Alger. À l’occasion du sommet Algeria Future Energy, qui s’est tenu la semaine dernière à Alger, quatre accords ont été signés entre Sonatrach (Société nationale pour la recherche, la production, le transport, la transformation et la commercialisation des hydrocarbures), Total et ENI (Ente Nazionale Idrocarburi), portant sur l’évaluation du potentiel d’hydrocarbures offshore et l’élaboration de projets de construction d’infrastructures énergétiques renouvelables. Alors que les finances publiques algériennes demeurent largement dépendantes du secteur énergétique – environ 60 pour cent du budget national repose sur les recettes pétrolières et gazières (1) – les majors Total et ENI espèrent observer les mêmes potentiels que ceux découverts en Méditerranée orientale. En effet, plusieurs champs gaziers ont été découverts ces dernières années, comme en Israël (Tamar), en Égypte (Zohr) et au large de Chypre (Aphrodite) (2).

Patrick Pouyanné, PDG de Total, a indiqué que l’accord prévoyait un partage des parts à 50 pour cent pour Sonatrach et respectivement 25 pour cent pour Total et ENI. Le groupe italien se voit attribuer en tant qu’opérateur, et Total en tant qu’associé, la partie orientale de la zone maritime à explorer, sur une superficie de près de 15 000 km² au large du golfe de Béjaia. Total, en revanche, deviendra l’opérateur de la partie occidentale des côtes, sur une superficie d’environ 10 000 km² au large d’Oran, avec une participation minoritaire d’ENI (4). L’accord porte plus précisément sur “l’acquisition de données sismiques 3D, le traitement sismique et leurs interprétations, ainsi que le forage d’un puits d’exploration dans chacune des deux zones ciblées à l’est et à l’ouest du pays” (3).

Le PDG du groupe ENI a également ajouté : “Avec Sonatrach et Total, nous aurons l’occasion d’explorer les eaux profondes de l’offshore algérien, une province géologique pratiquement inexplorée, où ENI pourra contribuer en tirant parti de son expérience dans la Méditerranée orientale et de son inventaire de technologies d’exploration avancées.” (4) ENI est en effet présent en Algérie depuis 1981, participant aujourd’hui à 32 permis miniers avec une production equity dans le pays de 90 000 barils équivalent pétrole par jour, faisant de l’entreprise le principal acteur international de l’Algérie. Le dernier contrat signé entre Sonatrach et Eni porte sur la cession au groupe italien de 49 pour cent des intérêts de Sonatrach sur les trois périmètres de recherches Zemlet Elarbi, Sif Fatima et Orhoud II. Plus généralement, le groupe est implanté tout autour du bassin méditerranéen, avec des opérations en cours au Maroc, en Tunisie, en Libye et en Égypte. Si l’exploration en Algérie se révélait concluante, l’extraction et l’exploitation des ressources pourrait commencer dès 2022.

Parallèlement, Sonatrach et Total ont signé un accord visant à identifier des projets dans le secteur des énergies renouvelables. Principale opportunité évoquée en marge du sommet, le gaz actuellement utilisé pour faire fonctionner les sites de production d’hydrocarbures pourrait être remplacé par des énergies renouvelables, permettant d’optimiser les conditions d’exploitation des ressources sur site. Total pourrait en effet capitaliser sur ses investissements dans les technologies solaires, le principal axe de développement de son activité “renouvelables”.

Dans une perspective européenne, l’enjeu du gaz en Méditerranée est critique car il représente une opportunité de diversification de son approvisionnement, aujourd’hui encore dominé par la Russie. La création et le développement d’infrastructures de transport du gaz, par gazoduc ou par cargo dans le cas du gaz naturel liquéfié, est donc l’autre sous-jacent de la découverte de ressources naturelles en Algérie (1).

Perspectives :

  • La dispute entre Israël et le Liban sur la délimitation de leurs frontières maritimes, et la revendication des ressources gazières offshore – alors que le Liban s’apprête à les exploiter dès 2019 grâce au consortium Eni (IT) -Total (FR) -Novatek (RU).
  • La capacité de l’Algérie à demeurer un des principaux fournisseurs de gaz pour l’Union européenne.

Sources :

  1. AISSAOUI Ali, Algerian Gas : Troubling Trends, Troubled Policies, Oxford Institute for Energy Studies, mai 2016
  2. Du gaz dans l’eau en Méditerranée orientale, Connaissance des Energies, 27/04/2018
  3. Eni et Total vont explorer le potentiel pétrolier de la zone maritime algérienne”, Econostrum, 30/10/2018
  4. Exploration pétrolière en offshore : Sonatrach signe des contrats avec ENI et Total, El Watan, 30/10/2018

Clémence Pèlegrin

Brève réalisée en commun entre les Programmes Energie-Environnement et Méditerranée du GEG.