Tripoli. La Libye, aux portes de l’Europe, représente pour cette dernière et particulièrement pour la France et l’Italie, un territoire important, tant sur le plan sécuritaire que stratégique.

Selon l’expert de la Libye Mohamed Ben Lamma (1), la Libye est pour l’Europe un fournisseur d’énergie non négligeable en gaz et en pétrole dans le cadre de sa politique de sécurisation et de diversification des approvisionnements. D’autre part, la lutte contre le terrorisme, pour la France, et contre l’immigration clandestine, pour l’Italie, constituent deux points majeurs de leur politique méditerranéenne et principalement de leur intervention dans le dossier libyen.

La conférence organisée en mai dernier à Paris (3) semble avoir précipité ce processus de rivalité entre ces deux parties. Une nouvelle feuille de route a été érigée sous l’égide des Nations Unies visant à organiser des élections législatives et présidentielles avant le 10 décembre prochain en dépit des réticences italiennes. Au-delà des difficultés conjoncturelles pour mener à bien ce projet, l’Italie souhaite, avant la tenue d’élections, établir une réconciliation nationale. Selon Ben Lamma, “les Italiens considèrent le sommet organisé à Paris par Emmanuel Macron comme une initiative essentiellement unilatérale qui prive l’Italie de son rôle traditionnel d’interlocuteur privilégié, compromet ses intérêts en Libye et sanctionne le rôle de la France en tant que médiateur le plus influent pour la Libye” (2).

Les deux pays européens mènent en parallèle des actions en Libye. Ces interventions démontrent leurs divergences diplomatiques mais soulèvent également un paradoxe concernant les efforts menés pour la résolution du conflit. Le gouvernement italien soutient le gouvernement d’union national (GUN) basé à Tripoli. Il n’a pas hésité de plus à soutenir, financer et négocier avec des milices et tribus pour parvenir à ses fins : lutter contre l’immigration clandestine (2).

Concurremment, la France reconnaît le GUN mais soutient activement les actions de Khalifa Haftar, leader du bras armé du gouvernement de Beida dans l’Est (4). Il incarne pour la France un partenaire de taille dans la lutte contre le terrorisme. Cet appui permet également au gouvernement français de s’accorder sur la position de ses alliés égyptiens et émiratis, lesquels interviennent directement en faveur du militaire libyen.

Perspectives :

  • La France semble reconnaître que la tenue d’élections le 10 décembre 2018 apparaît prématuré.
  • Une conférenc sur la crise libyenne sera tenue à Palerme les 12 et 13 novembre prochain : il est prévu que tous les représentants libyens soient présents.

Sources :

  1. BEN LAMMA Mohamed, Face au chaos libyen l’Europe se cherche encore, Fondation pour la Recherche Stratégique, n°21/2017.
  2. BEN LAMMA Mohamed, L’émulation désordonnée franco-italienne sur le dossier libyen, 13 septembre 2018.
  3. Conférence internationale sur la crise libyenne tenue en présence des quatre principaux représentants libyens.
  4. GALTIER Mathieu et DUMAS Maryline, La Libye prise en otage par la France et l’Italie, Orient XXI, 17 octobre 2018.

Soraya Rahem