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Key Points
  • Les crises qui bordent les rives sud de l’Europe interagissent à plusieurs échelles (nationale, régionale, internationale) avec trois dynamiques : la fin du moment unipolaire américain, les soulèvements arabes de 2011, et la lenteur de la réponse européenne à ces deux premières dynamiques.
  • Face à une fragmentation croissante, l’Union européenne doit construire une culture géopolitique commune pour penser son approche dans la région. Celle-ci ne pourra se passer de Washington mais doit réinventer sa relation avec les États-Unis, dont le rôle et l’influence dans la région ont considérablement évolué.
  • L’Union devrait se doter d’un outil de gestion des crises et d’un Conseil européen de sécurité, qui intégrerait la dimension de la coopération et du développement.

Vu d’Europe, « l’arc des crises » qui frappent l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient s’est, depuis plusieurs années, significativement rapproché des frontières du continent. Alors que les années 2000 ont été marquées par des conflits « lointains » en Irak et en Afghanistan, de nombreux foyers d’instabilité menacent en 2021 directement le territoire européen. Qu’il s’agisse de mises en cause de délimitations territoriales en Méditerranée par la Turquie, de l’implantation russe en Syrie et en Libye, de flux migratoires en provenance du Sahel ou de Syrie, c’est la stabilité européenne qui est fragilisée. L’hyper sensibilité du sujet migratoire de même que les clivages politiques profonds qui se sont construits à partir de lectures contradictoires du conflit syrien impliquent que les crises en question ont une dimension beaucoup plus « intimes » pour l’Europe que ne l’ont eu l’Irak ou l’Afghanistan.

Ces crises sont largement le fruit de facteurs endogènes mais elles interagissent avec au moins trois dynamiques régionales et internationales : la fin du moment unipolaire américain, en partie liée aux excès et erreurs de la réponse américaine aux attaques du 11 septembre ; les soulèvements arabes de 2011 et leurs impacts régionaux ; la lenteur et la faiblesse de la réponse européenne à ces deux premières dynamiques. 

Cet article vise à croiser l’analyse de ces trois dynamiques, souvent considérées séparément dans le débat européen au sein d’îlots conceptuels différents, par exemple le champ de la politique européenne de voisinage souvent séparé de celui de la relation transatlantique. Un réexamen de ces différentes perspectives est d’autant plus important dans le nouveau cycle qu’ouvre le changement d’administration américaine. Joe Biden prend la tête d’une Amérique déstabilisée par la pandémie et encore sous le choc de l’attaque du Capitole le 6 janvier. L’establishment de la politique étrangère washingtonienne a par ailleurs unanimement pris acte du rejet des interventions militaires d’ampleur par la population américaine. Dans le même temps, de profondes recompositions régionales s’opèrent en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, d’une part en réponse à l’influence régionale iranienne et à la réaffirmation russe, d’autre part dans le contexte d’une rivalité stratégique entre la Turquie et les Émirats.

Ces évolutions dans l’interaction entre Moyen-Orient, États-Unis et Europe devraient susciter un sentiment d’urgence au sein de l’Union européenne et y amplifier les efforts pour mettre en cohérence outils nationaux et européens de politique étrangère.

Le triangle géopolitique États-Unis-Moyen-Orient-Europe

Histoire récente des géométries variables de l’engagement occidental au Moyen-Orient (1991-2021)

Si le Moyen-Orient s’inscrit dans les dynamiques de la Guerre Froide comme les autres régions du monde jusqu’à la fin des années 1980, il subit plus que les autres le poids du moment unipolaire américain qui suit la chute de l’Union soviétique. La combinaison de la permanence de conflits régionaux, comme le conflit israélo-palestinien ou l’invasion du Koweït, et de la profondeur des alliances tissées par Washington dans la région pendant la Guerre Froide (Arabie saoudite, Israël, Egypte, Turquie) fait du Moyen-Orient un point de fixation particulier de la politique étrangère américaine des années 1990, notamment avec la Première guerre du Golfe et les efforts de paix entre Israéliens et Palestiniens. L’engagement américain sera ensuite renforcé après les attaques du 11 septembre et le lancement d’une décennie de « War on Terror », notamment en Irak.

Dans ce contexte, les principales variables de l’équation sécuritaire européenne ont été les relations bilatérales de ses États membres, notamment ceux du Sud de l’Union, avec le monde arabe d’une part et l’évolution de la coopération transatlantique au Moyen-Orient d’autre part. Entre 1990 et 2011, la France, le Royaume-Uni, mais aussi l’Espagne et l’Italie ont maintenu leurs relations historiques dans la zone. En parallèle, la coopération transatlantique au Moyen-Orient était limitée par l’importance des alliances entre les États-Unis et leurs partenaires régionaux, par l’indiscutable hégémonie américaine et par les divergences européennes sur la région. Au cours de cette période, la coopération transatlantique au Moyen-Orient s’est principalement illustrée par les relations asymétriques de Washington avec certains États membres de l’Union européenne : les relations bilatérales au Conseil de Sécurité avec la France et le Royaume-Uni ; la création de coalitions militaires ad hoc comme lors des guerres du Golfe ; la mise en place de formes de multilatéralisme ad hoc (Quartet sur le conflit israélo-palestinien ou UE+E3 sur le nucléaire iranien) ; le recours limité à des formes institutionnelles de coopération avec l’OTAN ou l’Union européenne.

Ces évolutions dans l’interaction entre Moyen-Orient, États-Unis et Europe devraient susciter un sentiment d’urgence au sein de l’Union européenne et y amplifier les efforts pour mettre en cohérence outils nationaux et européens de politique étrangère.

CHARLES THÉPAUT

2011 est évidemment l’année des « printemps arabes ». Elle a marqué le début d’une série d’événements décisifs déclenchés par les soulèvements en Tunisie, Égypte, Libye, Bahreïn, Yémen et Syrie, qui ont remodelé la politique locale et régionale jusqu’à aujourd’hui. L’année 2011 a cependant aussi été déterminante pour la politique américaine au Moyen-Orient, marquant le retrait officiel des troupes américaines d’Irak, huit ans après le début de la campagne militaire dans cette région. Cette campagne a été considérée le symbole du « vertige de la puissance »1, à savoir l’intervention militaire excessive des États-Unis dans la région.

Quatre tendances peuvent être identifiées dans l’évolution de la relation entre les États-Unis et l’Europe dans le monde arabe après 2011, avec pour conséquence un affaiblissement de l’influence occidentale.

Tout d’abord, la relation asymétrique établie depuis la seconde guerre mondiale et accentuée dans le moment unipolaire s’est poursuivie. Elle a été marquée par différentes formes d’unilatéralisme américain : à la fois dans la négociation de l’accord sur le nucléaire iranien, mais également dans la gestion de l’héritage irakien, qui a créé à Washington une forme de « négligence » (benign neglect) pour d’autres dossiers, voire de réelles contradictions par aversion au risque, comme dans le cas des « lignes rouges » que Barack Obama avait fixées sur l’usage des armes chimiques en Syrie. La relation transatlantique a toutefois aussi été marquée par une relation particulière au risque de certains Européens. Hormis la France et le Royaume-Uni, peu de pays européens ont en effet été prêts à réagir de manière forte et rapide aux différentes crises qui ont frappé le voisinage européen, en l’absence d’engagement américain fort. Par ailleurs, peu d’incitations existaient à court terme au niveau de l’Union européenne pour que les pays européens fassent des compromis pour harmoniser leurs intérêts divergents dans la région, qu’il s’agisse de leurs relations commerciales ou militaires. En creux, cette situation révélait un accroissement des désaccords de fond entre Européens et entre Européens et Américains, comme ce fut le cas s’agissant de la priorité à donner à la crise syrienne. Ces multiples contradictions ont produit une coopération tactique limitée, comme sur le JCPOA après la sortie de l’accord par Donald Trump, même si le niveau de coopération opérationnelle en matière de lutte contre le terrorisme est resté très élevé sur toute la période.  

Alors que le Service européen d’action extérieure avait été créé en 2009 avec l’objectif de faire parler les Européens « d’une seule voix », l’Union et ses États-Membres ont souffert d’un manque de clarté global de leur contribution à la paix et la sécurité au Moyen-Orient après 2011, en dépit de leviers commerciaux ainsi que de multiples financements et opérations déployés. La contribution financière européenne a dans l’absolu été conséquente. L’Union a par exemple fourni près de 4 milliards d’euros d’aide en soutien à la transition tunisienne entre 2011 et 2016. L’Union et ses États membres ont fourni près de 20 milliards d’euros d’aide humanitaire aux Syriens depuis 2011, ou encore près de 400 millions d’euros d’aide à la stabilisation dans les anciennes zones de Daech au Nord-Est syrien (2017-2019). Ces montants n’ont toutefois pas été suffisamment traduits en capital politique européen, pour de bonnes raisons, comme la volonté de ne pas politiser l’aide humanitaire, comme de mauvaises raisons, telles les lourdeurs bureaucratiques qui limitent les possibilités d’ajuster ces financements aux évolutions du terrain. La contribution diplomatique a aussi été réelle sur plusieurs sujets. Au-delà des négociations nucléaires, dont l’architecture a été conçue par le groupe E3 avant que les États-Unis ne s’en saisissent, les Européens ont contribué à élaborer ou préserver certains paramètres diplomatiques, qui continuent de marquer plusieurs dossiers aussi peu consensuels entre les 27 que le conflit israélo-palestinien (ligne de la solution des deux États) ou la Syrie (le financement de la reconstruction est conditionné au progrès des négociations politiques) en dépit de nombreux obstacles (posture américaine de rupture sous Trump, action russe, désengagement des pays du Golfes du dossier syrien). L’Europe a par ailleurs su user de son pouvoir économique à travers ses régimes de sanctions. Si le principe des sanctions économiques et de leur efficacité est sujet à débat et que leur usage a pu parfois être trop systématique pour conserver toute sa crédibilité, la véhémence avec laquelle plusieurs concurrents critiquent l’Union européenne pour ses sanctions atteste qu’elles constituent un outil puissant.

Les facteurs endogènes des crises en Afrique du Nord et au Moyen-Orient depuis 2011 : autoritarisme, crises structurelles, fragmentation politique et rôle des milices

L’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003 a eu un effet catastrophique sur la stabilité régionale et les contradictions de l’action occidentale depuis 2011 ont aussi influencé l’environnement stratégique du Moyen-Orient. La région a cependant été transformée par des phénomènes endogènes dont l’influence est trop souvent mise de côté ou sous-estimée par les débats européens et américains.

Les « printemps arabes » ont été causés par l’épuisement de modèles autoritaires, ainsi que par l’exposition de la région aux chocs macroéconomiques européens issus de la crise économiques de 2008-2009. Les soulèvements n’ont néanmoins pas réussi à produire d’alternatives suffisamment fortes à ces régimes, ni de réelles réponses macroéconomiques. Les soulèvements ont au contraire été marqués par une fragmentation politique accrue, la survie des pratiques autoritaires et l’effondrement des structures étatiques dans plusieurs pays. In fine, ces phénomènes ont fini par entraver la capacité de ces sociétés à faire face aux défis sociaux, économiques et environnementaux qui avaient entraîné les soulèvements. Cette instabilité a également affecté la possibilité pour des acteurs extérieurs de trouver des partenaires institutionnels locaux solides.

Les conflits régionaux en Irak, en Syrie, en Libye et au Yémen en particulier ont été aggravés par le rôle croissant qu’ont joué les forces paramilitaires, qu’il s’agisse des Houthis au Yémen, des milices révolutionnaires libyennes, ou des milices pro-iraniennes en Irak et en Syrie. L’ampleur de ce phénomène n’est pas toujours bien mesurée vu d’Europe, notamment compte tenu des difficultés à la documenter. À titre d’exemple, le nombre de combattants pro-iraniens envoyés en Syrie a atteint au pic des affrontements en 2016 près de 60 000 mercenaires irakiens, pakistanais, libanais ou encore afghans. Il s’agit, avec l’invasion de l’Irak par les États-Unis, de la plus importante invasion étrangère dans un pays arabe depuis les années 1960. Au-delà du cas particulier syrien, les acteurs non-étatiques ont dans chacun des pays concernés vu leur pouvoir croître. Leur action conduit à remettre en question les structures étatiques, même lorsqu’ils sont censés protéger l’État, comme en Irak. Ceci contribue à la poursuite des crises et limite les possibilités d’un engagement traditionnel occidental d’État à État.

La pandémie a également accéléré de nombreuses crises structurelles qui affectaient déjà la région. La récession économique généralisée, précipitée par la crise, a aggravé le niveau de chômage des jeunes, affaibli les systèmes de santé publique, participé à la chute des prix du pétrole et exacerbé la concurrence pour les ressources nationales. Malgré la résilience de ces sociétés et l’introduction de mesures de santé publique conformes aux standards mondiaux dans de nombreux pays, la fragilité politique a affaibli les réponses des gouvernements à la pandémie, contraignant la mise en œuvre d’ambitieux programmes d’aide internationale. Les programmes du FMI et de la Banque mondiale, ainsi que les plans de relance nationaux, n’ont apporté qu’une aide temporaire. Ces défis prouvent que la région doit explorer de nouveaux moteurs de croissance et de stabilité, compte tenu notamment de la probabilité d’une diminution de l’aide au développement au cours des prochaines années.

Les conflits régionaux en Irak, en Syrie, en Libye et au Yémen en particulier ont été aggravés par le rôle croissant qu’ont joué les forces paramilitaires, qu’il s’agisse des Houthis au Yémen, des milices révolutionnaires libyennes, ou des milices pro-iraniennes en Irak et en Syrie. L’ampleur de ce phénomène n’est pas toujours bien mesurée vu d’Europe, notamment compte tenu des difficultés à la documenter.

CHARLES THÉPAUT

Une nouvelle géopolitique régionale et internationale plus instable

Si la Chine semble surout attentive à préserver ses intérêts commerciaux dans le cadre de sa stratégie de la route de la soie (Belt Road Initiative), d’autres acteurs, qu’ils soient ou non alliés des États-Unis, ont mené des politiques étrangères de plus en plus autonomes, comblant le vide partiel laissé par Washington, souvent avec des stratégies à somme nulle. Ainsi, la Russie, la Turquie, l’Iran, Israël, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar se livrent à un jeu d’influence complexe et mouvant, sans qu’aucun acteur ne puisse réellement monopoliser le pouvoir régional, tandis que les relations entre ces acteurs régionaux et leurs alliés locaux tendent à aggraver la fragmentation.

Peu d’acteurs internationaux sont prêts à assumer les coûts de l’exercice d’une influence décisive dans la région. En conséquence, les crises et leur résolution sont largement tributaires des accords locaux et régionaux. Ces derniers sont principalement déterminés par deux lignes de fracture : d’une part, l’opposition entre l’Iran et l’Arabie saoudite ; d’autre part, la rivalité entre les Émirats et la Turquie. Si l’idée de conflit « sunnite-chiite » provient d’abord d’une approximation historique et religieuse, la notion traduit avant tout un engrenage stratégique entre Téhéran et Riyad enclenché en 1979. La révolution islamique a en effet renversé le Shah d’Iran pro-américain pour installer un régime anti-américain. Dans ce contexte, la course aux armements, notamment nucléaires, et le soutien de tel ou tel acteur local, s’intègre dans une dynamique de nuisance / dissuasion qui n’a pas grand-chose à voir avec la théologie. L’opposition entre Abou Dhabi et Ankara est plus récente et issue de réactions antagonistes aux soulèvements de 2011, l’une antirévolutionnaire, l’autre prorévolutionnaire. À la faveur de la fragmentation ou des conflits qui ont frappé les pays après les soulèvements arabes, la Turquie et les Émirats ont gagné en influence politique et militaire auprès d’acteurs opposés les uns aux autres dans chaque pays, notamment en Égypte et en Libye.

Depuis 2016, la Turquie articule sa politique de soutien aux forces révolutionnaires islamistes avec une autre dimension, à savoir un tandem avec la Russie pour pousser une logique révisionniste. Cette évolution turque commence après le coup d’État avorté contre R.T. Erdogan en 2016. Le président turc s’est détourné de la perspective européenne de la Turquie et, en formant une alliance parlementaire avec les ultranationalistes, a mis un terme à la politique d’ouverture vis-à-vis des Kurdes, ainsi qu’au processus de paix engagé avec le PKK. Alors que la Turquie avait été l’un des principaux soutiens de l’opposition syrienne après 2011, Ankara a progressivement recalibré son soutien pour soutenir certains  groupes syriens et les utiliser comme des proxys de la politique étrangère turque. C’est notamment le cas avec la constitution d’une zone tampon au Nord de la Syrie. La Turquie a aussi capitalisé sur l’envoi de milices islamistes en Libye à partir de 2020, afin de signer un accord avec le gouvernement d’entente nationale libyen sur les délimitations maritimes en Méditerranée.

Le tandem avec Moscou a été motivé par le rôle singulier joué par la Russie parmi les acteurs « régionaux » au Moyen-Orient depuis le début du conflit syrien. La réaffirmation russe en Syrie et en Libye se nourrit d’une tradition géopolitique bien établie de recherche d’accès vers les « mers chaudes ». Cette quête se poursuit toutefois depuis plusieurs années avec les habits neufs de la guerre « hybride », c’est-à-dire une combinaison de moyens conventionnels (coopération militaire classique avec Damas pour fermer l’espace aérien de l’Ouest de la Syrie, extension de la base navale de Tartous, usage de la police militaire pour geler les fronts de la guerre civile syrienne, recours aux forces spéciales…) et non-conventionnels (opérations « non-attribuables » aux mercenaires Wagner en Libye comme en Syrie ; actions de désinformation ; attaques cyber). Les moyens militaires russes sont plus globalement mis au service d’une stratégie diplomatique de triangulation (la capacité à se positionner comme intermédiaire entre de multiples parties opposées les unes aux autres) dont l’objectif a été de rehausser le statut international de la Russie, au Moyen-Orient en particulier, mais surtout vis-à-vis des États-Unis en général.

Le tandem russo-turc a, à partir de 2016, développé une dynamique bien huilée consistant à instrumentaliser des proxys sur le terrain pour faire monter les tensions et ainsi pouvoir ensuite se poser comme garant de différentes trêves. En Syrie comme en Libye, mais aussi au Nagorno-Karabakh, la combinaison d’une présence militaire forte sur le terrain et de manœuvres de blocage ou de gestion en duopole des négociations diplomatiques renforce Vladimir Poutine comme R. T. Erdogan, en dépit des épisodes de tensions entre les deux pays. Pour Moscou comme pour Ankara, les leviers obtenus dans ces crises nord-africaines ou moyen-orientales peuvent directement être utilisés dans les tractations avec les pays européens, par exemple sur la question migratoire ou sur les délimitations maritimes en Méditerranée orientale.

En dépit des multiples ambitions régionales qui s’expriment de manière plus visible, les États-Unis ne semblent toutefois pas remplaçables. Aucun acteur n’a les moyens (ni l’ambition) de se substituer à Washington en tant que garant d’une architecture de sécurité régionale, comme l’Amérique a pu le faire en 1973 et 2011. L’autonomisation des politiques étrangères des acteurs régionaux génère surtout une segmentation du jeu moyen-oriental. Les États-Unis ont dans ce contexte tendance à se concentrer sur des « morceaux » de politique régionale (par exemple le nucléaire iranien, l’intervention russe en Libye) mais n’ont plus, comme au temps de la guerre froide et du moment unipolaire, d’ambition idéologique ou holistique. Washington ne disparaît évidemment pas et reste un acteur unique, mais qui redéfinit sa liste de priorités, sans réellement s’engager (ou du moins pas avec le même caractère décisif que par le passé) hors de ce champ désormais beaucoup plus restreint. Rejetant les visions messianiques et les grands plans comme celui développé par les néo-conservateurs proches de George W. Bush pour « un grand Moyen-Orient », les administrations américaines suivantes ont traité les crises régionales syriennes ou libyennes en silos relativement indépendants, avec différents degrés d’implication en fonction de la priorité accordée comme en témoigne le traitement séparé de la question nucléaire et la guerre en Syrie, alors que les deux sujets sont intimement liés à la politique régionale de Téhéran. Cette fragmentation de l’analyse américaine ne devrait pas être remise en cause par l’administration de Joe Biden, notamment car celui-ci va poursuivre, à sa manière et avec son style, la logique de diminution de l’engagement américain au Moyen-Orient entamée par Barack Obama et poursuivie avec une méthode très différente par Donald Trump.

Peu d’acteurs internationaux sont prêts à assumer les coûts de l’exercice d’une influence décisive dans la région. En conséquence, les crises et leur résolution sont largement tributaires des accords locaux et régionaux. L’autonomisation des politiques étrangères des acteurs régionaux génère surtout une segmentation du jeu moyen-oriental.

CHARLES THÉPAUT

Pour un sursaut européen à l’ère Biden : le fond, la forme et les formats

Prise de conscience et divisions européennes

Si Washington reste le point d’ancrage de la plupart des réflexions européennes sur la sécurité en général, et dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord plus particulièrement, la détérioration des relations transatlantiques et les multiples crises à la périphérie de l’Europe ont accompagné un lent changement de mentalité géopolitique d’une partie des Européens. D’une part, l’accent mis sur la nécessité d’une « autonomie stratégique »2, d’une « souveraineté européenne » et d’un « réapprentissage du langage du pouvoir » démontre une convergence conceptuelle croissante entre la France, l’Allemagne et les institutions européennes, sur la nécessité d’une politique étrangère européenne plus forte. Cependant, les différents positionnements géopolitiques des autres États membres limitent cette convergence : priorité de l’espace russe (Pologne, pays baltes), neutralité historique (Autriche, Irlande), priorité accordée à l’OTAN (notamment le Danemark3), réticence aux interventions militaires pour des raisons économiques (Italie, Portugal4).

Un nombre croissant d’acteurs partage néanmoins le constat que le statu quo n’est pas viable. Ainsi, l’Espagne s’est montrée de plus en plus favorable au développement de la défense européenne, tout comme l’Estonie et la Finlande5. La Suède a changé de stratégie en cherchant à influencer la définition de la défense européenne et non plus en s’y opposant6. L’Italie a commencé à s’investir dans des projets européens qui pourraient permettre des actions plus fortes dans le voisinage Sud de l’Europe, comme la Coopération structurée permanente7, le Fonds européen de défense et l’Initiative européenne d’intervention, initiée par la France8, qui dispose d’un groupe de travail sur la sécurité méditerranéenne9. Enfin, le fait que la ministre allemande de la Défense ait proposé la création d’une zone de sécurité dans le nord de la Syrie en 2020, suscitant les critiques de son collègue, le ministre des Affaires étrangères, témoigne à la fois de la complexité de la question militaire à Berlin et de l’évolution du débat national allemand sur le sujet10.

La pensée stratégique européenne reste morcelée, de même que ses instruments. Les débats sur la politique étrangère européenne ont à ce titre souvent tendance à surinvestir l’échelon bruxellois alors que la plupart des instruments militaires et de sécurité restent très largement nationaux en dépit de progrès récents dans l’Europe de la Défense. En ce sens, opposer niveau européen et national a peu de sens et il convient probablement d’explorer, en fonction des sujets, les possibilités d’articuler plus intelligemment les moyens nationaux et européens, dans le cadre d’une répartition des tâches plus assumée.

Assumer des avant-gardes diplomatiques pour réagir aux crises politiques et militaires

Au sein de l’Union européenne, la méthode compte souvent autant que la substance. L’idée d’une meilleure division européenne du travail s’insère donc dans un débat plus large sur les règles et les formats de l’élaboration de la politique étrangère de l’Union. En théorie, la politique étrangère de l’Union est toujours débattue sur une base consensuelle, mais en pratique, elle est menée par de multiples forums qui se chevauchent. De nombreux cadres, tels que le « quint » (France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni, États-Unis), le « quad » (France, Allemagne, Royaume-Uni, États-Unis), l’UE-3 (France, Allemagne, Royaume-Uni), les pays scandinaves, le groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) et d’autres formats ad hoc sont déjà en place.

L’absence d’un outil de gestion diplomatique des crises internationales est une lacune considérable dans la construction d’une politique étrangère européenne.

CHARLES THÉPAUT

Néanmoins, l’absence d’un outil de gestion diplomatique des crises internationales est une lacune considérable dans la construction d’une politique étrangère européenne. Certes, il existe des mécanismes de réponses aux crises humanitaires, ainsi que des mécanismes qui permettent de mettre rapidement en commun des ressources dès qu’une position politique européenne se développe ou de discuter de manière préventive de scénarios militaires11. Il n’existe cependant pas réellement de mécanisme permettant de lancer une action diplomatique rapide, en particulier lors d’une crise de politique étrangère ayant une composante sécuritaire. L’Initiative européenne d’intervention lancée par la France en 2018 a l’ambition de combler ce manque sur le plan militaire mais elle a essuyé les réticences d’autres États membres. Une division « naturelle » du travail basée sur l’histoire, la géographie et les capacités d’un État membre donné n’est jamais à l’ordre du jour au niveau de l’Union. Par conséquent, le débat sur la politique étrangère de l’Union européenne est étouffé par la confrontation entre ceux qui soutiennent que les pays agissant à titre national nuisent à l’unité européenne et ceux qui ne voient aucune alternative efficace à l’action unilatérale en raison de l’inertie du processus communautaire. C’est pourquoi un nombre croissant d’experts estime que « des coalitions plus petites et plus souples devraient désormais constituer des vecteurs politiques importants »12. Entre autres avantages, ces coalitions pourraient faciliter des réactions initiales rapides et plus efficaces avant que tous les acteurs européens ne soient réunis13.

Le défi consiste donc à généraliser et assumer le recours à des formations à géométrie variable sur la base de l’intérêt et des capacités des États membres à agir.

Une logique de « groupes de contact européens » pourrait être élaborée pour que, via la coordination du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et du Haut représentant, certains États membres de l’Union européenne puissent fonctionner comme avant-garde d’un processus européen plus complet, ce qui permettrait des consultations mais aussi des premières décisions plus rapides à propos d’actions conjointes ou coordonnées pour réagir à une crise. Les critères de certains formats, tels que la coopération structurée permanente européenne – créée pour permettre aux États membres « volontaires et capables » de travailler sur des projets de défense communs – pourraient être utilisés à nouveau dans le domaine de la diplomatie de crise.

Certains de ces groupes existent déjà et ont fait preuve de leur efficacité, à l’instar du groupe UE+3 (Union européenne, Royaume-Uni, France, Allemagne), qui a joué un rôle de premier plan au cours des négociations qui ont mené à l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA), ainsi que dans la préservation de l’accord suite au retrait de l’administration Trump. Plus récemment, un groupe de contact rassemblant l’Union européenne, l’Allemagne, la France et l’Italie a permis une action européenne plus forte dans la crise libyenne, notamment pour appuyer les Nations unies dans l’obtention d’un accord inter-libyen sur un nouvel exécutif en février 2021.

De manière générale, le principe des groupes de contact pour réagir aux crises peut également améliorer l’efficacité à moyen terme de la contribution européenne à la résolution de plusieurs crises moyen-orientales. Dans le détroit d’Ormuz, la mobilisation des États membres contribuant à l’opération EMASOH pourrait être complétée par d’autres actions européennes, par exemple la fourniture de capacités navales complémentaires ou de soutiens politiques. En Irak, les contributions de plusieurs États membres, à l’image du Danemark, qui a annoncé l’envoi de 285 soldats pour prendre en charge la mission de formation assurée par l’OTAN, pourraient susciter des contributions d’autres pays volontaires pour contribuer à l’appui au gouvernement irakien et à la désescalade entre les milices pro-iraniennes et les États-Unis14. En Syrie, le « Small Group » formé en 2016 par les États-Unis, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Arabie saoudite et la Jordanie pourrait être relancé, et potentiellement lié au format Astana, qui a été créé entre la Russie, la Turquie et l’Iran en janvier 2017 dans la capitale kazakhe. Le groupe des bailleurs européens les plus importants pourrait travailler avec l’administration Biden pour exercer une pression commune sur le secrétaire général des Nations unies pour traiter les questions de gouvernance et de détournement de l’aide dans les agences des Nations unies basées à Damas, dans le but de renforcer l’aide humanitaire. Les États-Unis et l’Union européenne pourraient également augmenter conjointement le financement des activités de stabilisation dans le nord-est de la Syrie. En ce qui concerne le Yémen, un effort de médiation franco-allemand pourrait soutenir la politique américaine visant à créer une dynamique régionale plus saine dans le Golfe.

Vers un Conseil de sécurité européen

En fonction de la dynamique des États membres, des groupes de contact pourraient être créés ad hoc – coordonnés par le SEAE – ou mis en place selon des modalités plus formelles. On pourrait imaginer la création d’un Conseil européen de sécurité (CES), concept mentionné par la Chancelière Angela Merkel et le Président Emmanuel Macron. Le CES serait une version réduite du Comité politique et de sécurité de l’Union et pourrait se réunir dans des délais très courts pour réagir aux crises internationales, en permettant des réactions allant au-delà des déclarations.

Un tel Conseil européen de sécurité pourrait également être l’artisan de coopérations multilatérales afin de réunir les acteurs disposant des moyens nécessaires pour contribuer à la reconstruction économique des pays en développement, dont le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord seraient les principaux bénéficiaires. Cela refléterait également un éventuel renouvellement du débat entre les États-Unis et l’Europe, axé sur l’investissement dans le « soft power » et le développement économique. La lassitude des États-Unis face à l’action militaire et la priorité de l’Union européenne de réguler les migrations dans son environnement immédiat devraient amener les partenaires transatlantiques à réévaluer leurs outils d’aide humanitaire, de stabilisation et de soutien socio-économique. Un consensus transatlantique renouvelé et une feuille de route sur ces questions auraient un effet de levier puissant sur les ONG et les institutions internationales financées par les deux parties. Cette dynamique pourrait être encore plus essentielle dans un contexte de crise institutionnelle ou d’effondrement de structures étatiques. Dans un tel scénario, l’Europe et les États-Unis seraient tous deux aux prises avec un manque de « partenaires diplomatiques traditionnels » pour soutenir la coopération intergouvernementale classique.

Conclusion

Les crises aux portes de l’Europe sont en définitive le produit de trois  polarisations (interne ; régionale ; internationale), en constante interaction. Certains acteurs, comme la Russie et la Chine sont membres du Conseil de Sécurité des Nations unies, et donc à ce titre participent à des degrés divers au blocage de l’acteur onusien, comme en Syrie. D’autres, comme Ankara, Téhéran ou Tel Aviv ont une vision stratégique de leurs intérêts, qui ne contribue pas nécessairement au traitement politique des crises de la région. Si les capacités de projection du Qatar, des Émirats et de l’Arabie saoudite ne sont pas comparables (clair avantage comparatif d’Abou Dhabi), leur insertion respective dans des réseaux d’alliance ou partenariaux, dont certains se recoupent (avec les États-Unis ainsi qu’avec nombre de pays de l’Union européenne) leur permet de développer une diplomatie plus affirmée, dans un contexte marqué par l’absence d’un consensus onusien minimal ainsi qu’une divergence de vues entre les deux « pôles » occidentaux (sous Donald Trump, en attendant de voir ce qu’il en sera sous l’administration Biden).

L’un des paradoxes de la politique étrangère européenne est que le renforcement de son action au Moyen-Orient et en Afrique du Nord passe par Washington. Ce constat peut paraître contre-intuitif, surtout dans une tradition et une doctrine françaises fondées sur l’autonomie opérationnelle, la souveraineté nationale et un projet européen éminemment politique. Il reflète néanmoins les choix démocratiques et stratégiques effectués il y a plusieurs décennies par les autres États membres, notamment en matière de dépendance volontaire vis-à-vis des États-Unis. Dès lors, une intervention décisive de l’Union et des « grands » Européens dans les crises de la région n’est tout simplement pas envisageable sans prendre en compte la position américaine. Il ne s’agit pas d’un alignement sur une ligne américaine, mais de la recherche en commun de règlements politiques de crises qui affectent directement et prioritairement l’Europe.

L’un des paradoxes de la politique étrangère européenne est que le renforcement de son action au Moyen-Orient et en Afrique du Nord passe par Washington. Ce constat peut paraître contre-intuitif, surtout dans une tradition et une doctrine françaises fondées sur l’autonomie opérationnelle, la souveraineté nationale et un projet européen éminemment politique. Il reflète néanmoins les choix démocratiques et stratégiques effectués il y a plusieurs décennies par les autres États membres, notamment en matière de dépendance volontaire vis-à-vis des États-Unis.

Charles THépaut

Un autre paradoxe pour les Européens est que la stratégie russe au Moyen-Orient prend la forme d’un « débordement » russe du flanc est vers le flanc sud de l’Union. Alors que certains États membres sont réticents à soutenir un engagement plus fort de l’Union au Moyen-Orient par volonté de concentrer leurs efforts sur les menaces russes, Moscou est désormais en mesure de peser sur les deux flancs, en encourageant par exemple la Turquie à jouer la carte migratoire en Syrie ou en Libye. Alors que l’affaire Navalny et l’accueil hostile réservé par Moscou à Joseph Borrell en février 2021 ont rouvert de manière aiguë la question des relations euro-russes, le Moyen-Orient ne peut plus être exclu de cette équation dans le raisonnement européen. Cela ne signifie pas que les intérêts des différentes États membres vis-à-vis de la Russie peuvent être directement « transférés » du flanc est au flanc sud ou l’inverse. L’enjeu est plutôt de pouvoir croiser les priorités et les leviers des pays européens vis-à-vis de la Russie et de les articuler de manière cohérente.

Ces défis à la fois conceptuels et opérationnels rappellent tout le chemin que l’Union doit parcourir pour établir son autonomie stratégique, et toute l’urgence qu’il y a à accélérer les dynamiques internes en cours. Cette situation traduit aussi la réalité des perceptions au Moyen-Orient. Les acteurs régionaux ajustent leurs calculs stratégiques respectifs en fonction de ce qu’ils perçoivent de la politique américaine. L’action de l’Union européenne leur paraît à l’heure actuelle d’importance négligeable, car ils estiment qu’elle n’est pas en mesure de réagir assez vite à leurs manœuvres unilatérales. L’autonomie stratégique est dans ce contexte d’autant plus difficile à bâtir que de nombreux pays européens continuent à revendiquer leur dépendance stratégique vis-à-vis des États-Unis. Souvent, ces États membres préfèrent accepter les décisions américaines vis-à-vis du voisinage européen plutôt que de s’engager dans des dialogues compliqués avec les autres pays européens.

Pour « penser à l’échelle pertinente », l’enjeu n’est pas d’accuser un modèle national ou un autre d’être meilleur ou moins bon que l’autre. Il s’agit d’identifier les espaces de construction commune de l’identité géopolitique de l’Union dans un environnement stratégique plus conflictuel marqué par des crises qui menacent profondément l’Europe. Le réexamen des postures stratégiques européennes est d’autant plus utile qu’il peut aussi permettre de poser des conditions et paramètres plus clairs vis-à-vis des États-Unis. La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord illustre en effet aussi la difficulté des États-Unis à partager le processus décisionnel avec leurs partenaires européens, alors que les Européens sont réticents à en partager les charges. Compte tenu des changements qui se dessinent dans la région, ainsi qu’aux États-Unis et en Europe, le dialogue transatlantique ne doit ainsi plus être considéré comme un exercice poli qui favorise l’acquiescement symbolique des Européens aux politiques de Washington. Il devrait plutôt servir de base à un réexamen conjoint des objectifs et moyens à engager dans la région.

Ce faisant, l’Europe et les États-Unis peuvent apporter une contribution, plus humble mais néanmoins nécessaire, au renforcement de la sécurité, du développement humain et de l’auto-détermination dans la région. Car la relation entre l’Europe et le monde arabe ne se limite en effet pas aux situations de crises, même si celles-ci nécessitent une attention particulière en raison de leurs impacts. Une meilleure gestion des crises est ainsi l’une des conditions à un traitement plus pacifié et équilibré des multiples liens qui nous unissent à notre voisinage.

Sources
  1. Droz-Vincent Philippe, Le vertige de la puissance, le moment américain au Moyen-Orient, La Découverte, 2007
  2. « Initiative pour l’Europe », discours par le président français Emmanuel Macron, prononcé le 26 septembre 2017 à la Sorbonne.
  3. Entretien de l’auteur avec un officiel danois, août 2020.
  4. Entretien de l’auteur avec Nathalie Tocci, directrice de l’Istituto Affari Internazionali et professeure honoraire à l’Université de Tübingen, Juillet 2020.
  5. Entretien de l’auteur avec un ancien officiel européen, Septembre 2020.
  6. Entretien de l’auteur avec Erik Brattberg, directeur du programme Europe au Carnegie Endowment for International Peace, août 2020.
  7. Cadre conçu pour un petit nombre d’États membres qui permet aux États qui le souhaitent et en sont capables de s’engager dans des projets militaires communs.
  8. Mécanisme qui permet d’accroître la coordination des armées européennes pour d’éventuelles réponses militaires rapides à des crises.
  9. Alessandro Marrone, Security Policy in the Southern Neighbourhood, Rome, Friedrich Ebert Stiftung, 2020.
  10. Agence France-Presse, “German Coalition Government Divided over Call for International Syria Border Mission”.
  11. Olivier-Rémy Bel, “Can Macron’s European Intervention Initiative Make the Europeans Battle-Ready ?War on the Rocks, 02 octobre 2019.
  12. Strengthening European Autonomy Across MENA,” Mapping European Leverage in the MENA Region, European Council on Foreign Relations, Novembre 2019.
  13. Judy Asks : Would Coalitions of the Willing Strengthen EU Foreign Policy ?Carnegie Europe, Septembre 2020
  14. https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/enough-theory-european-strategic-autonomy-needs-practice-middle-east