Un an après le retour au pouvoir de Lula, le rapprochement initié par la France coïncide avec un retour en force du Brésil sur la scène internationale. Partenaire stratégique pour 2024 et 2025, Brasilia préside cette année le sommet du G20 qui se tiendra à Rio avant d’accueillir la COP30 à Belém en 2025, année de sa présidence des BRICS. 

Cette toute première visite d’État d’Emmanuel Macron en Amérique latine a commencé en Amazonie.

  • Arrivé de Guyane, Macron a été accueilli par le président brésilien hier, mardi 26 mars, à Belém, à environ un millier de kilomètres de la frontière guyanaise.
  • La mise en place d’une politique volontariste pour la protection de l’Amazonie est l’un des piliers du mandat de Lula, prenant le contrepied de son prédécesseur Jair Bolsonaro. 
  • L’importance de l’étape amazonienne a été mise en avant par la rencontre des deux présidents avec le chef Raoni Metuktire, figure historique de la lutte pour la protection de l’Amazonie et des peuples qui l’habitent — ce dernier ayant reçu à cette occasion la Légion d’honneur de la part du président français.

L’accord de libre-échange UE-Mercosur, en négociation depuis plus de vingt ans et dont la France bloque en ce moment l’approbation au sein de l’Union, n’est officiellement pas à l’ordre du jour des discussions des deux dirigeants. 

Après cet exercice de mise en avant de leur alignement sur le thème de la protection de l’environnement, les deux chefs d’États se rencontrent de nouveau à Brasilia, le jeudi 28 mars. Ils aborderont la guerre en Ukraine et la guerre de Soukkot, toutes deux révélatrices d’un partage de la Terre au sein duquel le Brésil occupe une place ambivalente, loin des positions française et occidentale.

  • Sur l’Ukraine, Lula s’est notamment distingué de la position occidentale en refusant d’imposer des sanctions contre la Russie.
  • Le Brésil s’est abstenu lors du vote de la résolution du 15 novembre dernier à l’Assemblée générale des Nations unies sur les violations des droits de l’homme dans les territoires occupés par la Russie en Ukraine. 
  • Le président brésilien a par ailleurs félicité Poutine la semaine dernière pour sa réélection dans une lettre privée — une information qui nous a été confirmée par son cabinet mais qui n’a pas été communiquée publiquement.

Parvenir à une position diplomatique franco-brésilienne commune et motrice sur la guerre de Soukkot à l’issue de la visite apparaît également comme un exercice d’équilibriste.

  • Contrairement à la France — qui a d’abord adopté une position de « fervent soutien de la Cour internationale de justice » à l’ONU, avant que le ministre des Affaires étrangères ne s’oppose à la procédure —, le Brésil a soutenu dès le 10 janvier la procédure de l’Afrique du Sud devant la CIJ concernant un génocide à Gaza.
  • Le président brésilien a jusqu’à maintenant adopté une position plus offensive vis-à-vis du gouvernement israélien, qui a été jusqu’à le déclarer persona non grata en Israël pour avoir dressé un parallèle entre les actions d’Israël dans la bande de Gaza et la Shoah lors du 37e sommet de l’Union africaine, le 18 février.
  • Il avait déclaré : « ce qui se passe dans la bande de Gaza avec le peuple palestinien ne s’est produit à aucun autre moment de l’histoire. En fait, cela s’est déjà produit : lorsque Hitler a décidé de tuer les Juifs ».

Parmi les leviers pouvant constituer la base d’un rapprochement malgré ces nettes divergences, l’insistance sur une « spécificité » de la position française est une hypothèse possible.

Parmi les États membres de l’Union et dans le camp occidental qui s’est dessiné sur la guerre de Soukkot, la France fait partie des pays qui ont le plus tôt voté — avec le Brésil — en faveur des résolutions demandant un cessez-le-feu à Gaza à l’Assemblée générale des Nations unies, une position qui a depuis progressé en Europe.