- Le 28 juin, des négociations indirectes entre l’Iran et les États-Unis se sont déroulées à Doha, mais n’ont abouti à aucun résultat tangible ; aujourd’hui, ce tour de négociation est qualifié par les Iraniens de « constructif », alors qu’il était auparavant qualifié de « positif ». Le 6 juillet, le Secrétaire d’État américain Antony Blinken a annoncé de nouvelles sanctions à l’encontre de l’Iran1. Cette décision est décrite comme le résultat d’une dynamique « perdant-perdant » par Ali Vaez, du Crisis Group2. Ces rebondissements conduisent certains acteurs à dire que les négociations sur le nucléaire iranien sont les « Ross and Rachel of geopolitics, only with more drama, fewer jokes and no guarantee of a happy ending ».
- Contrairement à ce que la chronologie pourrait laisser penser, l’invasion de l’Ukraine par la Russie n’est pas le seul motif d’arrêt de ces négociations. En revanche, il est vrai que les efforts diplomatiques européens et américains portent davantage sur la crise ukrainienne et sur ses conséquences énergétiques et alimentaires que sur la restauration de l’accord sur le nucléaire iranien. Aux États-Unis, les élections de midterms approchent et sont de mauvaise augure pour les Démocrates ; à moyen terme, la possibilité qu’un candidat républicain soit élu à la présidence des États-Unis en 2024 diminue l’attrait des parties pour un accord dont la durée de vie pourrait être à nouveau écourtée.
- Les acteurs ont des positions différentes : le gouvernement iranien exige la mise en place de « garanties » qui assurent la survie de l’Accord en dépit des changements éventuels d’administration américaine — requête à laquelle les États-Unis ne peuvent pas répondre positivement. Du côté des États-Unis, on semble observer une certaine lassitude ; la stratégie semble à présent consister à augmenter la pression. La Russie est logiquement occupée par d’autres questions ; les relations interpersonnelles de confiance entre diplomates russes et occidentaux semblent par ailleurs comprises par l’invasion de l’Ukraine3.
- L’Union européenne joue un rôle central, puisque la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui entérine le JCPOA, désigne le Haut Représentant comme « Coordonnateur de la Commission conjointe » de l’Accord sur le nucléaire iranien ; cela a conduit Josep Borrell et ses équipes du Service européen pour l’action extérieure à se rendre à plusieurs reprises en Iran (le 11 mai puis le 25 juin) pour tâcher de relancer les négociations.
- Parmi les E3 (France, Royaume-Uni-Allemagne), un certain nombre de tensions bilatérales contribuent à la mauvaise atmosphère qui entourent les négociations. Le Royaume-Uni a révélé il y a quelques jours avoir saisi des armes iraniennes dissimulées dans des bateaux civils dans des mers internationales4. La chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah est quant à elle incarcérée depuis juin 2019 en Iran.
- La question des hydrocarbures et des énergies a une place importante dans les négociations. Malgré de faibles exportations, l’augmentation du prix du pétrole et du gaz permet à l’État iranien d’engranger davantage de bénéfices et renforce pour ainsi dire sa position dans les négociations . Un prix du pétrole très élevé avait également fait partie de l’équation des années 2009-2012, au plus fort des tensions entre Ahmadinejad et les pays occidentaux. Par ailleurs, de façon structurelle, le gouvernement russe n’est probablement pas particulièrement pressé de contribuer à la levée des sanctions et donc à la possibilité pour l’Iran d’exporter à nouveau du pétrole et du gaz, à un moment où l’explosion des prix des hydrocarbures est l’un des principaux moyens de pression de la Russie sur les pays européens.