La Russie comme l’Ukraine utilisent l’espace informationnel, officiel ou non — notamment les chaînes Telegram —, dans le cadre de leurs opérations militaires. Cependant, il est très inhabituel que des agences officielles s’excusent et déclarent avoir « commis une erreur » concernant la publication d’articles relatifs à des décisions prises par le commandement militaire.

Hier, lundi 13 novembre, les agences officielles russes TASS et RIA Novosti annonçaient un « regroupement » des troupes sur la rive Est du Dniepr, dans l’oblast de Kherson.

  • Dans ce cas de figure, un « regroupement vers des positions plus avantageuses » signifie très certainement un repli tactique qui permettrait de facto une avancée ukrainienne1.
  • Quelques minutes après la publication de ces articles quasi-identiques, les deux agences les ont supprimés, TASS « présentant des excuses à ses lecteurs et abonnés » pour cette « publication par erreur »2.
  • Selon les informations obtenues par le média russe RBC, le ministère de la Défense aurait qualifié ce « faux message » de « provocation »3.

Le lit et la rive Est du Dniepr, en face de Kherson, constituent un front secondaire à l’échelle du pays qui est néanmoins témoin d’une activité constante ces dernières semaines. Depuis que des forces ukrainiennes ont traversé le fleuve en octobre, Kiev est parvenu à y étendre progressivement sa présence — qui reste néanmoins trop limitée pour constituer une « tête de pont ».

On peut dégager trois hypothèses sur cet apparent imbroglio entre l’espace informationnel russe et le commandement militaire.

  1. L’Institute for the Study of War considère qu’il est crédible que ces publications soient le « reflet de discussions réelles » […] entrées prématurément dans l’espace informationnel avant d’être officiellement publiées par l’armée russe »4.
  2. Une autre possibilité serait que, dans le cadre d’une opération militaire, l’armée russe ait délibérément laissé échapper cette information afin d’influencer le commandement ukrainien — une piste apparemment privilégiée par Kiev5.
  3. La qualification de cette information de « provocation » par le ministère russe de la Défense peut également laisser penser que Kiev serait derrière la diffusion de cette information. L’objectif d’une telle manœuvre reste, toutefois, peu clair à ce jour.

L’Ukraine exerce une pression croissante sur la rive Est du Dniepr, en face de Kherson, et attaque régulièrement les positions russes tout en réalisant des avancées marginales. Sans réelle percée dans la profondeur et dans la largeur, il semble cependant peu probable que Kiev parvienne réellement à menacer le front russe dans ce secteur, faute de pouvoir acheminer des équipements lourds en raison du terrain et de la menace de l’artillerie6.

Sources
  1. Mark Trevelyan et Alexander Marrow, « Russian news agencies withdraw alerts about troops ‘regrouping’ in southern Ukraine », Reuters, 13 novembre 2023.
  2. « Аннулирование новости », TASS, 13 novembre 2023.
  3. Peter Kanaev et Mikhaïl Dobrunov, « Минобороны назвало ложное сообщение о « перегруппировке » провокацией », RBC, 13 novembre 2023.
  4. Christina Harward, Karolina Hird, Riley Bailey, Nicole Wolkov, George Barros et Frederick W. Kagan, Russian Offensive Campaign Assessment, November 13, 2023, Institute for the Study of War.
  5. Ido Vock, « Ukraine war : Russian state media retract report of retreat », BBC, 13 novembre 2023.
  6. Yohannes Lowe et Geneva Abdul, « Three people killed in Russian shelling of Kherson, says Ukraine – as it happened », The Guardian, 13 novembre 2023.