Selon les termes de l’accord, la Cosco Shipping Ports sera autorisée à acquérir jusqu’à 25 % de l’installation de conteneurs Tollerort, l’un des nombreux terminaux de conteneurs qui composent le port de Hambourg.

  • L’accord est un compromis principalement poussé par Olaf Scholz. Cet accord a été conclu malgré les réticences de ses ministres de l’Économie, des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Intérieur, inquiets pour la souveraineté du pays.
  • Celui-ci est moins ambitieux que la proposition initiale qui avait été faite dans le cadre de l’offre de 2021. Cosco avait alors prévu d’acquérir 35 % du terminal pour 65 millions d’euros auprès de la société de logistique allemande Hamburger Hafen und Logistik AG (HHLA)1.
  • L’accord était alors perçu comme mutuellement bénéfique. HHLA avait vu les volumes de ses terminaux de Hambourg chuter de 7,2 % au début de l’année 2021. La société espérait qu’un partenariat avec Cosco générerait du trafic supplémentaire et des investissements dans les infrastructures allemandes. De son côté, l’entreprise chinoise recherchait un moyen de déployer ses services de transport maritime en étendant son propre réseau2.

Bien que suscitant de l’inquiétude, ce genre de partenariats n’a rien de nouveau. Depuis des années, les deux entreprises d’État chinoises Cosco et China Merchant Ports accumulent des parts dans de nombreux terminaux de conteneurs en Europe, en échange d’investissements financiers dans les infrastructures portuaires.

  • En Europe, ces deux entreprises chinoises détiennent des parts dans 14 ports, principalement situés dans le nord de la France, au Havre et à Dunkerque mais aussi à Anvers et à Bruges en Belgique ainsi qu’en Espagne, en Italie et en Grèce.
  • Cosco Shipping Ports est une filiale de l’entreprise d’État China Cosco Shipping Corporation, qui apporte un soutien direct à la marine chinoise. C’est particulièrement ce lien direct avec le Parti Communiste chinois qui inquiète la classe politique allemande. 

Cette décision a suscité des critiques de la part de l’opposition mais également de certains alliés présents dans la coalition au pouvoir.

  • La principale partenaire de coalition et leader des Verts, Katharina Dröge, a déclaré à l’Agence de presse allemande que le compromis était « une erreur », s’inquiétant que même s’il limite les « droits de veto et l’influence sur la stratégie commerciale pour le moment, une participation à 25 % implique toujours une dépendance économique et affecte notre souveraineté en matière d’infrastructures critiques »3.
  • Parmi d’autres leaders, Friedrich Merz, le président du groupe CDU/CSU au Bundestag a quant à lui dénoncé la naïveté d’un gouvernement qui ne voit qu’un accord économique alors qu’il faudrait selon lui repenser les relations avec la Chine « dans leur ensemble »4.

Face aux critiques des opposants politiques, le gouvernement a tenté de rassurer la classe politique allemande.

  • Le ministère de l’Économie a rappelé que « toute nouvelle acquisition au-delà du seuil de 25 % est interdite […] Cela empêche une participation stratégique dans Tollerort et réduit l’acquisition à une participation purement financière ».
  • Celui-ci a également déclaré que, selon les termes révisés de l’accord, Cosco ne pourra pas exercer d’influence supplémentaire sur la gestion du terminal, la société chinoise étant déjà le client le plus important du port.

L’acquisition intervient à un moment géopolitique particulièrement sensible pour les relations entre Pékin, Berlin et plus globalement l’Union européenne.

  • La guerre menée par la Russie contre l’Ukraine a nourri le discours critiquant l’entretien de liens économiques avec de potentiels rivaux géopolitiques.
  • Dans un document interne, le Service européen pour l’action extérieure a récemment considéré Pékin comme « un concurrent à part entière, dont les domaines d’engagement potentiel sont limités »5.
  • Pourtant, la Chine reste le premier partenaire commercial de l’Allemagne. Olaf Scholz a prévu de se rendre en Chine la semaine prochaine pour son premier voyage officiel à Pékin.
Sources
  1. Sam Jones, « Germany allows Chinese shipping group a stake in its biggest seaport », Financial Times, 26 octobre 2021.
  2. Jacob Mardell, « COSCO takes stake in Hamburg Port terminal », Merics, 30 septembre 2021.
  3. « Nichts aus Russlandpolitik gelernt“ : Grünen-Fraktionschefin Dröge enttäuscht über Cosco-Entscheidung », RedaktionsNetzwerk Deutschland, 26 octobre 2022.
  4. « Germany allows controversial Chinese stake in Hamburg port », France24, 26 octobre 2022.
  5. Henry Foy, « EU ministers advised to take tougher line on China », Financial Times, 17 octobre 2022.