y Correccional Federal, 2 octobre 2018.
  6. BOSCH Felipe, Venezuela : géopolitique du vote de la résolution commune au Parlement européen, Le Grand Continent, 10 février 2019.
  7. CORREA Anne-Dominique, L’ex vice-président de l’Équateur incarcéré, Jorge Glas, en grève de la faim, Le Grand Continent, 28 octobre 2018.
  8. FONTEVECCHIA Jorge, Durán Barba : « Será Macri o Cristina ; están codo a codo », Perfil, 7 avril 2019.
  9. PALADINI Eduardo, Elecciones 2019 : ¿Y si Cristina no se presenta ? Qué dicen las encuestas del escenario electoral sin la ex presidenta, Clarín, 17 février 2019.