Capitalismes politiques en guerre

Long format

Économie contre diplomatie.

L’Iran s’est construit dans les sanctions. Si ses dirigeants se félicitent aujourd’hui d’avoir créé une économie de résilience sui generis — de l’industrie automobile aux armements — ce modèle occulte un problème de fond  : les Européens ne veulent plus investir. Or sans cet outil clef pour la négociation, les possibilités d’un accord paraissent de plus en plus fragiles.

Nous sommes le 1er avril, et cela fait quarante ans jour pour jour que l’Europe n’est pas technologiquement morte. Pourquoi n’en avons-nous tiré aucune conséquence culturelle  ?

À partir du succès et de la centralité documentée de l’entreprise néerlandaise ASML, au cœur de l’écosystème technologique et économique mondial, Alessandro Aresu appelle à un sursaut.

Un diagnostic profond relie Trump et Biden  : l’hégémonie américaine est menacée. Une nouvelle science de l’État doit structurer ses relations avec le reste du monde, autour d’un axe clef  : la sécurité. Nous publions l’un des textes les plus importants pour comprendre les courants profonds de Washington, signé par l’influent conseiller adjoint à la sécurité nationale, Daleep Singh.

1971. Kissinger va secrètement en Chine pour rouvrir les relations entre Washington et Pékin. Un an plus tard, Richard Nixon fera le voyage.

Alors que les industries américaines tablent sur le marché de la consommation en Chine, ils y trouvent une main-d’œuvre à bas coût. En face, Mao se soucie de sa balance commerciale, avec un objectif  : devenir l’usine du monde. Une symétrie s’installe. Elle structure jusqu’à aujourd’hui la guerre des capitalismes politiques. Dans une étude fouillée à partir du marché du textile, Elizabeth Ingleson fait le récit des origines du «  Made in China  ».

«  Il n’y a pas d’éthique commune tout au long de la chaîne d’approvisionnement  »  : sommes-nous en train de faire dérailler les chaînes de valeur à coup de valeurs  ?

Dans un monde cassé mais aussi de plus en plus réglementé, les multinationales qui avaient misé sur une croissance globalisée et un droit uniforme risquent l’éclatement. Pour Fabio Londero, directeur juridique du groupe sidérurgique frioulan Danieli, le contre-feu de «  l’effet Bruxelles  » pourrait être fatal.

De Lénine à Poutine, des infrastructures titanesques ont façonné le paysage de la Russie. Des centaines de milliers d’hommes sont morts pour les construire. Pour des barrages, des centrales nucléaires ou des méga-usines, ils ont brisé les glaces de l’Arctique, détruit des écosystèmes, asséché des lacs. Hier comme aujourd’hui, ces rêves d’acier et de béton sont surtout des armes de guerre. Paul Josephson revient sur leur histoire — du goulag à l’invasion de l’Ukraine.

La Russie est-elle vraiment en économie de guerre  ?

À y regarder de plus près, les ressources financières et industrielles de Moscou — mais aussi sa main-d’œuvre — sont loin d’être aussi illimitées que Poutine le prétend. Dans une étude chiffrée, le spécialiste des politiques de défense Pavel Luzin nous plonge au cœur d’une économie de l’armement largement en crise depuis l’invasion de l’Ukraine — et qui repose désormais sur des stocks de l’ère soviétique.

Partout, les politiques industrielles se redéploient. Mais comment garantir leur efficacité  ? En Israël, une success story ambitieuse s’est arrêtée net lorsque la coalition d’intérêt qui la sous-tendait s’est affaiblie. Dans cette étude de cas depuis Tel-Aviv, Erez Maggor montre qu’à l’heure de la guerre des capitalismes politiques, la puissance de l’État ne suffit pas à relancer une politique industrielle.

Autrefois principale matrice, le seul gain économique est devenu insuffisant pour évaluer les forces et faiblesses stratégiques du secteur privé sur la scène internationale. Afin de surmonter les nouvelles rivalités géopolitiques, les entreprises doivent repenser leurs modèles, pratiques, activités – jusqu’à leur géographie, qui se retrouve à nouveau au premier plan.