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Key Points
  • En général, peu de changements sont à recenser sur les différents fronts.
  • L’armée russe avance lentement sur la zone du Donbass, mais pourrait être défaite dans le Nord-Ouest de l’Ukraine.
  • Les analyse de Clausewitz peuvent aussi nous aider à comprendre les motivations des combattants de part et d’autre.

Situation générale

Il n’y a aucun changement majeur par rapport à la veille.

Situations particulières

Zone de Kiev et du Nord-Ouest

Les forces russes de l’Ouest de Kiev se réorganisent pour durer. De nombreuses unités de la 35e Armée se sont repliées en Biélorussie pour se reconstituer. Un poste de commandement et une base logistique ont apparemment été installés dans la région de Tchernobyl. Les forces ukrainiennes font toujours pression, par de petites attaques, sur tous les côtés de la zone tenue par les forces russes dans la région. Le point clé est Yvankiv, situé à trente kilomètres au Nord-Ouest de Kiev et nœud-routier essentiel de la 36e Armée. Sa prise par les Ukrainiens serait une très grave défaite pour les Russes. 

À l’Est de Kiev, les forces ukrainiennes continuent leur effort contre les forces russes dans la région au Nord-Ouest de Brovary, tenue par la 90e Division Blindée russe et harcèlent toujours l’axe Kiev-Soumy tenue par des éléments de la 2e Division Motorisée et la 4e Division Blindée.

On remarque également un effort continu de la 41e Armée russe sur la ville de Chernihiv. La région de Soumy est toujours contestée, avec le siège de la ville effectué par la 1ère Armée et des contre-attaques ukrainiennes au Sud de la ville pour casser ce siège.

Zone Est et Donbass

L’avance russe se poursuit, encore très lentement, à l’intérieur de Marioupol.

Les Russes ont renoncé, au moins temporairement, à la prise de Kharkiv. La 6e Armée bombarde la ville et manœuvre à l’extérieur en particulier en direction d’Yzium. On constate une poursuite des combats limités le long de la ligne, évoquée hier, du Donbass.

Zone Sud-Ouest

On assiste ici à une multiplication des phénomènes de harcèlement de la Rosgvardia effectués par des partisans dans la zone occupée par la Russie. La 20e Division Motorisée russe a été repoussée au-delà de Mykolayev. Enfin, la situation au Sud de Kryvyi Rih reste stable.

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Perspectives

Le général Alexander Chayko, chef du district militaire de l’Est – Extrême-Orient russe – a été identifié parmi les forces russes à l’Ouest de Kiev. S’agit-il du commandement de secteur mis en place à Tchernobyl ?

Des images de prisonniers russes blessés et maltraités par les forces ukrainiennes circulent sur les réseaux sociaux, témoignant d’une violation évidente du droit de la guerre. Un minimum serait d’exiger des autorités ukrainiennes qu’elles fassent respecter ce droit et sanctionnent les coupables.

La trinité clausewitzienne à l’époque des démocraties modernes

Clausewitz décrit la « remarquable trinité » comme l’association d’un peuple – la passion – d’un gouvernement – la raison – et d’une armée – l’honneur. Deux États qui s’affrontent opposent leurs armées dans un grand duel. Lorsque ce duel est terminé, le gouvernement dont l’armée a été vaincu se soumet au vainqueur par traité. À l’époque de Clausewitz, le peuple doit ensuite obéir.

Ce concept simple a été mis à l’épreuve. Lorsqu’on décapite le gouvernement par exemple, il n’y a plus personne pour signer un traité de paix et surtout l’imposer à son peuple. Au XXIe siècle, le peuple lui-même, est de plus en plus capable de s’armer par ses propres moyens, pourvu qu’il soit motivé pour cela. Cela peut se faire dans le cadre d’organisations non-étatiques armées, très puissantes depuis l’avènement des de la mondialisation économique et technologique, ou dans le cadre de structures étatiques. On a ainsi formé spontanément des bataillons de volontaires armés en Ukraine en 2014 dans les deux camps – gouvernement ukrainiens et séparatistes pro-russes – qui sont venus s’associer aux forces régulières ukrainiennes, très faibles, ou russes, qui se voulaient discrètes.

Dans la situation actuelle en Ukraine, il y a d’un côté une nation qui a fait appel à la puissance du peuple, comme dans les deux républiques séparatistes de Donetsk et Lougansk – avec néanmoins plus de réticences semble-t-il pour ces dernières – où on exalte le patriotisme. Si on reprend les analyses de Clausewitz, en Ukraine, la boîte de Pandore du patriotisme est ouverte, alors que la Russie mène une “guerre de cabinet” décidé par le chef suprême, avec uniquement une petite armée de professionnels – à laquelle s’ajoutent des conscrits « volontaires » – sur le modèle de l’armée du duc de Brunswick, pénétrant en France en 1792. La « levée en masse » n’est pas le seul facteur de réussite de l’armée ukrainienne. Comme l’armée française de 1792, elle combine une armée régulière qui s’était transformée avant la guerre, et le nombre de volontaires motivés. C’est un avantage décisif face à un ennemi qui, ne fait pas, pour l’instant, cet effort.

De ce point de vue, l’escalade russe ne serait pas l’emploi de l’arme nucléaire ou chimique, mais une véritable déclaration de guerre en bonne et due forme, avec une mobilisation générale.

Un autre problème peut se poser aux Ukrainiens. Au moment où il faudra accepter une paix, le peuple mobilisé acceptera-t-il de faire des concessions à la Russie alors qu’il n’est pas vaincu ? Peut-on se passer d’un référendum en pleine guerre pour faire accepter des choses difficiles ? Peut-on imaginer dans le cas contraire que le peuple veuille continuer la guerre contre la décision de son gouvernement ?