Géopolitique de Donald Trump

« C’est la fin de la guerre » : le discours de Donald Trump à la Knesset

Devant le parlement israélien, Trump a affirmé que s’ouvrait pour le Moyen-Orient un nouvel âge d’or.

Dans un acte d’ingérence inédit, il a demandé publiquement au président Isaac Herzog de gracier le Premier ministre israélien — tout en vantant, en des termes particulièrement crus, la force du lobby pro-Netanyahou à Washington.

Nous traduisons les principaux extraits de son discours triomphaliste — commentés ligne à ligne.

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Le Grand Continent
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© Evelyn Hockstein

Donald Trump avait mis en scène de manière particulièrement soignée son arrivée en Israël aujourd’hui, 13 octobre. Son avion a touché le tarmac alors que le Hamas s’apprêtait à libérer les 20 otages encore vivants détenus à Gaza. Au moment où il a commencé à prendre la parole à la Knesset — après un long retard par rapport à l’horaire prévu —, l’ensemble des otages vivants avaient regagné Israël et les prisonniers palestiniens libérés avaient rejoint les territoires palestiniens.

Cette séquence marquait le succès de la première phase du plan de paix en 20 points, entré en vigueur vendredi 10 octobre à 11h, qui comprend également la restitution des corps de 28 otages décédés et la libération de 250 prisonniers palestiniens condamnés à perpétuité et de 1 700 personnes arrêtées depuis le 7 octobre 2023. 

L’objectif de Trump est désormais de passer à l’étape suivante de son plan, que ni Israël ni le Hamas n’ont pour le moment accepté. Cette deuxième phase, qui devrait inclure le désarmement du Hamas, le retrait progressif des forces israéliennes de Gaza et le déploiement d’une force internationale de stabilisation, a pour objectif de mettre fin définitivement aux combats. 

Lors de ce discours, Trump a affirmé que ces objectifs étaient atteints ; que Gaza serait démilitarisée et que le Hamas rendrait les armes.

Selon un sondage réalisé par la chaîne israélienne Channel 13, une large majorité d’Israéliens — 82 % — soutient le plan de paix en 20 points de Trump pour mettre fin à la guerre. 

Cette visite historique avait été préparée depuis plusieurs jours.

Au moment de son entrée en scène, Trump s’est fait longuement applaudir par une standing ovation de plus de deux minutes et au son de trompettes victorieuses. Des hourras et des cris ; le président Herzog lui glisse à l’oreille : « Vous voyez combien ils vous aiment ! »

Netanyahou s’est lui aussi longuement fait applaudir aux cris de « Bibi ! Bibi ! »

En appelant l’ambassadeur américain en Israël Mike Huckabee « ma rock star », le président de la Knesset, le membre du Likoud Amir Ohana, avait annoncé une « trumpisation » de la Knesset. Certains membres présents dans l’assemblée portent des casquettes rouges sur lesquelles est inscrit « TRUMP THE PEACE PRESIDENT ». (« Trump, le président de la paix »).

Comparant Donald Trump à Cyrus le Grand — l’empereur perse qui libère les Juifs de Babylone dans l’Ancien Testament — le président de la Knesset a déclaré que le président américain était « un géant de l’histoire juive » et que le peuple juif se souviendrait de lui pendant « des milliers d’années ».

Des drapeaux américains flottent à côté d’un panneau d’affichage avec une photo du président américain Donald Trump sur laquelle on peut lire «  CYRUS LE GRAND EST VIVANT  !  » en l’honneur de son succès dans la fin de la guerre entre Israël et le Hamas, après deux ans, le samedi 11 octobre 2025 à Jérusalem. Cyrus le Grand a libéré les captifs juifs à Babylone et leur a permis de retourner en terre promise. © Debbie Hill/ UPI Photo via Newscom

Dans son long propos liminaire, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a quant à lui remercié Trump pour son intervention en Iran en disant qu’il avait donné un « coup de marteau » sur le régime de Téhéran pendant l’opération éponyme Marteau de Minuit (« Midnight Hammer »)

Au cours d’une longue prise de parole — dont le président américain a admis qu’elle le mettrait sans doute en retard pour le sommet en Égypte auquel il se rendait et auquel il avait finalement échoué dans la matinée à associer Netanyahou — le Premier ministre israélien a énuméré une série d’actions américaines qui ont bénéficié à Israël ces dernières années depuis les accords d’Abraham jusqu’aux attaques menées en juin contre les installations nucléaires iraniennes, affirmant que « Donald Trump est le plus grand ami que l’État d’Israël ait jamais eu à la Maison-Blanche ». 

Il a laissé entendre que, pour les Juifs du monde entier, le bombardement de Fordo pourrait être inscrit dans l’histoire mondiale. 

Dans son discours, pour la première fois depuis le 7 octobre, Netanyahou évoque la fin du temps de la guerre et appelle à la poursuite des accords d’Abraham. 

Acceptera-t-il le plan de Trump pour un nouveau Moyen-Orient ? À la Knesset, le président américain lui a dit frontalement : « Désormais, tu peux être un peu plus gentil, Bibi, parce que tu n’es plus en guerre. »

1 — L’annonce de la fin de la guerre et d’un « âge d’or » pour Israël

« Je tiens également à exprimer ma profonde gratitude envers tous les pays du monde arabe et musulman qui se sont unis pour faire pression sur le Hamas afin qu’il libère les otages et les renvoie chez eux. Nous avons reçu beaucoup d’aide. Nous avons reçu beaucoup d’aide de la part de nombreuses personnes que vous ne soupçonneriez pas, et je tiens à les en remercier chaleureusement. C’est une victoire incroyable pour Israël et pour le monde entier que tous ces pays aient travaillé ensemble en tant que partenaires pour la paix. C’est assez inhabituel, mais c’est ce qui s’est passé dans ce cas précis. C’était un moment très inhabituel, un moment brillant. Dans plusieurs générations, on se souviendra de ce moment comme celui où tout a commencé à changer, et à changer pour le mieux, comme aux États-Unis actuellement. Ce sera l’âge d’or d’Israël et l’âge d’or du Moyen-Orient. Tout va fonctionner ensemble. Je tiens à remercier plusieurs grands patriotes américains pour leur aide inestimable dans la réalisation d’un projet que presque tout le monde pensait absolument impossible. […] Beaucoup de gens nous disaient que nous perdions notre temps. Mais ce n’était pas le cas, car nous avions des personnes talentueuses qui travaillaient avec nous, et nous avions des personnes qui aiment votre pays. Et pour être franc, ce sont des personnes qui aiment la région, qui aiment le Moyen-Orient. »

Si Trump n’a pas eu le Prix Nobel de la Paix la semaine dernière — remporté vendredi par l’opposante à Maduro, Maria Machado — le gouvernement israélien appuie largement la propagande trumpiste dépeignant un « président de la paix ». Le compte officiel du Premier ministre avait ainsi tweeté la veille de l’annonce :

Avant de s’adresser au Parlement, Trump a signé le livre d’or de la Knesset dans lequel a écrit : « C’est un grand honneur pour moi, un grand et beau jour. Un nouveau départ. » Si toutefois, dans son discours Trump a présenté la guerre comme terminée, les membres de la coalition de Netanyahou ont refusé pour le moment de prononcer ces termes.

« Et vous savez, si vous y réfléchissez bien, vous êtes plus en sécurité aujourd’hui, plus forts aujourd’hui et plus respectés aujourd’hui qu’à aucun autre moment de l’histoire d’Israël.

Pensez-y. Les gens disaient autrefois que cela n’existerait pas. Ils ne le disent plus aujourd’hui, n’est-ce pas ? Pourtant, si la sécurité et la coexistence peuvent prospérer ici, dans les ruelles sinueuses et les chemins anciens de Jérusalem, alors la paix et le respect peuvent certainement s’épanouir parmi les nations du Moyen-Orient au sens large. Le Dieu qui habitait autrefois parmi son peuple dans cette ville nous appelle encore, selon les paroles de l’Écriture, à nous détourner du mal et à faire le bien, à rechercher la paix et à la poursuivre. Il murmure donc toujours la vérité dans les collines, les coteaux et les vallées de sa magnifique création. Et Il inscrit toujours l’espoir dans le cœur de ses enfants partout dans le monde. C’est pourquoi, même après 3 000 ans de souffrances et de conflits, le peuple d’Israël n’a jamais cessé d’être exposé à toutes sortes d’autres menaces. Vous voulez la promesse de Sion. Vous voulez la promesse du succès, de l’espoir et de l’amour. Et Dieu et le peuple américain n’ont jamais perdu la foi en la promesse d’un avenir grand et béni pour nous tous. »

Avant d’arriver en Israël, le président américain a gardé une certaine ambiguïté quant aux étapes à venir. 

Interrogé sur la possibilité pour le groupe terroriste de se « réarmer et de s’instituer en force de police palestinienne » et alors que plusieurs images de la bande de Gaza de ce lundi montraient que le Hamas déploie des combattants en armes, il a déclaré depuis le Air Force One : « Ils veulent effectivement mettre fin aux problèmes, et ils l’ont dit ouvertement. Et nous leur avons donné notre approbation pour une certaine période. » Il a également minimisé la portée de la force de stabilisation : « Je ne pense pas que cela aura un grand impact, car je pense que nous n’aurons pratiquement pas à l’utiliser. »

Dans un communiqué précédant le discours de Trump, le Hamas a déclaré : « L’accord conclu est le fruit de la fermeté de notre peuple et de la résilience de ses combattants de la résistance ». « Nous annonçons notre engagement à respecter l’accord conclu et le calendrier qui y est associé, tant que l’occupation s’y conforme » en ajoutant qu’Israël avait « échoué à récupérer ses prisonniers par la pression militaire, malgré la supériorité de ses services de renseignement et la puissance dont il dispose ». « À présent, il a capitulé et récupéré ses prisonniers grâce à un accord d’échange, comme la résistance l’avait promis dès le début. » 

« Au Liban, le poignard du Hezbollah, qui visait depuis longtemps la gorge d’Israël, a été totalement brisé. Mon administration soutient activement le nouveau président libanais dans sa mission visant à désarmer définitivement les brigades terroristes du Hezbollah. Il fait du très bon travail et construit un État prospère en paix avec ses voisins. »

Le président Trump a aussi évoqué la guerre menée contre le Hezbollah au Liban et les différents succès stratégiques de Benjamin Netanyahou dans la région.

2 — Ingérence : l’appel à gracier Netanyahou

« Hé, j’ai une idée. Monsieur le Président, pourquoi ne lui accordez-vous pas votre grâce ? Accordez-lui votre grâce. Allez. »

Dans un geste d’ingérence inédit, en direct depuis la tribune de la Knesset, le président américain s’est tourné vers le président israélien Isaac Herzog en lui demandant d’utiliser son droit de grâce envers le Premier ministre israélien. 

« Au fait, cela ne figurait pas dans le discours, comme vous vous en doutez probablement, mais il se trouve que j’apprécie beaucoup cet homme [Netanyahou]. Et cela me semble tout à fait logique. Vous savez, que cela nous plaise ou non, c’est l’un des plus grands présidents en temps de guerre. Et quelques cigares et du champagne, qui s’en soucie ? Bon, assez de controverses pour aujourd’hui, non. »

Après un long silence assez gêné, où les plans de coupes montrant le visage de Netanyahou alternant avec celui d’Isaac Herzog, Trump a avoué que ce passage n’était pas prévu dans son discours.

Le propos du président américain est une intervention brusque et unilatérale dans la vie politique israélienne, où Benjamin Netanyahou est fragilisé et acculé par des affaires judiciaires. En demandant à Isaac Herzog de faire usage de son droit de grâce en direct dans un Parlement étranger — le premier où il est reçu depuis le début de son deuxième mandat — Trump souhaite assurer un avenir politique à son allié Netanyahou en intervenant directement au cœur de la démocratie israélienne.

4 — Miriam Adelson et la reconnaissance de l’importance du lobby pro-Netanyahou

« Miriam et Sheldon venaient au bureau. Ils m’appelaient. Je pense qu’ils se sont rendus à la Maison-Blanche plus souvent que n’importe qui d’autre à ma connaissance. Regardez-la, assise là, l’air si innocent. Elle a 60 milliards à la banque. 60 milliards. Et elle aime Israël, mais elle l’aime vraiment. Ils venaient, et son mari était un homme très agressif, mais je l’aimais. Il était très agressif — mais il me soutenait beaucoup. »

« Et il m’appelait pour me demander s’il pouvait venir me voir. Je lui disais : « Sheldon, je suis le président des États-Unis. Ça ne marche pas comme ça. » Il venait quand même. »

Miriam Adelson à la Knesset le lundi 13 octobre 2025, à Jérusalem. © AP Photo/Evan Vucci

« Ils ont joué un rôle très important dans beaucoup de choses, notamment en me faisant réfléchir au plateau du Golan, qui est probablement l’une des meilleures choses qui soient jamais arrivées. »

« Je lui ai demandé un jour si elle préférait Israël et les États-Unis. Elle n’a pas répondu — ce qui signifie qu’elle préfère peut-être Israël. »

Dans l’un des passages les plus étonnants du discours — et également les plus repris par la frange antisémite du mouvement MAGA — le président américain a semblé reconnaître ouvertement l’influence disproportionnée auprès du gouvernement américain du lobby pro-Netanyahou.

Le président remercie dans l’assistance Miriam Adelson, veuve du milliardaire Sheldon Adelson. À la tête d’une des plus grandes fortunes américaines, elle avait significativement contribué à la campagne de Trump en 2024, avec un don de 106 millions de dollars. Depuis la mort de son mari — lui-même grand donateur républicain au point d’avoir une réputation de « faiseur de rois » dans le parti de la Maison-Blanche, et proche du Premier ministre israélien — elle a fait campagne pour des politiques radicales, militant fermement pour le développement des colonies en Cisjordanie et même pour l’annexion de la bande de Gaza par l’État hébreu.

La veille du discours, un immense drapeau américain — le « plus grand du Moyen-Orient » — avait été planté dans les territoires occupés illégalement en Cisjordanie — appelée par les colons « Judée Samarie ».

5 — Les « huit paix » — et les guerres qui restent

« Pensez-y : nous avons réglé huit guerres en huit mois ; j’ajoute celle-ci, au fait, si cela ne vous dérange pas. Ils diront peut-être que cela a été rapide, car hier, je parlais de sept guerres, mais aujourd’hui, je peux dire huit. »

Les « huit guerres en huit mois » que le président évoque sont les conflits entre la Thaïlande et le Cambodge, entre la Serbie et le Kosovo, entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, entre le Pakistan et l’Inde, entre Israël et l’Iran, entre l’Égypte et l’Éthiopie, entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan et maintenant entre Israël et Hamas.

L’accord Israël-Hamas est une victoire diplomatique majeure pour le président américain qui avait déclaré à bord du Air Force One pour se rendre en Israël : « Ce sera la huitième guerre que j’aurai résolue, et j’entends dire qu’il y a actuellement une guerre entre le Pakistan et l’Afghanistan. J’ai dit : je devrai attendre d’être de retour. J’en règle déjà une autre en ce moment. Parce que je suis doué pour résoudre les guerres. Je suis doué pour faire la paix. »

Le président américain rencontrera le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche ce vendredi 17 octobre. Il est fort probable qu’une fois son attention libérée du Moyen-Orient, il se tournera vers le conflit en Ukraine, qu’il avait promis de résoudre en 24 heures lors de la campagne électorale de 2024. Hillary Clinton avait déclaré qu’elle proposerait elle-même le nom de Trump pour le prix Nobel de la paix si ce dernier parvenait à mettre fin à la guerre en Ukraine sans que Kiev ne cède de territoire à la Russie.

6 — Steve Witkoff et Jared Kushner : les figures du nouveau Moyen-Orient américain

« Je tiens à remercier mon ami Steve Witkoff. Vous savez, c’est moi qui ai choisi Steve. Il n’avait jamais fait cela auparavant, mais je le connaissais sous plusieurs aspects. C’était un excellent homme d’affaires, mais pour être honnête, je connais beaucoup d’excellents hommes d’affaires. Il avait d’incroyables talents de négociateur, mais je connais beaucoup de gens qui savent très bien négocier. Même si c’est un art, il y a des gens qui savent très bien négocier. Mais le plus important chez Steve, c’est qu’il est tout simplement quelqu’un de formidable. Tout le monde l’aimait. Tout le monde. Je connais des négociateurs qui sont très doués, mais vous n’auriez pas eu la paix au Moyen-Orient. Vous seriez… Nous serions en pleine Troisième Guerre mondiale avec certains d’entre eux. Tout le monde aime Steve, le respecte et s’identifie à lui d’une manière ou d’une autre. Je le connais depuis de nombreuses années et je l’ai vu maintes et maintes fois. »

Le chef d’état-major israélien, le lieutenant-général Eyal Zamir, a visité la bande de Gaza en compagnie de l’envoyé américain au Moyen-Orient Steven Witkoff, de Jared Kushner, du commandant du CENTCOM, l’amiral Brad Cooper, et de hauts responsables militaires israéliens. La délégation a visité le centre de retour des otages à la base de Re’im et a examiné les préparatifs de l’armée israélienne en vue de l’accueil des otages. Gaza, 11 octobre 2025. © IDF

« Puis nous avons appelé Jared. Nous avons parfois besoin de son intelligence. Nous devons faire venir Jared ici. Nous devons faire venir son groupe de personnes. Mais Steve a commencé tout cela tout seul. Je l’appelle Henry Kissinger. Sauf que Steve qui ne divulgue rien. »

Steve Witkoff, émissaire pour les « missions de paix », avait aussi été envoyé rencontrer le président russe Vladimir Poutine au printemps et à l’été 2025. La rencontre d’août 2025 prenait place alors que Donald Trump avait donné un ultimatum à la Russie pour un cessez-le-feu, en menaçant l’économie russe de nouvelles sanctions. 

« J’ai organisé une rencontre entre lui [Steve Witkoff] et le président Poutine, pensant qu’il s’agirait d’une réunion de 15 ou 20 minutes. Steve ne connaissait rien à la Russie, ni à Poutine. C’était trop pour lui. Il ne connaissait pas grand-chose à la politique, cela ne l’intéressait pas vraiment. Il était très doué dans l’immobilier, mais il avait cette qualité que je recherchais et que je ne voyais pas souvent. J’ai donc organisé la rencontre avec Poutine. J’ai appelé. J’ai demandé : ‘Steve a-t-il terminé ?’ Cela faisait environ une demi-heure que la rencontre avait commencé. ‘Non, monsieur, il n’a pas terminé. Il est toujours à l’intérieur.’ Nous étions à Moscou. J’ai demandé : ‘Comment ça se passe ?’ ‘Je ne sais pas, monsieur. Il est toujours à l’intérieur.’ J’ai rappelé une heure plus tard. ‘Laissez-moi parler à Steve, monsieur’. ‘Il est toujours avec Poutine. Il est avec le président Poutine.’ J’ai dit : Waouh, c’est une longue réunion. Une heure. J’ai rappelé une heure plus tard, il était toujours avec Poutine. Trois heures, il était toujours avec Poutine. Quatre heures, il a commencé à faire savoir qu’il allait bientôt sortir. Et au bout de cinq heures, il est sorti. J’ai dit : ‘Mais de quoi avez-vous bien pu parler pendant cinq heures ?’ Et il a répondu : « Juste beaucoup de choses intéressantes. Nous avons juste… Nous avons parlé de beaucoup de choses intéressantes, y compris de la raison pour laquelle il était là. Mais on ne peut pas en parler pendant cinq heures. On peut en parler pendant un certain temps et on sait ce qu’on obtient. Mais c’est un talent. C’est un talent que de pouvoir faire ça. La plupart des gens que j’enverrais, premièrement, ne seraient pas acceptés. Deuxièmement, s’ils l’étaient, la réunion durerait cinq minutes. Et c’est ce qui se passe avec Steve. Tout le monde l’aime. »

Ce week-end, le gendre de Donald Trump Jared Kushner et son émissaire Steve Witkoff, tous deux en première ligne des négociations avec le Hamas, avaient pris part au Conseil des ministres du gouvernement Netanyahou et s’étaient exprimés sur la Place des otages hier soir le 12 octobre.

« Jared a été d’une grande aide. Il a vraiment fait quelque chose de très spécial. Il a établi les accords d’Abraham avec un groupe de personnes formidables. »

Le président remercie également Jared Kushner pour son rôle dans la signature des accords d’Abraham en septembre 2020. Ceux-ci, conclus à la Maison-Blanche lors du premier mandat de Trump, normalisaient les relations entre Israël d’une part, les Émirats arabes unis et Bahreïn de l’autre — ils sont le principal héritage du premier mandat de Trump et sont aujourd’hui intégrés à son récit.

7 — Un discours interrompu 

« Bon, revenons à Steve… »

Alors qu’il était en train de longuement féliciter Steve Witkoff — « c’est juste un gars bien » — le discours de Trump a été interrompu par incident : deux individus sont évacués par la sécurité. 

Le président de la Knesset avait prévenu dans son discours liminaire : « Si quelqu’un interrompt le discours il sera renvoyé, mais vous avez le droit d’applaudir ». 

Deux députés membres du parti de gauche Hadash, Ayman Odeh et Ofer Cassif, sont vite appréhendés par les services de sécurité et forcés de quitter les lieux pour avoir brandi un papier appelant à la reconnaissance de la Palestine. 

Déclarant que cette évacuation avait été « très efficace », le président américain a repris le fil de son discours en faisant acclamer son émissaire par les parlementaires israéliens aux cris de « Witkoff ! Witkoff ! »

Des agents de sécurité expulsent un membre de la Knesset qui a interrompu le discours du président Donald Trump devant la Knesset, le parlement israélien, lundi 13 octobre 2025, à Jérusalem. © Evan Vucci/AP

8 — L’ennemi commun : l’Iran

« L’Iran avait raison de penser que c’était notre dernière chance. Voilà vingt deux ans qu’ils cherchaient à avoir l’arme nucléaire. C’était notre dernière chance. C’est ce que les pilotes m’ont dit ; ils m’ont dit « Vingt-deux ans, monsieur ». Ils l’ont étudiée, nos prédécesseurs l’ont étudiée, ils l’ont étudiée trois fois par an, ils ont fait des exercices sur cette attaque précise et ils ont vraiment bien fait. 

Trump fait applaudir son chef d’état-major des Armées lors du rappel de l’opération Marteau de Minuit. Il présente l’opération comme une condition préalable à l’accord de paix réalisé aujourd’hui avec la libération des otages.

Mais supposons qu’ils n’aient pas réussi. Et supposons que l’Iran ait disposé d’armes nucléaires à grande échelle. Nous ne serions pas ici aujourd’hui, même si nous avions signé l’accord — ce que nous n’avons pas pu faire parce que beaucoup de gens ne voulaient pas y être associés. 

En frappant l’Iran, nous avons écarté un gros nuage du ciel du Moyen-Orient et d’Israël, et j’ai eu l’honneur d’y contribuer.

Ils ont pris un gros coup, n’est-ce pas ? N’est-ce pas qu’ils ont pris un gros coup ? Bon sang, ils l’ont pris d’un côté, puis de l’autre. Et vous savez, ce serait formidable si nous pouvions conclure un accord de paix avec eux. Et je pense que c’est peut-être possible. Seriez-vous satisfait de cela ? Ne serait-ce pas formidable ? Je pense que oui, car je pense qu’ils le veulent, je pense qu’ils sont fatigués. »

Dans le même passage, Trump appelle Steve Witkoff et Jared Kushner à se charger d’une nouvelle mission pour faire la paix en Iran — en faisant toutefois passer ce dossier après la fin de la guerre en Ukraine : « mais avant, il faut s’occuper de la Russie ».

Si Trump rappelle sa décision, lors de son premier mandat, de retirer les États-Unis de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, il critique aussi son prédécesseur Barack Obama, sous la présidence duquel l’accord avait été signé. Le retrait américain de l’accord en 2018 s’était accompagné du rétablissement des sanctions économiques contre l’Iran. 

« Obama est parti et l’accord sur le nucléaire iranien s’est avéré être un désastre. Et d’ailleurs, j’ai mis fin à l’accord sur le nucléaire iranien, et j’en suis très fier. »

9 — La puissance hollywoodienne de l’armée américaine

« Mes collaborateurs ont adoré travailler avec vous. Ils ont adoré. Ils ont très bien travaillé ensemble. Mais de nombreux terroristes iraniens de haut rang, notamment des scientifiques nucléaires et des commandants, ont été éliminés de la surface de la Terre grâce à l’opération Marteau de Minuit. C’est un nom génial pour cette opération. Ce que nous avons fait en juin dernier, l’armée américaine a fait voler sept de ces magnifiques bombardiers B2. Ils sont soudainement devenus si beaux. Ils l’ont toujours été. Je trouvais simplement que c’étaient de jolis avions. Je ne savais pas qu’ils pouvaient faire ce qu’ils ont fait. En fait, nous venons d’en commander vingt-huit autres. »

À plusieurs reprises, Trump se vante de la puissance de destruction des armes américaines et se félicite de la réussite de l’opération Marteau de Minuit de juin 2025, qui aurait permis de détruire trois sites du programme nucléaire iranien. Il a également présenté le soutien militaire des États-Unis à Israël comme la principale raison de l’accord de paix. Il a félicité le Premier ministre israélien pour avoir « très bien utilisé » les armes américaines. 

Il n’est pas possible de savoir si l’information de la commande de 28 nouveaux bombardiers B2 était scriptée, mais il s’agit en tout cas d’une annonce — Trump avait évoqué en août une commande d’un « nombre considérable » mais aucun chiffre n’avait jusqu’ici été avancé par l’administration américaine.

« Les États-Unis possèdent actuellement l’armée la plus importante et la plus puissante de l’histoire mondiale. Je peux vous dire que nous disposons d’armes dont personne n’aurait jamais osé rêver. J’espère seulement que nous n’aurons jamais à les utiliser. J’ai reconstruit l’armée. J’étais fier de le faire. Mais certaines choses m’ont déplu, j’ai détesté certaines armes parce que leur puissance est tellement énorme. Elles sont tellement dangereuses, tellement mauvaises. Mais nous devons faire ce que nous avons à faire. Nous fabriquons.

Et je veux dire, Bibi m’appelait tellement souvent. Pouvez-vous me procurer cette arme ? Cette arme ? Cette arme ? Certaines d’entre elles, je n’en avais jamais entendu parler. Bibi et moi les avons fabriquées. Mais nous les avons obtenues, n’est-ce pas ? Et ce sont les meilleures. Ce sont les meilleures. Mais tu les as bien utilisées. Il faut aussi des gens qui savent s’en servir, et tu les as manifestement très bien utilisées ; tu en as tellement utilisé qu’Israël est devenu fort et puissant, ce qui a finalement conduit à la paix. C’est ce qui a conduit à la paix. Alors que nous célébrons aujourd’hui, souvenons-nous comment ce cauchemar de dépravation et de mort a commencé. »

« C’est aujourd’hui une période très excitante pour Israël et pour tout le Moyen-Orient. Car partout dans cette région, les forces du chaos, du terrorisme et de la ruine qui la ravagent depuis des décennies sont désormais affaiblies, isolées et totalement vaincues. Une nouvelle coalition de nations fières et responsables est en train de voir le jour. Et grâce à nous, les ennemis de toute civilisation battent en retraite, grâce au courage et à l’incroyable habileté des Forces de défense israéliennes dans le cadre de l’opération ‘Rising Lion’. C’est un casting parfait. Mettons-les dans un film. »

Dans l’avion qui le conduisait en Israël, Trump avait prononcé ces mots : « Je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit qui me mènera au paradis. Vraiment, non. Je crois que je ne suis peut-être pas destiné au paradis. Je suis peut-être déjà au paradis en ce moment, alors que nous volons à bord d’Air Force One. Je ne suis pas sûr de pouvoir atteindre le paradis. Mais j’ai amélioré la vie de beaucoup de gens. »

Des personnes portant des casquettes sur lesquelles on peut lire «  TRUMP THE PEACE PRESIDENT  » (Trump, le président de la paix) à l’intérieur de la Knesset, alors que le président Donald Trump s’apprête à prononcer un discours, le lundi 13 octobre 2025, à Jérusalem. © Kenny Holston/The New York Times via AP

10 — Le nouveau Moyen-Orient

« Après tant d’années de guerre incessante et de danger permanent, aujourd’hui, le ciel est calme, les armes sont silencieuses, les sirènes se sont tues et le soleil se lève sur une terre sainte enfin en paix. »

« Une terre et une région qui vivront, si Dieu le veut, dans la paix pour l’éternité. »

« Ce n’est pas seulement la fin d’une guerre, c’est la fin d’une ère de terreur et de mort et le début d’une ère de foi, d’espoir et de Dieu. C’est le début d’une grande concorde et d’une harmonie durable pour Israël et toutes les nations de ce qui sera bientôt une région vraiment magnifique. J’en suis profondément convaincu. C’est l’aube historique d’un nouveau Moyen-Orient. »

Il a également évoqué les contours du plan de Tony Blair, qui placerait Gaza sous une autorité internationale de transition. Il a souligné le rôle que joueraient les investissements de certains pays très riches — sans les nommer — dans la reconstruction et le développement de la « Gaza Riviera ». Dans l’esprit de ce plan, qui relève davantage d’un projet entrepreneurial que d’une proposition de transition politique, Trump souligne surtout les perspectives commerciales qui s’ouvriraient pour l’enclave. 

« Tout le monde veut en faire partie. Ça s’appelle le Conseil d’administration de la paix. Qu’en pensez-vous ? C’est un joli nom, non, le Board de la paix ? Le seul inconvénient, de mon point de vue, c’est que tous les pays concernés m’ont demandé de le présider. Et je peux vous dire que je suis très occupé. Je ne m’attendais pas à cela. Mais vous savez quoi ? Si nous le faisons, nous le ferons bien, et nous disposons d’un pouvoir et d’une richesse incroyables, car il nous faudra de la richesse pour cela. Vous aurez besoin de richesse pour reconstruire. Et ces gens-là ont une richesse que peu de gens possèdent. Je tiens à remercier les nations arabes et musulmanes pour leur engagement à soutenir une reconstruction et un avenir sûrs pour Gaza. »

« J’ai eu de nombreux pays arabes, des pays très riches qui se sont proposés et ont déclaré qu’ils allaient investir des sommes considérables pour reconstruire Gaza. Et je pense que cela va se produire. »

Outre Bahreïn et les Émirats arabes unis, signataires des accords d’Abraham en octobre 2020, Trump évoque ses efforts pour normaliser les relations d’Israël avec d’autres pays.

En novembre 2020, il avait annoncé un accord de normalisation entre le Soudan et l’État hébreu (signé en janvier 2021, mais jamais ratifié). Le mois suivant, une déclaration conjointe des États-Unis, du Maroc et d’Israël avait été signée, prévoyant l’établissement de relations diplomatiques et la réouverture des bureaux de liaison à Rabat et Tel-Aviv. En échange, Israël avait reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. 

« J’espère sincèrement et je rêve, très sincèrement, que les accords d’Abraham se révéleront être tout ce que nous avions espéré. Ces quatre pays ont fait preuve d’un immense courage en signant ces accords. Ils l’ont fait très tôt. Et chacun d’entre eux en tire des avantages financiers incroyables. Et si vous faites attention, même pendant cette période difficile que nous venons de traverser, ils sont tous restés membres des accords d’Abraham. Ils ont fait un travail incroyable. Et je… Vous savez qui vous êtes, et je tiens à vous remercier. Ils sont restés par loyauté, mais aussi parce que c’était vraiment une bonne affaire. Ils ont gagné beaucoup d’argent en tant que membres, et vous allez tous… Je pense, j’espère que chacun d’entre vous. J’espère que tous les pays que nous recherchons, Jared, j’espère qu’ils adhéreront rapidement. Pas de jeux, rien. Adhérez, tout simplement. Cela va être un formidable facteur de paix. Cela va vraiment rassembler au-delà de tout ce que l’on pouvait imaginer, au-delà des rêves les plus fous. »

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