• Le 2 février dernier, après de longs mois de négociations pour trouver un compromis, la Commission européenne publiait son texte final sur la taxonomie européenne, en classant le nucléaire et le gaz comme « énergies vertes de transition »1. Ce dernier précisait que ces deux énergies pouvaient contribuer de manière transitoire à atténuer le réchauffement climatique, ce qui impliquait qu’elles puissent continuer à être soutenues financièrement sous certaines conditions.
  • Pour le nucléaire, selon la Commission, les prolongements de la durée de vie d’anciens réacteurs pourraient être subventionnés jusqu’en 2040, tandis que la construction de réacteurs de nouvelle génération pourrait recevoir des fonds publics jusqu’en 2045. En ce qui concerne le gaz, les investissements publics pourraient continuer jusqu’en 2035, mais toute nouvelle construction de centrale de gaz devrait être achevée avant 2030, émettre moins de 270 g de C02/Kwh et remplacer une centrale à charbon existante.
  • Les États membres, tout comme les députés du Parlement européen, demeurent très divisés sur ce projet de taxonomie. La France, dépendante du nucléaire, et d’autres États « pro-gaz » comme l’Allemagne soutiennent le vote. Cependant, les opposants dont l’Autriche ou le Luxembourg pensent qu’il n’est pas crédible d’étiqueter le nucléaire — notamment en raison des déchets produits — et le gaz, comme énergies « vertes ».
  • Au Parlement européen, Bas Eickhout, député écologiste néerlandais, a accusé le projet de servir les intérêts de quelques pays, dont la France. Selon lui, « c’est un pur jeu politique de la France » car les « critères sont écrits par la France pour la France »2. La ministre de la transition énergétique française, Agnès Pannier-Runacher, publiait une tribune la veille du vote aux côtés des ministres de l’Énergie de neuf pays européens — Bulgarie, Croatie, Hongrie, Roumanie, Slovénie, Slovaquie, Finlande, Pologne, République tchèque — afin de défendre l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie3. Cette dernière est en grande partie un compromis trouvé entre la France, fortement dépendante du nucléaire, et l’Allemagne, dépendante du gaz et ayant décidé de sortir progressivement du nucléaire en 2011, après la catastrophe de Fukushima.
  • Aujourd’hui, en session plénière, les députés européens n’ont pas approuvé une objection formulée le 14 juin par les Commissions parlementaires des Affaires économiques et de l’environnement qui revenait à apposer un « veto » contre la taxonomie. La proposition n’a finalement obtenu que 278 voix, alors qu’une majorité absolue de 353 vois était requise4. On distingue un fort clivage gauche-droite sur le sujet, les groupes se situant à gauche de Renaissance (centre) — Verts, SD, Gauche radicale — ayant voté majoritairement pour la résolution, et les groupés situés à droite du groupe centriste — PPE, ECR, ID — ayant voté contre, bien qu’il y ait eu plusieurs défections au sein des groupes parlementaires.
  • Faisant suite au vote, le ministre de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire luxembourgeois, Claude Turmes, a annoncé sur Twitter que le Luxembourg et l’Autriche allaient saisir la Cour de justice de l’Union européenne afin que celle-ci statue sur la légalité de l’acte délégué sur la taxonomie. La présidence tchèque du Conseil de l’Union a déjà annoncé la tenue d’un Conseil Énergie extraordinaire le 26 juillet prochain, dont les discussions porteront sur la préparation du secteur énergétique européen pour l’hiver prochain — mais au cours duquel le Conseil pourrait se déclarer en faveur de cette taxonomie verte5. Bien que huit pays se soient positionnés comme y étant opposés, seule une majorité qualifiée est requise pour que l’acte délégué sur la taxonomie entre en vigueur au 1er janvier 2023.