Un rapport publié le 27 mars par le laboratoire de recherche AidData du College of William & Mary indique que les prêts de sauvetage octroyés par la Chine à des pays risquant de faire défaut sur leurs dettes ou connaissant des problèmes de surendettement ont considérablement augmenté au cours des dernières années1.

Ces prêts servent majoritairement à permettre aux pays bénéficiaires de continuer à rembourser leurs prêts contractés dans le cadre des Nouvelles routes de la soie, tandis que de plus en plus de pays connaissent des difficultés de paiement.

  • Selon les auteurs du rapport, l’augmentation du nombre ainsi que des montants de ces prêts constituent un risque pour les débiteurs en ce que ces derniers sont « opaques et assortis de taux d’intérêt relativement élevés ».
  • Bien que ces taux varient selon les pays contractant ces types de prêts de dernier recours, les créditeurs chinois appliquent en moyenne un taux supérieur à 5 %, contre environ 3,2 % pour ceux accordés par le Fonds monétaire international et 1,1 % pour les swaps de devises de la Réserve fédérale américaine.
  • Ces swaps (consistant en un déboursement de yuan par la Banque centrale chinoise en échange de devises nationales) constituent, avec les soutiens directs à la balance des paiements, les deux formes de prêts de sauvetage octroyés par la Chine.

Au total, 22 pays ont reçu des prêts de sauvetage de la Banque centrale chinoise ou bien de banques et d’entreprises d’État entre 2000 et 2021 pour un montant total de 232 milliards de dollars. Parmi ceux-ci, on dénombre plusieurs pays qui connaissent de graves problèmes d’endettement — selon le Programme des Nations unies pour le Développement — dont l’Argentine, le Venezuela, le Kenya ou bien le Sri Lanka.

  • Des chercheurs et personnalités politiques (surtout américaines) accusent depuis plusieurs années la Chine de conduire une « diplomatie du piège de la dette », notamment en​ rédigeant des contrats qui permettent à Pékin de saisir des actifs stratégiques en cas d’insolvabilité2.
  • En décembre 2017, après avoir connu d’importantes difficultés à rembourser sa dette contractée auprès de plusieurs entreprises chinoises, le gouvernement du Sri Lanka a été contraint de céder à Pékin son port de Hambantota pour 99 ans3.
  • Ce rapport, qui constitue la première tentative d’étude exhaustive des prêts de sauvetage chinois, témoigne également de la fin d’une période d’hégémonie jouée par le Fonds monétaire international (FMI) en parallèle du rôle croissant joué par la Chine.

Cumulés, les renflouements de la Chine correspondent à plus de 20 % du total des prêts octroyés par le FMI au cours des dix dernières années. Cette tendance s’est particulièrement accélérée depuis 2015 : les prêts chinois (40 milliards de dollars) représentaient plus de 50 % du montant des prêts octroyés par le FMI (68 milliards de dollars) en 2021.

Le rôle joué par Pékin dans le système financier international est encore loin de rivaliser avec les États-Unis ou le Fonds monétaire international, selon les auteurs du rapport. Cependant, le manque de transparence ainsi que la multipolarisation (marquée par une perte de vitesse des institutions au profit d’acteurs étatiques) présentent des risques supplémentaires pour les pays connaissant déjà d’importants problèmes d’endettement.

Sources
  1. Sebastian Horn, Bradley C. Parks, Carmen M. Reinhart et Christoph Trebesch, « China as an International Lender of Last Resort », AidData, Working paper n°124, 27 mars 2023.
  2. Anna Gelpern, Sebastian Horn, Scott Morris, Brad Parks et Christoph Trebesch, « How China Lends. A Rare Look into 100 Debt Contracts with Foreign Governments », AidData, Kiel Institute for the World Economy, Center for Global Development et PIIE, mars 2021.
  3. « Sri Lanka hands port formally to Chinese firm, receives $292 mln », Reuters, 9 décembre 2017.