Dimensions d’une grande stratégie

Du 25 au 27 avril 2019, le second Sommet de la Nouvelle Route de la Soie (« Belt & Road Initiative »), qui se déroule à Pékin, attire les représentants de plus 137 pays, les plus hauts dignitaires des organisations internationales, dont le Secrétaire général des nations Unies, Antonio Guttieres et plus de 41 chefs d’État et de gouvernement1. Ces derniers sont cosignataires de la déclaration finale. Parmi eux, les présidents ou premiers ministres de Russie, de Biélorussie, de Chypre, de la République Tchèque, du Portugal, de Serbie, de Suisse, d’Autriche, de Hongrie et d’Italie2. La France et d’autres États européens envoient des représentants de haut niveau. 

Le 10 avril 2022, six avions gros porteurs de l’armée de l’air chinoise survolent l’Europe du Sud, et atterrissent en Serbie. Ils y livrent des systèmes de missiles sol-air, complétant ainsi une commande de drones de combat chinois, livrés à Belgrade en 20203.

En Chine, l’été 2022 est marqué par une sécheresse historique, dont les conséquences sont, entre autres, une baisse significative des rendements de la riziculture, forçant le pays à importer du riz4, alors que les grands pays producteurs, en particulier l’Inde et le Pakistan ont subi pour l’un une vague de chaleur de plus d’un mois, et pour l’autre des inondations gigantesques qui ont entraîné le déplacement de plus de trente-trois millions de personnes. 

En janvier, février et mars 2023, les plus hauts représentants responsables étatiques de la République populaire de Chine multiplient les déclarations et les gestes de soutien aussi fermes qu’explicite à la Russie et à son président Vladimir Poutine. En témoignent les mots du Président chinois Xi Jinping à Moscou quand, le 21 mars 2023, le dirigeant chinois présente son ambition de façonner un système mondial autour des intérêts de Pékin, en partenariat étroit avec la Russie5.

Ces dates ne renvoient qu’à quelques exemples, parmi une multitude d’autres, des différentes formes, échelles et finalités emboitées propres à la grande stratégie d’influence que la Chine déploie en Europe et dans le monde

L’Europe est l’un des principaux théâtres d’opérations de la grande stratégie chinoise.

Jean-Michel Valantin

L’expression et la mise en scène de ces gestes politiques et stratégiques s’inscrivent explicitement dans le contexte de la guerre en Ukraine et de l’aggravation rapide des tensions entre la Chine et les États-Unis dont le modèle est rejeté  tant par des représentants du gouvernement et du Parti commuiste chinois que par des intellectuels chinois — dont  le porte-parole de la « Nouvelle Gauche » chinoise Jiang Shigong appelle à lutter contre les « tentatives des États-Unis d’intégrer la Chine dans leurs projets d’édification d’un empire mondial »6

L’Europe est l’un des principaux théâtres d’opérations de la grande stratégie chinoise. Les modalités et les conséquences de celle-ci sur notre continent nécessitent d’être compris dans leur spécificité, en particulier du fait de leur combinaison toujours plus forte avec les effets de la guerre en Ukraine, de l’inflation généralisée, et en particulier des prix des produits agro-alimentaires alors que, partout, les conséquences du changement climatique s’entremêlent aux situations stratégiques7

Comprendre la grande stratégie chinoise

Les effets géopolitiques en sont aussi profonds que puissants. Cependant, les finalités, les concepts fondamentaux et les modalités propres à cette Grande stratégie semblent faire l’objet d’une mécompréhension dramatique au sein de nombreux États comme des opinions publiques européens8.

Cette mécompréhension, voire cette incapacité à repérer la mise en œuvre de la Grande stratégie chinoise, à ses différentes échelles et dans sa cohérence, est d’autant plus dangereuse que l’Europe est désormais traversée de tensions toujours plus fortes du fait de la guerre d’Ukraine, des stratégies russes directes et indirectes et de celles des États-Unis. 

Car la Chine est aujourd’hui devenue un acteur stratégique en Europe. Cet acteur transforme les pays, les régions, le continent en autant « d’espaces utiles » à ses propres besoins. Cette activité stratégique est encore renforcée par l’adaptation de leur pays par les stratèges chinois aux effets massifs du changement climatique sur le continent eurasiatique. 

© AP Photo/Ng Han Guan

De la Chine et de la Serbie

Le 6 avril 2022, les six avions gros porteurs de l’armée de l’air chinoise qui volent en formation au-dessus des Balkans atterrissent en Serbie. Ils y livrent des batteries de missiles sol-air HQ-22. Ce vol spectaculaire est complété le 30 avril par la présentation à la presse des batteries de missiles sur un site militaire de l’armée serbe. Mais cette livraison vient en fait compléter celle faite en 2020 de 6 drones de combat « Cai Hong » (arc en ciel) CH-92 A, dits « Pterodactyls 1 ». Ces drones ont une autonomie de huit heures, une portée de 250 kilomètres, et sont équipés de missiles à guidage laser. Des achats supplémentaires pourraient en faire monter le nombre à vingt-quatre. Ces livraisons de systèmes d’armes s’accompagnent par ailleurs de transferts de technologie chinois à la Serbie9.

Ces livraisons et ces transferts permettent ainsi à Pékin d’aider la Serbie à développer une importante capacité de dissuasion conventionnelle, alors que ses relations avec le Kosovo, où les troupes de la KFOR, la force de l’OTAN installée sur place depuis 1999, sont de plus en plus en tendues10. Cependant, la nature même de ces systèmes d’armes nécessite d’en comprendre aussi la signification politique, géopolitique et stratégique qu’ils portent du point de vue chinois.

Ces livraisons et ces transferts permettent ainsi à Pékin d’aider la Serbie à développer une importante capacité de dissuasion conventionnelle, alors que ses relations avec le Kosovo, où les troupes de la KFOR, la force de l’OTAN installée sur place depuis 1999, sont de plus en plus en tendues.

Jean-Michel Valantin

En effet, la fonction propre aux batteries de missiles sol-air est d’être des dispositifs d’interdiction d’accès aux zones définies par leur rayon d’action, ainsi que de défense anti-aérienne. Or, l’histoire stratégique chinoise récente est marquée par le bombardement de l’ambassade de Chine à Belgrade, effectué le 7 mai 1999, durant la campagne de frappes aériennes menées par l’OTAN contre la Serbie, accusée de mener campagne de nettoyage ethnique au Kosovo et d’être une menace à la sécurité internationale11.

Cette frappe, menée par un bombardier furtif B-2 de l’US Air Force, fut effectuée par le largage de 5 bombes guidées sur l’ambassade. Si, dès après le bombardement, l’administration Clinton et l’OTAN n’eurent de cesse de présenter leurs excuses et de répéter que cette frappe était une erreur de programmation, les réactions de Pékin et de l’opinion publique chinoise furent très vives, marquées par une colère intense, et l’incident fut qualifié d’« attaque barbare et de violation flagrante de la souveraineté chinoise »12.

Dans ce contexte historique, l’installation de batteries de missiles sol-air chinoise en Serbie apparaît comme une façon singulière de renforcer la souveraineté territoriale serbe, en particulier de son espace aérien, en y liant et y mêlant le rétablissement a posteriori de la souveraineté chinoise dans ce pays. Et ce par l’installation par l’armée serbe d’une véritable « petite muraille aérienne » livrée par l’armée chinoise. 

Le renforcement des moyens de défense serbes par la Chine permet ainsi à la souveraineté chinoise de se prolonger dans celle de la Serbie. En effet, en fournissant à l’État serbe des moyens de dissuasion et de guerre aérienne, la Chine confère à la Serbie les moyens de renforcer sa souveraineté territoriale et son influence. Et dans un mouvement dialectique réciproque, cette affirmation de la souveraineté serbe par des moyens chinois permet aussi à la souveraineté chinoise de se prolonger en Serbie, et s’intriquer ainsi avec la souveraineté serbe.

L’installation de batteries de missiles sol-air chinoise en Serbie apparaît comme une façon singulière de renforcer la souveraineté territoriale serbe, en particulier de son espace aérien, en y liant et y mêlant le rétablissement a posteriori de la souveraineté chinoise dans ce pays.

Jean-Michel Valantin

Cette autorité et cette influence « conjointes » de la Serbie et de la Chine se déploient face aux nombreuses capacités américaines présentes dans la région. Celles-ci, bien qu’incomparablement plus importantes en termes capacitaires, sont confrontées à une stratégie de dissuasion conventionnelle rendue possible par le partenariat entre la Serbie et la Chine, qui s’installe « au milieu » de l’Europe du Sud et du réseau de bases américaines qui y est implanté13.

Mais cette coopération entre Pékin et Belgrade ne s’arrête pas au domaine militaire. Elle s’étend à de nombreux domaines civils. Ainsi, depuis le début des années 2010, des entreprises chinoises rénovent et reconstruisent les routes, les autoroutes et les ponts du pays, et en bâtissent de nouveaux. Une entreprise de métallurgie chinoise a racheté et relancé la très polluante métallurgie de Smederovo — l’acier produit est exporté en Chine, via ce réseau de transports rénové14. Ce dernier est connecté aux autres réalisations chinoises du même type en Europe du Sud, dont les Balkans, comme en Macédoine, en Bosnie-Herzégovine, en Croatie, en Slovénie, en Bulgarie, en Grèce, ainsi qu’en Italie15.

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L’Europe du Sud et la Nouvelle Route de la Soie

Dans la même dynamique, des compagnies chinoises sont par ailleurs en train de dédoubler le réseau de voies ferrées serbes et d’autres pays balkaniques, afin d’intégrer les pays d’Europe du sud et le port du Pirée à l’immense infrastructure continentale qu’est la « Nouvelle Route de la Soie Chinoise », aussi qualifiée de « l’initiative de la Ceinture et de la Route » (« Belt & Road Initiative » ou « B&R »)16.

Dans ce dernier cas, le port du Pirée, à Athènes, port commercial d’importance majeure pour le trafic entre la Grèce, l’Europe du Sud et de la Méditerranée, est détenu à 80 % Par la china Ocean Shipping Company (COSCO), premier armateur au monde et compagnie publique chinoise17. Il est à noter que le Pirée est aussi un port essentiel pour la Sixième flotte de l’U.S Navy ainsi que pour les opérations maritimes de l’OTAN.

Des compagnies chinoises sont par ailleurs en train de dédoubler le réseau de voies ferrées serbes et d’autres pays balkaniques, afin d’intégrer les pays d’Europe du sud et le port du Pirée à l’immense infrastructure continentale qu’est la « Nouvelle Route de la Soie Chinoise ».

Jean-Michel Valantin

C’est ainsi que, de Belgrade à Athènes et aux capitales des Balkans, les zones de production industrielle et agricole, ainsi que les centres politiques, sont reliés à Pékin par la rénovation par des entreprises chinoises des voies routières et ferroviaires qui traversent les Balkans, jusqu’au Pirée. Ainsi, l’achat de ports comme le Pirée, les investissements directs et le recours à des entreprises chinoises de travaux publics s’insérant de fait dans le tissu économique des pays concernés crée de multiples réseaux d’influence qui vont du local à l’international.

Les voies de communications terrestres se connectent alors à d’autres réseaux maritimes ou terrestres, qui se prolongent jusqu’à Istanbul. Commence alors une liaison ferroviaire qui relie la Turquie à la Chine en traversant la Géorgie, l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan, tant par des trains marchandises que par des trains de voyageurs à grande vitesse. Cette gigantesque « initiative » se prolonge de Chine en Eurasie, ainsi qu’en Afrique et en Amérique Latine18.

L’Europe et la Nouvelle Route de la Soie

C’est en septembre 2013, depuis Astana, capitale du Kazakhstan, que Xi Jinping, Président de la République populaire de Chine, annonce le lancement de l’« initiative de la Nouvelle Route de la Soie ». Le nom de cette stratégie, d’une ampleur phénoménale, renvoie aux relations d’échanges, qui, de l’antiquité et au XVe siècle, se sont déployées entre la Chine, l’Inde, l’Asie centrale, la Russie, et l’Europe de l’Est et de l’Ouest. Mais l’historien britannique Peter Frankopan étend cette temporalité jusqu’au XXIe siècle, en démontrant la façon dont la « Route de la Soie » s’est perpétuée jusqu’à aujourd’hui, en connaissant d’importants changements d’axes19. Puis elle s’est prolongée dans les affrontements mondiaux du vingtième siècle et dans la Guerre froide, avant de devenir un corridor majeur de la globalisation. 

L’« initiative » prend un sens géopolitique singulier, tant en devenant une forme chinoise de globalisation, qu’une une forme de sinisation de cette dernière20. La « Nouvelle route de la Soie » consiste en effet en un programme de développement des infrastructures de transport visant à relier la Chine et le reste du monde par la construction d’immenses segments routiers, ferroviaires et maritimes, spatiaux et cyberspatiaux21.

Mais si l’initiative de la « Nouvelle route de la soie » inaugurée en 2013 s’inscrit dans cette profondeur historique, il s’agit avant tout de la forme la plus visible d’une grande stratégie qui vise à répondre aux prodigieux besoins de la Chine et de sa croissance, au point de devenir ce que nous qualifions ici d’« Empire du besoin ». Si nous baptisons ainsi cette singularité de la Chine contemporaine, c’est que cela permet d’appréhender ce gigantesque système de systèmes des besoins que sa croissance fait de la Chine contemporaine, ainsi que les modes et les enjeux profondément singuliers de sa projection dans le monde, dont l’Europe22.

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« L’Empire du besoin »

Ce besoin qui cherche des bassins de ressources à l’échelle planétaire émerge de fait à partir de 1978. Cette année-là, au sortir de la Révolution culturelle et du séisme politique qu’est le décès de Mao Zedong, Deng Xiaoping lance — dans le cadre d’une période charnière d’élimination du chaos et de retour à la normale connue son le nom de « Boluan Fanzheng » (拨乱反正) — les « quatre modernisations » nécessaires tant au développement de la Chine que du « socialisme à la chinoise ». Ces « quatre modernisations » concernent l’industrie et le commerce, l’éducation et la science, les affaires militaires, et l’agriculture23. Mener ensemble ces « quatre modernisations » doit permettre d’assurer le développement de la Chine et l’enrichissement du peuple, nécessaire à cette phase du projet socialiste chinois24.

Ce sont les industriels américains et européens qui financent, mettent en œuvre et réalisent la révolution industrielle et urbaine chinoise.

Jean-Michel Valantin

Aussi leur mise en œuvre fait-elle entrer la Chine dans une phase de croissance industrielle, économique et urbaine chinoise sans équivalent. L’évolution du PIB chinois en est une expression particulièrement significative. Si, en 1970, en pleine Révolution culturelle, le PIB chinois est de 63,5 milliards de dollars, il passe à 189,5 milliards de dollars en 1980, à 326,6 milliards de dollars en 1990, à 2100 milliards en 2000, à plus de 6000 milliards en 2010 et à 20 256 milliards en 2022. Dans la même dynamique, alors que seuls 20 % de la population chinoise étaient urbaines en 1980, c’est plus de 55 % des 1,4 milliard de Chinois qui vivent en ville en 201525.

Or l’un des moteurs les plus puissants de cette phénoménale dynamique n’est autre que l’installation en Chine des parcs industriels européens et nord-américains, qui s’y délocalisent massivement à partir des années 1980, attirés par les « zones franches littorales » créées par Deng Xiaoping, dans le cadre des « quatre modernisations ». Ainsi, de fait, ce sont les industriels américains et européens qui financent, mettent en œuvre et réalisent la révolution industrielle et urbaine chinoise26.

À titre d’exemple, l’essor de la construction urbaine et autoroutière chinois nécessite celui de la production nationale de béton. En 1985, la Chine devient le principal producteur mondial de ciment et produit un peu plus de 2,3 millions de tonnes de ciment par an, avant d’en produire près de 2,5 milliards de tonnes sur la production mondiale de 4,7 milliards. Pour ce faire, la Chine importe 60 % des trente milliards de tonnes de sable marin exploitées chaque année.  Entre 2011 et 2014, la Chine a exploité autant de sable que les États-Unis durant tout le XXe siècle27.

Sachant que le sable est le composé de base du ciment, la croissance chinoise entraîne une course globale au sable. Aussi, des prélèvements massifs de sable s’effectuent, entre autres, en Indochine, au Cambodge, au Maroc, tous membres de la « Route ». Ces pays deviennent ainsi les bassins de ressources tant du marché immobilier chinois que de la dynamique de constructions d’infrastructures de transport terrestres qui conditionnent l’extension de la « Nouvelle Route de la Soie ». La puissance de cette dynamique est telle qu’elle a des effets à l’échelle planétaire — notamment des effets d’accélération tant sur l’érosion des littoraux, alors que le niveau de l’océan augmente toujours plus vite en raison du changement climatique, que sur les émissions de gaz à effet de serre28

Car la « Route » ne vise en rien à diffuser un « modèle chinois » au reste du monde. Bien au contraire, les multiples segments qu’elle intègre doivent être compris comme composant un gigantesque « canal planétaire » s’écoulant vers la Chine, sans pour autant, et contrairement aux États-Unis29, diffuser un système de normes et de valeurs propre à la Chine30 dans le monde31. Ce « canal planétaire » permet ainsi le transfert vers la Chine de toutes le ressources, naturelles, semi-finies, financières, intellectuelles, humaines, dont « l’Empire du Milieu » a besoin pour mener à bien sa grande stratégie de développement.

Car la « Route » ne vise en rien à diffuser un « modèle chinois » au reste du monde. Bien au contraire, les multiples segments qu’elle intègre doivent être compris comme composant un gigantesque « canal planétaire » s’écoulant vers la Chine.

Jean-Michel Valantin

« Le grand canal planétaire »  : segment nord et adaptation au changement climatique

Or si l’on a vu plus haut comment la « Route » s’étend en Europe du Sud jusque dans les Balkans et en Europe centrale, en Europe du Nord l’un des segments maritimes de la Nouvelle Route de la Soie parvient à s’étendre jusqu’en Islande, en traversant l’océan Arctique pour atteindre l’Atlantique Nord.  Ce prolongement par le nord s’effectue par le biais d’une forme d’adaptation chinoise singulière aux effets du changement climatique32.

Le 10 octobre 2016, à l’occasion de la tenue à Reykjavik, capitale de l’Islande, du sommet annuel du Conseil de l’Arctique, Ding Nong, vice-PDG de la COSCO déclare  : « Alors que le climat continue de se réchauffer et que la glace se retire de plus en plus, le passage du Nord-Est [allant du détroit de Béring à la Norvège en longeant les côtes russes] apparaît comme un nouveau tronçon reliant l’Asie et l’Europe. COSCO est optimiste quant au futur de la Route du Nord et de la navigation commerciale dans l’Arctique.33 »

Le contexte de cette déclaration n’est autre que l’ouverture par l’État russe de la « Route du Nord », corridor de navigation s’étendant du Détroit de Béring à la Norvège, le long de la côte sibérienne, depuis la fin des années 2000. Ce nouveau corridor maritime relie ainsi le Pacifique et l’Asie à l’Europe et devient toujours plus navigable en raison du changement climatique. Le réchauffement induit y est deux à quatre fois plus rapide que sur le reste de la planète — ce qui réduit la période d’englacement de l’Arctique, ainsi que l’épaisseur de la banquise, d’autant plus fragilisée. Par ailleurs, depuis 2016, la Russie met à la mer une nouvelle génération de super brise-glaces nucléaires, afin de conserver ouverte la Route du Nord tout au long de l’année34.

Cette route permettant un gain de temps de près de dix jours aux navires asiatiques rejoignant l’Europe, depuis 2013, les cargos chinois sont de plus en plus nombreux à l’emprunter. La Route du nord devient ainsi la « Route arctique de la Soie » (Arctic Silk Road), permettant ainsi à la Chine de devenir une puissance maritime et commerciale de l’Europe du Nord et de l’Atlantique Nord et d’y diffuser tant son influence que son pouvoir d’attraction. Ainsi, en 2013, Pékin obtient du Conseil de l’Arctique le statut de Near Arctic Nation, « nation proche de l’Arctique » et, dès 2014, Pékin passe des accords bilatéraux avec l’ensemble des pays européens membres du Conseil de l’Arctique, de l’Islande, au Danemark, au Groenland, à la Finlande, la Norvège, la Suède, et la Russie35

En 2013, Pékin obtient du Conseil de l’Arctique le statut de Near Arctic Nation, « nation proche de l’Arctique » et, dès 2014, Pékin passe des accords bilatéraux avec l’ensemble des pays européens membres du Conseil de l’Arctique, de l’Islande, au Danemark, au Groenland, à la Finlande, la Norvège, la Suède, et la Russie.

Jean-Michel Valantin

En d’autres termes, alors que la Chine atteint l’Europe du Sud par la terre, et donc par le segment « Route (terrestre) » et via la mer Méditerranée, elle atteint l’Europe du Nord avant tout par la mer, complétant ainsi le segment européen de la « Ceinture (maritime) ». Dans la même dynamique, la China National Petroleum Company, l’un des géants énergétiques chinois, passe des accords d’exportation de gaz et de pétrole avec Equinor36, son homologue norvégien, qui devient l’un des dix premiers fournisseurs de pétrole de la Chine. CNPC fait de même avec les géants russes Rosneft37 pour le pétrole et Gazprom pour le gaz naturel38. La « Route arctique de la Soie » continue ainsi d’assurer son rôle de « canal planétaire des ressources » — européennes et atlantiques — pour qu’elles s’écoulent vers la Chine.

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De l’Europe comme « grenier à blé »

Cette extension de la Nouvelle Route de la Soie de la Chine à l’ensemble de l’Eurasie, dont l’Europe, s’étend largement au domaine agricole.

En mars 2015, une société chinoise achète 1700 hectares de terres agricoles en France, 900 hectares dans l’Allier. Des milliers d’autres hectares de terres agricoles et leurs récoltes ont été achetés depuis39. En 2021, la Chine achète plus de 600 000 tonnes de blé français et près d’un million de tonnes de blé ukrainien et 5 millions de tonnes de maïs.  En 2022, alors que la guerre en Ukraine fait rage, elle importe près d’1,5 million de tonnes de blé. Dans le même temps, les importations chinoises de produits agricoles européens atteignent des niveaux records40. La même dynamique est à l’œuvre avec de nombreuses autres grands pays agricoles, dont le Brésil, ce qui permet à la Chine d’accumuler des stocks de céréales qui représentent près d’un an et demi de stock pour la population chinoise et près de 51 % des stocks mondiaux de blé41

Mais, alors qu’en 2021 les importations chinoises de céréales ukrainiennes ont dépassé tous les records, en 2022, la baisse brutale des exportations ukrainiennes entrainées par l’offensive russe — et dues notamment au blocage pendant plusieurs mois des ports ukrainiens par la marine russe — s’est accompagnée de l’ouverture du marché chinois aux importations de céréales en provenance de Russie. Cette hausse brutale des volumes d’échanges entre la Russie et la Chine s’est d’ailleurs accompagnée de l’inauguration d’un nouveau pont ferroviaire permettant d’augmenter le trafic entre les deux pays42.

Ces importations massives, rendues matériellement possibles par les infrastructures de la « Ceinture et de la Route » permettent non seulement à la Chine d’importer les denrées alimentaires nécessaires pour répondre aux gigantesques besoins alimentaires de la population chinoise, mais aussi d’accumuler des stocks de céréales correspondant à un an et demi de consommation, soit 51 % des stocks mondiaux de céréales. 

Ces importations de céréales européennes sont complétées depuis 2015 par le rachat de Syngenta, le géant suisse des semences et des produits phytosanitaires par ChemChina, qui en détient désormais 82 %43. Aussi des quantités importantes des semences et des produits phytosanitaires utilisés en France sont-elles produites par Syngenta, garantissant et sécurisant ainsi les conditions de l’agriculture intensive dont les productions peuvent être achetées par des compagnies chinoises et transportées en Chine par la « Route ».

Syngenta opère aussi bien en Ukraine qu’en Russie, qui est l’un des acteurs de ces productions agricoles nationales nécessaires au marché agro-alimentaire chinois. La « Nouvelle Route de la Soie » garantit ainsi à la fois la sécurité alimentaire de l’Empire du Milieu, mais aussi sa souveraineté alimentaire, en installant un système production et de transport de ressource à l’échelle planétaire, et dont la production et la chaîne de valeurs sont autant que possible garantis par des investissements et des partenariats chinois44

De l’Europe comme « espace utile »

La grande stratégie chinoise qui se déploie de façon synchrone par les façades sud, nord et eurasiatique de l’Europe dévoile comment les pays européens sont « utiles » à la Chine, et ainsi la conceptualisation stratégique de l’espace propre aux stratèges et décideurs chinois45.  Pour appréhender cette singularité, il faut la saisir dans sa différence avec l’histoire européenne et occidentale. Dans la tradition occidentale, les routes s’inscrivent dans l’histoire des voies romaines, qui furent les médiums de l’expansion de l’empire, modelèrent et organisèrent le paysage européen en étant des véhicules pour l’avancée des légions, du régime impérial, du latin, de la civilisation romaine et de l’organisation territoriale de Rome. La puissance du modèle romain des « voies » fut tel qu’il continue d’informer l’organisation territoriale contemporaine46

La philosophie qui sous-tend cette « Initiative de la Ceinture et de la Route », dont les multiples segments composent la « Nouvelle route de la Soie » est profondément différente. Comme au jeu de Go, les espaces extérieurs à la Chine sont pour certains « utiles » afin d’y appuyer la stratégie chinoise, et considérés comme « vivants », pour d’autres inutiles aux progrès stratégiques et donc considérés comme « morts »47. Cette « utilité » ne vise pas à déployer un modèle de civilisation mais à faire en sorte que les espaces concernés soutiennent la réponse aux différentes familles de besoins propres à la Chine et à son développement.

Comme au jeu de Go, les espaces extérieurs à la Chine sont pour certains « utiles » afin d’y appuyer la stratégie chinoise, et considérés comme « vivants », pour d’autres inutiles aux progrès stratégiques et donc considérés comme « morts ».

Jean-Michel Valantin

Pour que cette « utilité » soit pérenne, les « espaces utiles » doivent le rester et donc être soutenus pour se maintenir en tant que tels. D’où, entre autres exemples, la montée en puissance rapide et mondiale de la « Route de la Soie sanitaire  » pendant le pire de la pandémie, la Chine envoyant des masques et des matériels sanitaires dans les pays adhérents à la « Route » dont, comme on l’a vu et entre autres, la Serbie, mais aussi la Hongrie, la Grèce… où les investissements dans les infrastructures de transport, comme les autoroutes ou le Port du Pirée, ainsi que dans les industries agro-alimentaires européennes et dans les terres cultivables sont massifs48

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Cette démarche permet ainsi de créer un gigantesque « circuit fermé » qui garantit que le mouvement de la capacité chinoise à diffuser tant ses produits que ses capacités à amener les pays « utiles » à contribuer à répondre à ses besoins, en particulier sous la forme d’exportations et d’investissements en Europe, produit les biens de toutes sortes nécessaires pour répondre à l’immense système de besoins propre à la Chine.

Face au changement climatique  : sécurité alimentaire chinoise et insécurité climatique

La dimension agro-alimentaire de cette démarche est particulièrement importante en raison de la vulnérabilité de la Chine au changement climatique et des stratégies d’adaptation mises en place pour en atténuer les effets — tout en garantissant la sécurité alimentaire des 1,4 milliard de citoyens chinois.

Or la sécurité alimentaire chinoise intègre les effets du changement climatique sur la productivité agricole, sachant que le pays comprend 8 % des terres cultivables au monde et 20 % de l’humanité49.  Aussi, toute menace sur l’alimentation met en jeu la cohésion sociale et politique de ce pays qui est aussi une civilisation-continent. Cette prise en compte par l’État chinois du danger induit par le changement climatique remonte à la période 2006-2011 quand, près de quatre ans d’affilée, partout dans le monde des évènements climatiques extrêmes frappent les grandes zones de production agricole, touchant aussi les rizières chinoises50

Cette première alerte amène le gouvernement chinois à promouvoir l’achat ou la location de terres arables par des compagnies chinoises partout dans le monde. Depuis 2013, cette politique a largement changé d’échelle du fait de l’intégration de grands pays agricoles comme la Russie et l’Ukraine à « la Route ».

Cette vulnérabilité agro-climatique chinoise s’aggrave régulièrement, au point que les années 2021 et 2022 sont marquées par de gigantesques inondations et des vagues de chaleur qui entraînent une chute de plus de 20 % des rendements rizicoles chinois. Dans ce contexte, l’installation de la Nouvelle Route de la Soie dans les grandes régions agricoles européennes se révèle de plus en plus clairement comme un moyen pour la Chine de garantir sa sécurité alimentaire et de s’adapter au changement climatique51.

En se « branchant » aux différents segments de « grand canal » planétaire, « la Ceinture et la Route » installent la Chine « au milieu » d’un réseau composé de plusieurs grands bassins de production agricoles partout en Eurasie, en Afrique et en Amérique Latine. Ce réseau confère ainsi à la Chine les moyens de se prémunir jusqu’à présent des effets des évènements climatiques extrêmes sur ses zones nationales de production agricole52.

En se « branchant » aux différents segments de « grand canal » planétaire, « la Ceinture et la Route » installent la Chine « au milieu » d’un réseau composé de plusieurs grands bassins de production agricoles partout en Eurasie, en Afrique et en Amérique Latine.

Jean-Michel Valantin

Cependant, la guerre d’Ukraine force Pékin à reconfigurer la hiérarchie des « espaces utiles » qui composent l’Europe, de la France à la Russie. Aussi, en 2022, alors que l’Ukraine éprouve les plus grandes difficultés à exporter sa récolte de céréales, la Chine lève ses restrictions aux importations de céréales russes dès le mois de février. Cette même année, les exportations agricoles russes vers la Chine augmentent de plus de 30 %53. En revanche, les convois maritimes chinois arrêtent totalement d’utiliser la Route du Nord qui longe la Russie et privilégient les trajets plus longs par le sud et par le détroit de Malacca54.

Or malgré ce contexte international toujours plus perturbé par la montée aux extrêmes du conflit entre la Russie, l’Ukraine et l’OTAN, les besoins de la Chine se maintiennent et augmentent, en particulier dans le domaine technologique. Et ce alors que les tensions stratégiques avec les États-Unis s’aggravent de façon continue. Or si l’Europe est en train de devenir l’un des théâtres d’opérations du conflit sino-américain, elle continue de fait sa conversation en « espace utile » — un espace pour répondre au système de besoins propre à la Chine contemporaine.

Ce sont ces intrications stratégiques et leurs effets sur l’Europe et sa géopolitique que nous étudierons dans la seconde partie de cet article.

Sources
  1. «  Second Belt&Road Forum  » (I)  : « Europe in the Belt&Road Initiative  », OBOReurope, 29/04/2019, https://www.oboreurope.com/en/second-belt-and-road-forum-1/.
  2. «  Joint communique of the Leaders Roundtable of the 2nt Belt & Road Forum for International Cooperation  », Belt and Road portal, 2019/04/27. https://eng.yidaiyilu.gov.cn/qwyw/rdxw/88230.htm
  3. Jean-Michel Valantin, «  China, Serbia, AI and the Pincer Movement on Europe  », The Red Team Analysis Society, April 2, 2023. https://redanalysis.org/2023/04/02/china-serbia-ai-and-the-pincer-movement-on-europe/ et Dusan Stojanovic, “China makes semi-secret delivery of missiles to Serbia”, AP News, April 10, 2022 and Sebastien Roblin, “Missile-armed Chinese drones arrive in Europe, as Serbia seeks Airpower edge”, Forbes, July 9 2020.
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