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Key Points
  • L’annonce d’un retrait partiel des forces russes de la région de Kiev marque un tournant dans la guerre.
  • Sur les différents fronts, la situation est stable, mais les lignes évolueront en fonction du redéploiement russe.
  • Pour l’opération militaire de l’armée russe au Nord de Kiev, on peut parler d’un échec considérable.

Situation générale

La Russie replie une partie de ses GTIA et de ses troupes aéroportées de la région de Kiev vers la Biélorussie afin sans doute de les réengager dans le Donbass après les avoir reconstituées. Pour autant, les forces russes n’abandonnent aucun territoire conquis volontairement, où que ce soit. 

Les forces ukrainiennes mènent de petites attaques dans les zones où les forces russes sont en position défensive. Les Russes font de même dans le Donbass. Dans les deux cas, les résultats ne sont pas très importants. Un équilibre s’installe, qui ne pourra être modifié que par un changement radical du rapport de forces dans une région.

Situations par zone

Zone de Kiev et du Nord-Est 

On observe un déplacement depuis cinq jours d’unités russes usées par les combat dans la zone Kiev-Ouest vers la Biélorussie. Il est peu probable qu’elles puissent être réengagées à court terme, mais elles le seront sans doute à moyen et long terme.

Les attaques ukrainiennes sur la zone de Kiev-Ouest continuent mais sont très poussives. Makariv semble désormais contrôlée par les Ukrainiens, de même que certaines parties de Borodyanka. Les principaux combats ont lieu à Irpin et Gostomel mais sans prise de terrain. Les Ukrainiens manquent d’artillerie pour neutraliser les forces russes.

Les forces russes sont en posture défensive, avec des retranchements et des destructions de ponts, ce qui indique le renoncement à des mouvements offensifs futurs. Si quelques missions de reconnaissances persistent, le premier rôle est donné à l’artillerie, principal avantage comparatif tactique des forces russes par rapport aux Ukrainiens.

Les principales difficultés russes résident sans doute sur l’axe H07 de Soumy à Kiev, où plusieurs petites unités russes sont en difficulté face au harcèlement et aux attaques ukrainiennes allant jusqu’à soixante kilomètres à l’Est de Kiev. Il serait logique pour les forces russes de rectifier la ligne de front et récupérer les unités fixées dans la région sans grande utilité.

Si les forces russes veulent continuer à rester présentes au Nord-Est de Kiev, il leur faut maintenir au moins le contrôle de l’axe E95 depuis la frontière Nord, mais cela suppose de prendre le bastion ukrainien de Chernihiv. À défaut, il faut tenir l’axe E101 depuis la frontière Nord-Est puis l’axe E95 à partir de Kipti.

Dans tous les cas, la région Nord-Est de l’Ukraine est boisée, ce qui facilite avec l’arrivée du printemps la dissimulation de forces légères ukrainiennes. Les forces russes dans la zone risquent d’être soumises à un intense et coûteux harcèlement – mines, IED embuscades – sur leurs axes de communication.

Zone de l’Est et du Donbass 

Les 1ère ABG et 6e Armée semblent avoir renoncé dans l’immédiat aux prises de Soumy et de Kharkiv et se contentent d’une pression par les feux. Quelques forces disponibles semblent avoir été affectées à la 20e Armée pour combattre dans la région d’Yzium, au Nord de la zone Donbass.

Les combats limités se poursuivent le long de la frontière des républiques séparatistes de Donetsk et de Lougansk et à Marioupol – ville conquise à 60 % par les Russes. Hormis, la prise prochaine de Marioupol par les Russes, aucun des deux adversaires n’a semble-t-il de marge de manœuvre nécessaire pour obtenir des succès décisifs.

Zone du Sud-Ouest

Ici encore les forces russes sont en position d’attente, se contentant de résister aux attaques ukrainiennes, elles-mêmes limitées par le manque de force.

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Perspectives

On a bien eu la confirmation du lancement de cyberattaques russes le 29 mars sur le réseau Ukrtelecom, mais elles ont eu un impact limité et temporaire sur le réseau Internet.

L’appel au nouveau contingent de conscrits russes s’effectuera le 1er avril. Ils ne pourront, normalement, se porter volontaires pour servir en Ukraine que dans trois mois.

On assiste à une réduction du trafic militaire sur les voies ferrées russes,nouvel indice montrant que la plupart des unités encore disponibles en Russie ont été engagées.

Selon l’état-major ukrainien, trois GTIA (2000 hommes) formés de soldats d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie ont été déployés dans le Donbass, ainsi qu’un millier de soldats de la société Wagner-Liga, selon le ministère de la Défense britannique. 

Une grande partie des équipements récupérés dans les stocks pour recompléter les unités russes s’avère inutilisable, par vieillissement, mais surtout parce que beaucoup d’éléments ont été vendus – comme l’électronique par exemple – au marché noir, symbole d’une corruption systémique de longue durée. Le même phénomène existe du côté ukrainien, même s’il est légèrement mieux combattu – semble-t-il – depuis quelques années.

On voit apparaître un narratif expliquant l’échec russe à s’emparer de Kiev par l’idée d’une manœuvre visant à faire diversion par rapport à l’objectif principal, le Donbass. C’est évidemment totalement démenti par les faits. On ne fait pas diversion avec la majorité de ses forces, tout n’attaquant pas l’objectif initial. Sinon, on le fait avec la certitude de pouvoir déplacer beaucoup plus vite que l’adversaire ses forces vers l’objectif principal après avoir attiré l’ennemi vers le leurre. Or, dans ce cas, ce sont 5 armées russes et une bonne partie des forces aéroportées qui ont été fixées dans tout le Nord du pays alors que les forces Ukrainiennes du Donbass ont été peu mobilisées en dehors de cette zone. Au bout du compte, lorsque les attaques dans le Donbass ont commencé, ce sont les forces russes qui étaient insuffisantes, à l’exception de la région de Marioupol.

On peut expliquer la diffusion de ce discours par la nécessité de résoudre une dissonance cognitive. Quand on est persuadé que les Russes sont très forts et qu’on souhaite qu’ils le soient, il faut trouver une explication satisfaisante à ce qui n’est qu’un énorme échec. Ainsi, la défaite de l’armée française à Dien Bien Phu en Indochine en 1954, a été présentée par certains comme un « grand succès » parce que l’armée avait fixé et usé beaucoup de forces Viet-Minh.