Le confinement auquel la pandémie de coronavirus astreint a conduit beaucoup à tirer les leçons géostratégiques de cet événement unique par son ampleur en termes d’espace et de durée au sein du monde globalisé. Certains l’ont fait accompagnés de l’antique sagesse de la prudence (φρόνησις) – qui doit s’appliquer aux affaires pratiques – et ont refusé de tirer dès à présent des perspectives globales1, alors que d’autres ont enchaîné, fût-ce de manière brillante2, quelques truismes sans doute utiles pour l’opinion publique, mais guère explicatifs quant à la suite des temps.

Cela a été dit aussi : il est urgent de faire sienne la réflexion prêtée à Zhou Enlai selon laquelle deux cents ans après, il était trop tôt pour tirer les conclusions de l’impact de la Révolution française. Nous n’en avons pas terminé non plus avec le virus lui-même, et ses propres développements au cours de cette année, voire des années qui viennent, sont encore inconnus. Comme le dit joliment François Heisbourg : « Pour l’instant, le seul stratège c’est le virus »3. Le temps même de la crise n’est pas neutre quant à ses conséquences. Suspendre son jugement – leçon traditionnelle aussi que résumait le mot ἐποχή – est indispensable si l’on entend éviter soit les propos sans réelle portée, soit les prévisions destinées au démenti.

Suspendre son jugement – leçon traditionnelle aussi que résumait le mot ἐποχή – est indispensable si l’on entend éviter soit les propos sans réelle portée, soit les prévisions destinées au démenti.

Nicolas Tenzer

S’engager dans une telle réflexion pose des questions de méthode intrinsèquement liée au propos que l’on a choisi. S’agit-il de dresser un constat des évolutions d’ores et déjà perceptibles ? Souhaitons-nous dégager des tendances de moyen et long terme qui seraient autant de « ruptures » ? Notre ambition est-elle de nous concentrer sur les risques ? Envisageons-nous de prédire certaines facettes du monde qui se dessine ? Voulons-nous d’abord suggérer des pistes d’action pour les gouvernements ? Outre que mélanger les ordres et les plans n’est pas très rigoureux, les confondre ne permet ni d’approcher une possible vérité ni d’instruire les responsables chargés de la décision.

L’emphase, l’incantation et le vide

L’effet d’emphase, qui cache l’imprécision de l’analyse, nourrira encore longtemps les manchettes des journaux et les rayons des librairies, mais qu’apportera-t-il au savoir ? Quel guide pour l’action sera-t-il pour les dirigeants ? Parler de la fin d’une époque, du bouleversement des paradigmes ou de l’entrée dans un nouveau monde n’a jamais révélé une faculté de penser. Appeler à une meilleure gouvernance globale4 et à plus de solidarité entre les nations et les groupes humains y ajoute sans doute un soupçon d’indécence quand cela conduit à ignorer les forces qui s’emploient à contrarier cet objectif.

Peut-on pour autant ne rien dire ? Assurément, non. Réfléchir, sur le plan méthodologique, à ce qui peut être énoncé et, plus en amont encore, au statut de chaque discours en ce sens, est en ces temps l’exercice le plus indispensable qui soit. Cela oblige à détecter les biais qui peuvent affecter, parfois malgré nous, notre propre pensée. Cet exercice impose aussi de réfléchir aux catégories que nous utilisons tant pour conduire nos analyses géostratégiques que pour tenter d’opérer un exercice dit de prospective. Ce travail est différent – faut-il le préciser – de celui qui consiste à tirer les leçons mêmes de l’événement et de la façon dont les différents pays et institutions l’ont géré, y compris en ne tirant pas les enseignements de crises précédentes ou des avertissements des prospectivistes5. Ces défauts illustrent indirectement nos propres failles moins dans l’analyse prospective que dans la manière dont les gouvernants l’utilisent et peuvent, de ce fait, accroître leur vulnérabilité.

Réfléchir, sur le plan méthodologique, à ce qui peut être énoncé et, plus en amont encore, au statut de chaque discours en ce sens, est en ces temps l’exercice le plus indispensable qui soit. Cela oblige à détecter les biais qui peuvent affecter, parfois malgré nous, notre propre pensée.

Nicolas Tenzer

Savoir et action : la tentation du déterminisme

L’une des failles classiques des exercices de prévision consiste à considérer les événements futurs comme déterminés et contraints plutôt que comme le résultat des actions humaines. On a vu ainsi, à l’occasion de la pandémie du coronavirus, certains analystes considérer qu’elle ne pouvait que renforcer le poids, y compris idéologique, des régimes dictatoriaux et des tendances illibérales au sein des démocraties6. De fait, la pandémie est l’occasion pour les pouvoirs autoritaires de renforcer leur emprise7. D’autres ont plutôt l’espoir que cette crise contribue à la chute des gouvernements autoritaires8. D’autres encore ont discerné comme possibles résultats de cette crise le durcissement des frontières et le renforcement des nationalismes9. Enfin, il a été annoncé10 – surtout par ceux qui le considéraient avec espérance11 – que cet événement sans précédent par son ampleur à l’ère contemporaine et en temps de paix relative allait marquer un coup d’arrêt à la mondialisation des échanges et inaugurer une ère de dé-globalisation12. Au-delà des réévaluations nécessaires, qui au demeurant avaient commencé dès avant la pandémie du côté même des entreprises13, et des effets immédiats, on sera certainement loin de voir un tel scénario se réaliser14. Une fois éclusés les effets du choc, les ajustements dans la globalisation pourraient voir aussi se dessiner un système plus équilibré et peut-être plus robuste15.

Attention à l’opinion !

Sur le plan interne – lequel a un impact étroit sur le poids des forces qui influent sur notre environnement géostratégique –, les analystes ont tantôt pointé, pour résumer, une tendance au renfermement, à l’agressivité envers autrui, à la défiance envers les gouvernants et à une forte crédulité envers les paroles les plus extravagantes, tantôt souligné la générosité, l’inventivité, la résilience et le courage. L’évidence est au demeurant que les deux types d’attitude coexistent avec des différences significatives selon les sociétés, les groupes sociaux, voire les affiliations politiques, sans d’ailleurs, sur ce plan, que la division entre la droite et la gauche soit ici pertinente. Bien sûr, la plupart des analyses, à juste titre, ont remarqué que cette crise ne pouvait qu’exacerber les divisions économiques et sociales tant à l’intérieur des sociétés qu’entre les régions du monde, et que les réduire allait être un défi urgent pour la majorité des États.

C’est un truisme de dire que tous ces mouvements seront ce que les gouvernements, essentiellement libéraux et démocratiques, en feront. Cela sera leur choix éminent de décider et de choisir les bons mots et arguments pour justifier leur action. Cela sera aussi leur décision de prendre toute la mesure des risques posés par les régimes autoritaires, sinon parfois criminels, et d’avoir la volonté de s’affronter si besoin à eux. Les récits selon lesquels la Chine et la Russie, principalement, et d’autres régimes dictatoriaux sortiraient renforcés de cette crise16, outre qu’ils sont dénués de toute base factuelle – la propagande outrancière de ces régimes17 peut aussi se retourner contre eux et il convient naturellement, si l’on peut dire, de les y aider –, seraient extrêmement dangereux si les dirigeants occidentaux y prêtaient un semblant de foi. Ils pourraient devenir des prophéties auto-réalisatrices, tout en libérant à bon prix les dirigeants de penser selon les catégories propres de l’action.

Les récits selon lesquels la Chine et la Russie, principalement, et d’autres régimes dictatoriaux sortiraient renforcés de cette crise, outre qu’ils sont dénués de toute base factuelle – la propagande outrancière de ces régimes peut aussi se retourner contre eux et il convient naturellement, si l’on peut dire, de les y aider –, seraient extrêmement dangereux si les dirigeants occidentaux y prêtaient un semblant de foi.

Nicolas Tenzer

On retrouve le même type de schéma mental chez ceux qui confondent certaines données d’opinion relatives à l’éloge de la frontière, à la limitation des déplacements et à la renationalisation des échanges commerciaux. Celles-ci sont le résultat d’une peur, mais aussi le produit de ce que certains analystes, plus ou moins bien intentionnés, suggèrent. Toutefois, ces données, présentées comme durables, ne tiennent pas compte de la manière dont les dirigeants peuvent aussi contribuer à forger les opinions publiques dont ils n’ont pas à épouser les fluctuations, lesquelles sont au demeurant tout sauf « naturelles ». Au demeurant aussi, les changements d’opinion repérés au plus fort de la crise peuvent se retourner une fois celle-ci finie. Certains événements, même traumatiques (ce qui n’est pas le cas pour tous), peuvent être aussi expulsés de la mémoire. Surtout, ce qu’on appelle l’opinion ne surgit pas de nulle part, mais d’esprits eux-mêmes nourris par des « informations », elles-mêmes partielles, incomplètes, lacunaires et sans neutralité.

Ne pas faire comme si la décision n’existait pas

Ce qui vient d’être écrit peut paraître banal, mais ces analyses de bon sens restent pourtant brumeuses dans l’esprit des analystes, sinon de certains gouvernants. Il conduit à deux remarques.

La première est que, par essence, les effets à moyen terme de la crise du coronavirus ne sont pas déterminés, non pas parce que nous ne disposons pas des instruments pour saisir le futur, mais parce que nous ne pouvons pas savoir comment les dirigeants – mais aussi les individus singuliers, les groupes sociaux et les acteurs économiques – vont réagir et agir, et encore moins interagir. Le déterminisme est une catégorie erronée de l’analyse historique et politique – ce que nous devons répéter après Raymond Aron18 et tant d’autres19.

La seconde remarque vient de ce que la prospective est une « science », par définition imparfaite, des scénarios, et non une science de l’agir. Pour le dire autrement, la prospective n’est pas la prévision. La prospective examine d’abord des hypothèses partielles et locales et fait droit à une pluralité au sein de celles-ci. De très bons scénarios prospectifs ont ainsi pu faire valoir, comme cela a été rappelé, la forte probabilité de nouvelles pandémies, sans jamais pouvoir dire, non par ignorance, mais en raison de la nature même des faits historiques, quand, où et comment les surviendraient20. Dans le domaine stratégique, une analyse de l’idéologie et de l’attitude de certains dirigeants peut ainsi faire valoir la probabilité que tel régime aura une propension expansionniste ou belliqueuse. Mais de même que décrire la première hypothèse ne dit rien sur le moment d’une crise pandémique et son développement, et ne décrit aucune certitude, la seconde ne dit rien sur l’effectivité d’une guerre déclenchée par ce régime. Dans ce dernier cas, un dirigeant démocratique averti du risque peut (voire doit) tuer dans l’œuf ces velléités ; dans le premier cas, il doit se préparer à affronter les multiples inconnues d’une crise pandémique.

Il ne faut pas confondre prospective et prévision.

Nicolas Tenzer

Sans rentrer ici dans des considérations épistémologiques détaillées, il faut aussi rappeler que la principale incertitude de la prospective résulte dans la combinatoire et c’est cette même difficulté qu’on retrouve chez le dirigeant lorsqu’il a à effectuer des choix, notamment à partir des risques que l’analyse prospective peut faire apparaître. En termes d’analyse, on ne travaille par définition sérieusement qu’à partir de phénomènes spécifiques – les cours des matières premières, les manœuvres belliqueuses de tel ou tel État, des révoltes populaires, une pandémie, etc. ‑, mais ce qui est intéressant est de constater comment ces phénomènes peuvent se combiner, et par définition cette combinatoire produit des résultats non déterminés à l’avance en raison de l’incertitude non seulement de chaque élément, mais plus encore de l’interaction elle-même. En termes de décision, le dirigeant accorde du poids et du prix – ce qu’on appelle les priorités – à tel ou tel facteur, mais il accroît dès lors ses angles morts sur les autres.

Nicolas Tenzerr droit diplomatie prudence aux temps du coronavirus pandémie covid-19 relations internationales
Rembrandt, La Compagnie de milice de Frans Banning Cocq, plus connue sous le nom de Ronde de Nuit (1642) Rijksmuseum

Retour sur le paradoxe du réverbère : les effets de champ

L’image du réverbère est d’un emploi classique en prospective, mais elle peut aussi induire en erreur lorsqu’elle est employée de manière brute. Un homme laisse tomber ses clés dans la rue et son premier réflexe consistera à les chercher dans la lumière diffusée par le réverbère sans explorer les zones d’ombre aux alentours où peut-être elles se trouvent. Cette métaphore est censée illustrer l’aveuglement du prospectiviste qui ne fouille pas les zones noires où peuvent aussi bien se trouver les facteurs qui vont peser sur le futur. Elle plaide pour qu’il écoute ce qu’on appelle parfois les « signaux faibles », notion au demeurant contestable en ce qu’elle présupposerait qu’ils existeraient par nature et ne proviendraient pas d’une cécité qui nous est propre dans notre méthode d’analyse et notre discernement21.

Dégager notre pensée de la crise

Le premier de ces effets est lié à la focalisation première sur la crise elle-même qui conduit à tout considérer à l’aune de ce prisme : si l’on n’est doté que d’un marteau, tous les objets finissent par ressembler à des clous. Le risque est que la crise du coronavirus conduise à lui accorder une causalité exagérée au sein d’autres facteurs (autant en termes d’effets sur le monde réel que dans le façonnement des opinions). Or, d’une part, le monde n’a pas arrêté de fonctionner en raison de celle-ci ; d’autre part, le « monde d’avant » est toujours présent, non seulement les tendances économiques générales et leurs effets induits sur le commerce, la croissance et la richesse des nations, mais aussi les ambitions des puissances révisionnistes et leurs visées en termes de déstabilisation. Celles-ci demeurent et la crise en question ne les a pas modifiées.

Le risque est que la crise du coronavirus conduise à lui accorder une causalité exagérée au sein d’autres facteurs (autant en termes d’effets sur le monde réel que dans le façonnement des opinions).

Nicolas Tenzer

Ces puissances hostiles aux principes de la liberté et de la démocratie peuvent utiliser cette crise ainsi que les croyances et les perceptions qu’elle a engendrées pour poursuivre leurs objectifs traditionnels, mais cela ne signifie pas qu’elles soient susceptibles de réviser leurs positions. La crise n’a ainsi aucunement modifié les menaces russes et chinoises, pas plus qu’elle n’a fait disparaître les enjeux de valeur et de sécurité pour l’Union européenne. D’une certaine manière, cette crise n’a fait que porter sur ces réalités une lumière d’autant plus crue et, dans l’ordre de l’action, renforcer l’exigence d’action des dirigeants démocratiques.

Attention aux points zéro !

Le deuxième effet de champ est temporel. Nombreux sont ceux qui raisonnent, pour des raisons compréhensibles, en raison de la situation d’urgence non seulement d’aujourd’hui, mais qui sera celle aussi de l’après-crise. À l’évidence, il conviendra de prendre un certain nombre de mesures, afin de tenter de réparer des dommages sur l’économie, mais aussi sur l’esprit public. Il faudra panser les plaies et soigner les âmes, retrouver une normalité qui ne sera plus exactement celle de l’avant – ce qui constitue aussi un truisme ‑, mais sans qu’on puisse aujourd’hui évaluer jusqu’à quel point. Nul esprit ne traverse une crise de cette sorte en étant parfaitement indemne – ainsi que, sans que la comparaison soit parfaite, au sortir d’une guerre. Mais ce qu’on appelle la « résilience » n’aura pas le même degré suivant les individus, les groupes et les sociétés. C’est aussi un truisme que de remarquer que cette crise n’aura pas frappé chacun de manière identique – et certains agiront aussi pour tenter de creuser encore les plaies.

Le risque est précisément de ne pas avoir une vision à plus long terme du monde dans lequel nous souhaitons vivre et dont la représentation n’a que peu à voir avec la crise elle-même.

Nicolas Tenzer

Il faudra, de manière tout aussi évidente, comme on dit, « tirer les leçons » de la crise, pour éviter de reproduire les mêmes erreurs dans sa gestion et sa communication, mais aussi pour se préparer à mieux affronter les dommages qui ont pu être infligés à l’occasion de cette crise, par des interventions extérieures de puissances et de mouvements hostiles à la démocratie et qui ne sont pas liées à la crise elle-même.

Mais le risque est là précisément de ne pas avoir une vision à plus long terme du monde dans lequel nous souhaitons vivre et dont la représentation n’a que peu à voir avec la crise elle-même.

Cette double dimension, celle des objets dont nous devons traiter sur le plan géostratégique et sur le temps dans lequel nous devons nous projeter, risque d’être occultée par l’envahissement du souvenir de la crise et d’une gestion trop parcellaire de l’après-crise. Elle pose un problème en termes d’action, mais aussi en termes des connaissances dont nous devons disposer comme support à celle-ci. Alors que nous risquons d’être accaparés par la gestion de l’après-crise, nous pouvons être conduits à perdre des éléments d’information précisément parce que nous ne considérons qu’un seul objet. Cela sera le meilleur moyen de ne pas anticiper la prochaine crise.

Alors que nous risquons d’être accaparés par la gestion de l’après-crise, nous pouvons être conduits à perdre des éléments d’information précisément parce que nous ne considérons qu’un seul objet. Cela sera le meilleur moyen de ne pas anticiper la prochaine crise.

Nicolas Tenzer

En somme, le risque principal est de faire, dans la précipitation, de la pandémie de Covid-19 un nouveau point zéro de l’histoire22. Par définition, ces points de retournement comportent une part d’arbitraire. Faut-il retenir comme tels la Chute du Mur de Berlin, le 11-Septembre ou l’élection de Trump ? Nous pouvons aussi suggérer la création de la Communauté économique européenne, l’arrivée de Poutine au pouvoir, la guerre en Syrie et l’attaque russe contre l’Ukraine, pour n’en rester qu’aux événements récents. Outre qu’il est aujourd’hui impossible d’apprécier les effets exacts de cette pandémie, qui dépendront aussi largement, sinon même principalement, de la gestion de l’après, prendre l’épidémie comme un point zéro relève d’un choix de nature politique. Cela serait aussi un autre moyen de détourner le regard des éléments de continuité, peut-être plus importants pour notre destin commun, que la séparation entre un avant et un après coronavirus.

Nicolas Tenzerr droit diplomatie prudence aux temps du coronavirus pandémie covid-19 relations internationales
Rembrandt, La Leçon d’anatomie du Docteur Tulp (1932) Mauritshuis

Prospective et propagande

C’est dans ce contexte d’appropriation des esprits par une seule cause que la propagande peut s’infiltrer et c’est ce qui rend l’opinion, mais aussi certains dirigeants, réceptifs à celle-ci. C’est surtout ce qui permettra à ceux qui la lancent de faire en sorte que ceux qui y sont soumis agissent en fonction de leurs buts. L’objectif de toute propagande n’est pas essentiellement de faire croire – ce n’est jamais qu’un moyen ‑, mais d’abord de faire agir ou, ce qui revient au même, de s’en abstenir. La propagande, ultimement, ne vise pas les âmes, mais les comportements.

Les régimes autoritaires peuvent dès lors aisément jouer sur les biais possibles de l’analyse prospective pour rendre plausibles, puis réaliser, leurs fins : en soi, l’annonce d’un bouleversement de l’ordre du monde et l’émergence de « règles » inédites constituent déjà un terreau initial qui leur est favorable. Leur but, en effet, et ils y contribuent déjà par leurs actions auxquelles nous n’avons pas répondu depuis plus d’une dizaine d’années, est non seulement de saper un ordre mis en place par des puissances démocratiques et libérales, mais aussi de rendre caducs dans les faits les principes, notamment ceux du droit international, qui contribuent à le fonder.

Les régimes autoritaires peuvent dès lors aisément jouer sur les biais possibles de l’analyse prospective pour rendre plausibles, puis réaliser, leurs fins : en soi, l’annonce d’un bouleversement de l’ordre du monde et l’émergence de « règles » inédites constituent déjà un terreau initial qui leur est favorable.

Nicolas Tenzer

Ces régimes ont déjà réussi à déjouer toute réaction notable devant leurs crimes contre l’humanité et leurs crimes de guerre en Syrie, les violations des frontières reconnues internationalement en Géorgie et en Ukraine et leur répression sur le plan intérieur. Ils visent désormais à détricoter entièrement les sanctions nécessaires qui continuent de les frapper.

De ce point de vue, la propagande23 revêt principalement trois dimensions. La première, qui nous intéressera moins ici, relève si l’on peut dire du faux grossier. Elle peut séduire certains esprits, mais dans l’ensemble elle n’a que peu de portée. Il en va ainsi de la propagande chinoise qui cherche à se dédouaner des responsabilités du régime dans la crise, accuse les États-Unis, se présente comme ayant été exemplaire, et minimise considérablement le nombre de ses propres victimes24. L’excès de propagande tue la propagande, même si Pékin continue de séduire des gouvernements peu regardants25 en matière de droits de l’homme et qui refusent de voir l’esbroufe de l’assistance chinoise26. Il en va de même de l’assistance russe et cubaine à l’Italie, la première, au demeurant très déficiente et beaucoup plus limitée que celle de l’Union européenne, n’ayant d’autre objectif que de renforcer les tenants à Rome de la levée des sanctions liées à l’agression de Moscou contre l’Ukraine27.

La deuxième dimension, celle de la propagande visant la vie politique interne des démocraties, est plus directe. C’est la marque de fabrique du Kremlin28 qui lui consacre des sommes chaque année plus importantes. Elle n’emploie pas à l’occasion de la pandémie de coronavirus des instruments et des schémas différents de ceux qu’elle utilisait de manière traditionnelle : il s’agit de semer le doute systématique sur ce qu’il est possible de « croire » et, partant, de jeter une suspicion sur toute parole dite « d’autorité », celle du gouvernement, des scientifiques, des journaux classiques et des politiques « traditionnels ». Les situations de crise y sont propices car il existe toujours  des critiques légitimes à adresser aux gouvernements. Le climat est naturellement à la défiance et il est aisé de la renforcer. La propagande ne crée pas cette défiance et souvent n’est pas à l’origine des théories du complot qui prospèrent en ces périodes d’incertitude, mais elle sait les exploiter, les diffuser et les renforcer dans une stratégie bien connue qui consiste à faire en sorte que nul ne croie plus en rien, doute de tout sans méthode29 et sape les bases de la vérité. Dès lors, l’idée consiste à faire en sorte que les périodes de post-crise ne soient pas stabilisées et que les exercices mêmes de prévision soient par avance frappés de suspicion et d’incertitude. Les discours d’inquiétude et de déstabilisation se conjuguent certes au présent – c’est maintenant qu’il faut ajouter la panique à la peur, l’effroi à l’incertitude ‑, mais aussi au futur – demain sera encore pire qu’aujourd’hui. L’objectif est bien de paralyser les démocraties afin de leur ôter toute latitude d’action.

La propagande ne crée pas cette défiance et souvent n’est pas à l’origine des théories du complot qui prospèrent en ces périodes d’incertitude, mais elle sait les exploiter.

NIcolas Tenzer

Une troisième dimension de la propagande conduit précisément à laisser entrevoir un autre ordre du monde. Dans celui-ci, la distinction entre démocraties et dictatures ne vaut plus pour une forte proportion de citoyens. Il n’y a plus de critère pour distinguer le vrai du faux. Les crimes tombent dans le silence de l’oubli. Toutes les normes et tous les principes que nous tenions pour sacrés et « en eux-mêmes évidents », y compris sur le plan intérieur en matière de protection des libertés, sont devenus relatifs. Les menaces en termes de sécurité extérieure s’effacent et les alliances classiques deviennent secondaires ou désuètes. Par des canaux multiples, et avec des différences sensibles30 entre la Chine, la Russie, l’Iran et quelques autres, c’est ce qu’entreprennent de faire valoir les régimes dictatoriaux. Peu importe au demeurant que ces discours aient peu de crédibilité auprès des personnes averties et une absence de validité intrinsèque. La propagande vise rarement à convertir de manière immédiate, mais plutôt à inoculer quelques germes.

La propagande vise rarement à convertir de manière immédiate, mais plutôt à inoculer quelques germes.

Nicolas Tenzer

C’est dans ce contexte que la propagande chinoise entend démontrer, contre toute évidence, que les régimes autoritaires sont mieux à même de gérer des crises graves. Tant Pékin que Moscou cherchent à accréditer l’idée qu’elles peuvent aider efficacement les puissances démocratiques supposées inefficaces devant l’urgence et qu’elles sont capables de maîtriser la situation sur le plan intérieur. Que toute ceci soit faux31 n’importe guère, surtout lorsqu’on voit des États démocratiques se prêter à leur jeu notamment en acceptant leur assistance.

En se présentant comme ouverts à la coopération internationale et, en cela, membres de la communauté internationale, ces régimes entendent faire oublier leurs crimes et leurs agressions et acheter une forme de respectabilité. En rendant « séduisantes » auprès de certains gouvernements et une partie des opinions publiques leur technique de contrôle, ils essayent de démanteler les règles et les valeurs qui distinguent les sociétés démocratiques de celles gouvernées par des régimes autoritaires. En insistant sur l’union nécessaire devant une crise mondiale, aussi justifiée celle-ci soit-elle quant à son principe, ces régimes entendent reconfigurer la perception de l’ordre mondial comme si les désordres qu’ils avaient créés étaient derrière nous.

En rendant « séduisantes » auprès de certains gouvernements et une partie des opinions publiques leur technique de contrôle, les autoritaires essayent de démanteler les règles et les valeurs qui distinguent les sociétés démocratiques de celles gouvernées par des régimes autoritaires.

Nicolas Tenzer

Prêter attention à la manière dont nous agissons aujourd’hui avec ces régimes, mais aussi aux propres récits que nous produisons est indispensable pour éviter leur mainmise sur la scène internationale, mais aussi sur nos esprits. La propagande de ces régimes est très classiquement fondée sur l’espoir d’en faire une prophétie auto-réalisatrice.

Nicolas Tenzerr droit diplomatie prudence aux temps du coronavirus pandémie covid-19 relations internationales
Rembrandt, Le Syndic de la guilde des drapiers (1661), Rijksmuseum

L’ouverture des contraires

Dire que le futur reste ouvert est en soi une banalité. Il est toutefois frappant de constater que les projections existantes sur le « monde d’après » font droit à des scénarios opposés qui ne sont jamais que la continuation de ceux qui existent largement aujourd’hui.

Action et réaction

Ce sont des tendances d’ailleurs qu’on perçoit au présent. Au sein des sociétés, on voit des personnes se ruer avec crédulité sur les informations les plus suspectes et des forces politiques qui aspirent à déstabiliser la démocratie leur faire la part belle dans leurs propos. Certains, faisant l’analogie avec la Grande Peste, envisagent que la montée du mysticisme, de l’irrationalité et de la xénophobie conduisent à au moins une mise entre parenthèse de la « culture universaliste »32. Mais ces réactions suscitent aussi des contre-feux et certains font montrer d’une vigilance nouvelle à l’égard des discours mensongers ou complotistes, tant nationaux qu’étrangers. Les réseaux sociaux bruissent aussi d’histoires d’exclusion, de haines et de délation autant que de dévouement, d’altruisme et de générosité. On y voit l’image de sociétés faibles et fragiles et de sociétés fortes et résilientes – ce qui signifie, autant le redire, qu’il n’y a pas quelque chose comme « la » société33. Et en même temps que se développent, sur Twitter et Facebook notamment, les théories les plus ignobles, antisémites, racistes et homophobes, les citoyens prennent conscience de la nécessité d’un gouvernement efficace et rationnel, ce qui peut aussi contribuer à faire reculer le populisme34, quand bien même l’attente d’expertise et la critique traditionnelles des « élites », parce qu’elles sont souvent réputées avoir failli, ne sont pas incompatibles.

En même temps que se développent, sur Twitter et Facebook notamment, les théories les plus ignobles, antisémites, racistes et homophobes, les citoyens prennent conscience de la nécessité d’un gouvernement efficace et rationnel, ce qui peut aussi contribuer à faire reculer le populisme.

Nicolas Tenzer

La propension de certains gouvernements à utiliser des techniques de surveillance très sophistiquées qui constituent un danger pour l’intégrité de la sphère privée séduit certains esprits autoritaires, mais suscite également des protestations vigoureuses et, là aussi, une conscience accrue des risques de renforcement de l’atteinte à la vie privée que créent naturellement toutes les situations de crise grave. Les mensonges de la Chine tant sur le nombre de ses morts dues à la pandémie, que sur l’origine du virus et l’efficacité de l’aide apportée ont été aussi immédiatement repérés par beaucoup et ont suscité des contrefeux, certains considérant la Chine comme directement responsable de son impéritie pendant les débuts de la crise35. Il en va de même pour les mensonges du régime russe et ses techniques de propagande36.

Paradoxalement – et c’est peut-être une bonne nouvelle ‑, dans la mesure où tous les citoyens ont été en même temps préoccupés par le Covid-19, un plus grand nombre, même s’il reste encore trop insuffisant et limité à des milieux déjà quelque peu informés, a pu prêter nettement plus attention à ces jeux de propagande que lorsqu’elle concernait, pour la Chine, les Ouïghours et le Tibet, pour la Russie, l’Ukraine, l’OTAN et la Syrie. On ne peut qu’espérer que la pandémie puisse attirer l’attention d’un plus large public sur autre chose qu’elle-même, à savoir les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre massifs commis par ces régimes.

On ne peut qu’espérer que la pandémie puisse attirer l’attention d’un plus large public sur autre chose qu’elle-même, à savoir les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre massifs commis par ces régimes.

Nicolas Tenzer

La déglobalisation et son double

Sur le plan international, on trouve les mêmes récits opposés. Pour les uns, on assiste au renforcement des pouvoirs dictatoriaux qui surfent encore un peu plus sur la crise pour déstabiliser les démocraties, favoriser leur impunité et empocher des gains d’autant plus aisément que l’attention du monde est focalisée ailleurs. Ils prospèrent également sur le renforcement des tendances illibérales et parfois nationalistes. Ils exploitent la faiblesse première de l’Union européenne et les désaccords en son sein tout en faisant oublier que son réveil a conduit à plus d’efficacité et de coordination dans la lutte contre le coronavirus que les régimes autoritaires. Enfin, ces régimes espèrent que, dans le mouvement général de critique envers, sinon de discrédit, de nombreux gouvernements auxquels il est reproché une mauvaise gestion de la crise, les dirigeants autoritaires auront plus de capacité de résistance, en raison même de leur faculté de rendre plus silencieux les esprits critiques, que leurs homologues démocratiques. Ce mouvement idéologique va de pair avec la mise en avant – ou la prévision – de la fermeture des frontières, la diminution du commerce international et ce que beaucoup ont appelé la « dé-globalisation » (ou « dé-mondialisation »). On ne saurait certes imputer à la plupart des tenants de cette dernière une pensée37 favorable aux régimes autoritaires, mais ces derniers savent parfaitement profiter d’une convergence idéologique.

Pour les autres, la tendance opposée devrait dominer : loin de pousser chacun à se claquemurer sur son territoire ou sa nation, une conscience nouvelle apparaîtrait de plus de régulations et de coopérations internationales, ce qui pourrait engendrer une forme de « sursaut » des consciences démocratiques38. La prévention aurait fait surgir la nécessité d’une mondialisation encore plus développée39. Les solutions devraient être sinon internationales, du moins, en ce qui nous concerne, européennes, car elle est l’échelle pertinente pour l’action, pas seulement sur le plan de la relance économique40. Enfin, la puissance américaine n’a pas dit son dernier mot, non seulement parce que ses bases économiques sont solides, mais aussi parce que, au-delà des improvisations trumpiennes, elle a su rapidement dégager 2 000 milliards de dollars pour un plan de soutien à l’économie sans précédent41. Et les dictatures auraient réussi à montrer leur vraie nature : celle d’un risque pour leurs populations, mais aussi d’un risque mondial lié à leur culture du secret, à leurs stratégies de dissimulation et à leurs réactions trop tardives. Et, note ironique, on a vu certains stratèges prompts à la mansuétude envers les dictatures, retourner à une défense ferme des régimes politiquement libéraux42 !

Les solutions devraient être sinon internationales, du moins, en ce qui nous concerne, européennes, car l’Europe est l’échelle pertinente pour l’action.

Nicolas Tenzer

Plus profondément, la pandémie de Covid-19 aurait fait prendre conscience aux démocraties de ces menaces et remis sur le devant de la scène l’idée de « guerre », terme employé plusieurs fois par le président français. Or, en même temps, ces conclusions opposées peuvent aussi paradoxalement produire comme un effet boomerang qui ramène aux premières. Ainsi, l’éloge de la coopération internationale peut non seulement demeurer un mot vide et creux, mais aussi dissimuler, volontairement ou non, toutes les autres violations du droit et des règles supposés structurer l’ordre international. L’utilisation du terme même de « guerre » – pour le moins singulière puisque là l’ennemi est commun à toute l’humanité43 – peut conduire à faire oublier les autres guerres, elle classiques, qui continuent de tuer, certaines puissances ayant même fait du meurtre leur objectif premier. Il peut être tentant aussi pour ceux qui annoncent une meilleure mondialisation d’après la crise d’estimer un peu trop vite que les puissances révisionnistes accepteront de jouer le jeu.

Discerner ces tendances multiples et opposées peut donc être intéressant, même si les grandes lignes en sont finalement assez banales, mais ces exercices de prospective n’ont de sens que s’ils sont le support d’une stratégie réaliste, c’est-à-dire à même de prendre en compte l’ensemble des menaces.

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Rembrandt, Philosophe en méditation (1632) Musée du Louvre

Leçons de prospective, leçons de stratégie ?

Si la prospective a une quelconque utilité, ce n’est pas comme prédiction, mais comme appui à la décision. Si elle peut reposer sur des scénarios partiels et locaux, elle ne saurait conduire à énoncer des scénarios globaux. Combinée avec une multitude de disciplines, elle alerte sur des risques potentiels, sur des tendances ponctuelles et les attitudes des acteurs, mais elle ne décrit pas un nouveau monde. Au-delà de la prévention sanitaire au niveau national et international, c’est à partir des quelques signes présents de menace qu’une stratégie doit être construite. Ces signes de risque sont liés aux tendances contradictoires que beaucoup ont observées, mais aussi à ceux présents dans les « récits » que peuvent porter nos ennemis.

Si la prospective a une quelconque utilité, ce n’est pas comme prédiction, mais comme appui à la décision. Si elle peut reposer sur des scénarios partiels et locaux, elle ne saurait conduire à énoncer des scénarios globaux.

Nicolas Tenzer

Continuité plutôt que rupture

La première règle consiste à tabler plus sur la continuité que sur la rupture avant de considérer celle-ci. Qui considère la scène internationale peinera à distinguer des évolutions simultanément majeures et durables de celle-ci. Aucune des menaces présentes pour notre sécurité – des attaques contre l’ordre international lancées par le régime de Poutine à la menace toujours présente du djhadisme, de l’expansionnisme économique et idéologique chinois aux mafias transnationales, de la déstabilisation du Moyen-Orient par l’Iran et au renforcement des pouvoirs autoritaires dans cette zone aux divisions intra-européennes, y compris sur les valeurs – n’ont disparu. Que Moscou et Pékin tentent de profiter de la crise pour pousser leurs pions n’est pas une nouveauté, mais la manifestation d’une permanence. Que la crise exacerbe les divisions de l’Europe et la tentation de certains, comme la Hongrie d’Orban, de faire accepter un fait accompli destructeur, n’est pas non plus une surprise. Le monde d’après le Covid-19 sera certainement plus vulnérable, parce qu’il sera, au moins pour quelque temps, affaibli économiquement et que ses gouvernements seront sujets à de nombreuses accusations, mais il ne sera pas fondamentalement nouveau. On ne saurait dire non plus si, en fin de compte, ses sociétés seront plus faibles ou au contraire plus fortes après l’épreuve. Cela sera aux dirigeants, leaders d’opinion, journalistes, savants, entreprises, de faire en sorte que ces sociétés et les personnes qui les composent soient à la fois plus résilientes et plus unies.

La deuxième règle consistera à ne pas alimenter ce discours de rupture, précisément parce qu’il profiterait à ceux qui entendent l’imposer. Non, le monde ne sera pas plus uni ; non, la coopération internationale ne sera pas plus facile ; non, les jeux d’influence, y compris au sein des organisations internationales, n’auront pas disparu, et l’on peut même soutenir que leur exacerbation est tout aussi possible, sinon plus. Le monde ne sera pas plus enclin à la paix et la coopération tout simplement parce qu’il y aura toujours des régimes qui ne le souhaiteront pas. La crise du Covid-19 a plutôt montré que les États autoritaires n’avaient aucun appétit pour la transparence et qu’ils ne considéraient l’entraide internationale que comme un élément supplémentaire de propagande afin de faire baisser la garde des régimes démocratiques. Autant nous pouvons et devons manifester de la compassion pour les peuples et les aider matériellement, autant nous ne pouvons en avoir pour les régimes qui les oppressent.

Non, le monde ne sera pas plus uni ; non, la coopération internationale ne sera pas plus facile ; non, les jeux d’influence, y compris au sein des organisations internationales, n’auront pas disparu, et l’on peut même soutenir que leur exacerbation est tout aussi possible, sinon plus.

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L’irénisme est ce qu’attendent nos adversaires. Certes, il n’y aura pas de business as usual dans la vie quotidienne de nos citoyens, et nous aurons certainement loisir à reconsidérer, individuellement et dans nos rapports avec autrui, la société et le monde, un certain nombre d’attitudes et de priorités, mais cela n’a rien à voir avec les réalités géostratégiques. C’est d’ailleurs la conscience accrue des risques et des menaces qui devra guider nos réflexions sur le nouveau cours des choses. La complaisance que les dirigeants de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont manifestée à l’endroit du régime de Pékin44 est un signal supplémentaire quant à l’influence accrue de la Chine au sein de plusieurs organisations internationales sur laquelle nous avons trop fermé les yeux.

Ne pas se tromper de récit

Une troisième leçon consiste à bien nommer les choses, tant existantes qu’envisagées pour le futur. Prenons l’idée d’autosuffisance stratégique qui est revenue à la une assez souvent pendant la crise. Pour des raisons diverses, certains États occidentaux ont découvert leur dépendance par rapport à la Chine pour certains produits, notamment certains médicaments et produits médicaux essentiels. Non sans raison, le ministre de l’Économie a fait valoir que cette situation était inacceptable. Elle l’est d’ailleurs certainement aussi pour certains autres produits également essentiels. Somme toute, certains pays européens, notamment l’Allemagne, sont également anormalement dépendants du gaz russe, ce qui en faisait une proie aisée pour un chantage de la part de Moscou qui menace toute l’Europe (Nordstream 2).

En consonance avec la perception d’une pandémie produit de la mondialisation – sur laquelle ont joué les mouvements d’extrême droite notamment ‑, beaucoup ont ainsi lancé le thème de la dé-globalisation et appelé à une forme d’autosuffisance nationale dans la production des biens.

Les fantasmes nationalistes et complotistes d’une fermeture nécessaire des frontières pour nous prémunir du surgissement d’un nouveau virus à l’avenir, parfois accompagné de la désignation à la vindicte populaires des « migrants » et étrangers, ont rejoint les thématiques de mouvements qui leur sont diamétralement opposés politiquement en faveur de la limitation des déplacements internationaux, du recentrage sur la production locale devant alimenter la consommation locale et, sur un autre plan, de sévères restrictions sur la consommation de produits animaux.

Les fantasmes nationalistes et complotistes d’une fermeture nécessaire des frontières pour nous prémunir du surgissement d’un nouveau virus à l’avenir, parfois accompagné de la désignation à la vindicte populaires des « migrants » et étrangers, ont rejoint les thématiques de mouvements qui leur sont diamétralement opposés politiquement en faveur de la limitation des déplacements internationaux.

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Toute la difficulté est précisément dans la capacité de nous organiser pour répondre à de réelles menaces stratégiques et de lutter contre certaines aberrations écologiques de la mondialisation – renforcer autant que possible les circuits courts d’acheminement du producteur au consommateur pour les denrées périssables – tout en mesurant les risques idéologiques, mais aussi économiques, de cette dé-globalisation. Ainsi, refuser que les démocraties puissent être l’objet d’un chantage diplomatique de pays autoritaires pour des raisons de dépendance économique constitue un sujet ancien sur lequel beaucoup d’entre nous avions alerté bien avant la pandémie45. Celle-ci n’a fait qu’en démontrer encore plus l’urgence. Mais ceci ne signifie aucunement réorienter la plupart de nos productions sur la consommation nationale et se doter de ressources de production dans l’ensemble des secteurs. On connaît les résultats d’une économie autarcique et l’on sait aussi ce que signifie un monde de protections multiples. On voit bien aussi l’avantage idéologique que certains espèrent retirer d’une mise à bas généralisée non seulement du commerce international, mais aussi des règles de liberté et de concurrence promues par l’Union européenne dans le cadre du marché unique.

Nos principes sont les bons

Une quatrième règle consiste pour les dirigeants démocratiques à être plus cohérents dans notre combat en faveur de valeurs communes. Certes, d’un côté, la pandémie a pu faire figure de test de robustesse pour celles-ci, et globalement les démocraties ne s’en sont pas trop mal sorties sur le plan intérieur. Mais, d’un autre côté, comme toute crise grave qui appelle à un réexamen des principes et des valeurs (ou qui est supposée le faire), les ennemis de la démocratie peuvent tenter de se faufiler dans les interstices de ce réexamen et pousser les dirigeants démocratiques au crime au nom des meilleures intentions, tout en reprenant au demeurant les mantras classiques de la diplomatie traditionnelle. On voit ainsi certains, conscients de ce que la crise a pu éprouver les sociétés et les relations entre États, demander de « ne pas ajouter la crise à la crise », de ne pas envenimer des relations déjà tendues, de consacrer tous nos efforts à la réparation d’économies et de sociétés meurtries et d’apaiser dans l’environnement tout ce qui peut l’être. Louables intentions certes, comme si les vertus des dirigeants démocratiques devaient être celles de leurs adversaires, comme si ces derniers avaient abandonné leur recours au crime ou à l’agression, comme si tous s’étaient ralliés aux mérites de la coopération !

Nous devons défendre les valeurs de l’État-providence, de la solidarité et de la priorité accordée à la protection de tous – et bien sûr du respect absolu de la sphère privée de chacun ‑, nous devons être lucides devant les régimes pour lesquels la vie humaine ne vaut pas grand-chose.

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On voit aussi certains protester contre les sommes que de nombreux États consacraient aux moyens de défense militaire alors que celles-ci eussent été mieux employées dans les hôpitaux et les maisons de retraite. Alors même que, précisément, nous devons défendre les valeurs de l’État-providence, de la solidarité et de la priorité accordée à la protection de tous – et bien sûr du respect absolu de la sphère privée de chacun ‑, nous devons être lucides devant les régimes pour lesquels la vie humaine ne vaut pas grand-chose. Le retour de la « puissance publique » que certains voient poindre, et qui sera assurément nécessaire pour éviter l’écroulement de l’économie et la survenance de maux sociaux intolérables, ne signifie pas que les vannes budgétaires devront rester durablement largement ouvertes. Rien ne serait plus inconséquent que de présenter l’alternative sous la forme : « la santé ou les armes ».

Si nous pensons qu’aujourd’hui nos deux ennemis principaux sont la pandémie et le djihadisme – menaces que nul ne saurait certes sous-estimer ‑, nous n’aurons rien compris et nous préparerons à des crises plus meurtrières encore. Redisons-le : la pandémie de Covid-19 n’est pas un nouveau début et ne marque pas l’entrée dans une nouvelle ère géostratégique quels que soient les bouleversements de fond qu’elle entraînera. En particulier en Europe, c’est la continuité des menaces – et en particulier de la menace systémique du Kremlin auquel s’ajoute de plus en plus celle de Pékin – qui l’emportera. Le renforcement de notre faculté d’y répondre, et de l’assumer publiquement, est partie intégrante du mouvement de réaffirmation des États, mais aussi des alliances, Union européenne comme OTAN, qui devrait se dessiner. Comme les alertes sanitaires annoncées depuis longtemps, il est temps de prendre en considération plus sérieusement cette alerte-là.

Rien ne serait plus inconséquent que de présenter l’alternative sous la forme : «  la santé ou les armes  ».

Nicolas Tenzer

Le virus passe, les ennemis restent

Car c’est aussi une cinquième règle : pendant la pandémie, la propagande a continué, et nous ne devons pas la prendre à la légère. La chinoise est apparue en premier lieu, sans doute parce que plus nouvelle et aussi plus maladroite. La russe a utilisé des techniques éprouvées, sans véritable innovation, et a creusé plus en profondeur, opérant de manière plus indirecte que la chinoise. Comme à leur habitude, les dirigeants démocratiques les ont le plus souvent minimisées et ont fait semblant de ne pas voir qu’elles constituaient des actes de guerre. Alors qu’elles visaient à détruire la solidité même des démocraties pendant cette crise mortelle, nos répliques ont été beaucoup trop mesurées et nos dirigeants ne se sont pas dotés des moyens de dire « stop ».

Or, à défaut d’avoir pu ou voulu y mettre un terme de manière immédiate en raison notamment des urgences à traiter, il est déterminant qu’ils en tirent les conséquences après, tant sur le plan des relations internationales avec les Etats qui s’en sont rendus coupables que sur le plan interne. Mais il y a plus : des couches entières de la société sont apparues vulnérables à cette propagande, faute d’en connaître les ressorts et les procédés. La crise que nous venons de traverser en a montré les conséquences désastreuses et cela doit faire partie intégrante de notre sécurité, ce que certains pays avaient déjà compris avant celle-ci, que d’expliquer au public ce qu’elle est et de lui apprendre comment la contrecarrer. Toute une éducation contre cette propagande de masse fait partie de ce réarmement sanitaire, mais sa portée sera beaucoup plus large. Cela doit être aussi un investissement prioritaire dans la perspective des crises prochaines. Et cela, nous le savons avec certitude.

Sources
  1. Notamment M. Duclos, « Le Covid-19 est-il un game-changer géopolitique ? », Institut Montaigne, 19 mars 2020, et B. Tertrais, «  L’année du Rat. Conséquences stratégiques de la crise du coronavirus », Fondation pour la Recherche stratégique, 3 avril 2020.
  2. On pense notamment à l’un des premiers articles sur le sujet : Y. N. Harari : « The World After Coronavirus », Financial Times, 20 mars 2020.
  3. « Coronavirus : Chine, États-Unis, Europe… Le Covid-19 va-t-il changer la géopolitique ? », Ouest-France, 24 mars 2020.
  4. Propos notamment de B. Badie, « Face au Covid-19, la guerre… mais laquelle ? », Ideas for Development, Agence française de développement, 31 mars 2020.
  5. Rappelons simplement ici que la possible survenance d’une crise pandémique majeure avait déjà été envisagée notamment dans les rapports prospectifs du National Intelligence Council américain de 2004 et surtout de 2008 et de 2017 ainsi que dans les deux Livres Blancs français sur la défense et la sécurité de 2008 et 2013 et le rapport « Horizons stratégiques » de la Délégation aux affaires stratégiques du ministère de la Défense français de 2012 ou encore la Revue stratégique française de 2017 (nous empruntons ces éléments au fil Twitter de J.-B. Jeangène-Vilmer du 18 mars 2020, dont on lira aussi l’entretien avec Le Point, « Covid-19 : Nous ne trouvons pas face à une surprise stratégique », 21 mars 2020). Les caractéristiques de cette pandémie avaient même été décrites en des termes qui correspondent bien au Covid-19 (provenance d’Asie, troubles respiratoires, etc.). Personne ne pouvait toutefois prévoir quand une telle crise surviendrait ni précisément quelles seraient ses modalités.
  6. Voir en ce sens, A. Timsit, « Will Democracy Be The Next Victim of Coronavirus ? », Quarz, 26 mars 2020.
  7. B. Daragahi, « Coronavirus could be used by authoritarian leaders as excuse to undermine democracy, experts warn », The Independent, 17 mars 2020.
  8. Voir en ce sens R. Jahanbegloo, «  Pandémie et politique », Esprit, mars 2020.
  9. En particulier, G. Rachman, « Nationalism Is A Side-Effect of Coronavirus », Financial Times, 23 mars 2020.
  10. Voir en particulier L. Elliott, «  Of course there’s a globalisation backlash. It has failed billions of people », The Guardian, 13 février 2020.
  11. Avec toutefois de notables exceptions, notamment celle du directeur de Chatham House, R. Niblett (« The End of Globalization As We Know It  », Foreign Policy, 3 mars 2020), qui envisage le risque d’un coup d’arrêt de la globalisation sans l’-appeler de ses vœux. On retrouve aussi de tels propos dans la bouche de plusieurs analystes et journalistes, notamment H. Böhme, « Will the coronavirus spell the end of globalization ? », Deutsche Welle, 6 mars 2020, A. Ortega, « The Deglobalization Virus ? », The Globalist, 18 mars 2030, G. Kostakos, «  Globalisation is no longer business as usual. Coronavirus has changed how the world works », Euronews, 24 mars 2020 et I. Bremmer, « Why COVID-19 May be a Major Blow to Globalization », Time, 16 mars 2002.
  12. Les critiques de la mondialisation ne sont évidemment pas nées avec la pandémie. Celle-ci est seulement une opportunité de les pousser davantage (phénomène qu’on retrouve bien sûr avec le nationalisme, le populisme et le complotisme). Voir sur ce point l’argument développé par G. Araud, mentionné dans T. Wright, « Stretching the International Order to Its Breaking Point », The Atlantic, 4 avril 2020.
  13. Voir notamment D. Moyo, « Are Businesses Ready for Deglobalization ? », Harvard Business Review, 6 décembre 2019.
  14. C’est également l’avis exprimé dans une note interne du Centre d’Analyse, de Prévision et de Stratégie (CAPS) du ministère des Affaires étrangères. Voir P. Smolar, « Comment la diplomatie française pense le jour d’après », Le Monde, « Les craintes de Paris face à l’ “emprise de la Chine” », 1er avril 2020.
  15. Hypothèse esquissée par L. Garrett, « A Dramatic New Stage in Global Capitalism », ainsi que par S. K. O’Neil, « Lower Profits, but More Stability », Foreign Policy, 20 mars 2020.
  16. Voir notamment, pour la Chine, L. Mahbubani, « A More China-Centric Globalization », Foreign Policy, 20 mars 2020. On retrouve cette tendance à ériger, à notre sens un peu vite, la Chine en modèle d’adaptation dans l’article de H. Farrell et A. Newman, « Will the Coronavirus End the Globalization as We Know It ? », Foreign Affairs, 16 mars 2020.
  17. Voir notamment F. Lemaître, I. Mandraud, « La ‘politique de générosité’ intéressée de la Chine et de la Russie en Italie », Le Monde, 26 mars 2020 ; J ; van der Made, « Russia and China ‘exploit Covid-19 crisis’ to discredit European Union », RFI, 5 avril 2020.
  18. Voir en particulier sa Philosophie critique de l’histoire, Vrin, 1938, ainsi que Dimensions de la conscience historique, Plon, 1964, et Introduction à la philosophie de l’histoire, Gallimard, 1948.
  19. Voir notamment, à partir de prémisses différentes, entre autres, Max Weber, Hannah Arendt, Léo Strauss ou le sociologue Raymond Boudon. Nous avons aussi tenté de démontrer cela dans Philosophie politique, PUF, 1994, 2e éd., 1998, chap. VI, in section « Les apories de l’histoire », « Déterminisme et contingence ».
  20. Voir références dans la note 5.
  21. Voir aussi l’hypothèse du « cygne noir » théorisée par N. N. Taleb, qui précise que le coronavirus n’entre précisément pas dans cette hypothèse (Coronavirus : « Il n’y a rien à craindre de la globalisation tant que l’on connaît les effets secondaires », entretien avec 20 Minutes, 13 mars 2020).
  22. La question se trouve suggérée, quoique non analysée, en codicille à l’article de S. Tisdall, « Power, equality, nationalism : How the pandemic will reshape the world », The Guardian, 28 mars 2020.
  23. Pour une vue d’ensemble, on se référera utilement au rapport de l’Institute for Strategic Dialogue (ISD), Covid-19 Disinformation Briefing No.1, 27 mars 2020.
  24. Pour une histoire assez complète, voir R. Boxwell, « The Blame-game : The Origins of Covid-19 and the Anatomy of a Fake News Story », Post Magazine, 4 avril 2020.
  25. Pour une version peu optimiste quant aux effets de la propagande chinoise, voir M. Karnitschnig, « China Is Willing the Coronavirus Propaganda War », Politico, 18 mars 2020.
  26. L’exemple édifiant de la Serbie mérite d’être rappelé de manière toute particulière. Voir notamment N. Bogdanovic, A. Heil, « Ex-Envoy Bildt Questions Serbia And Hungary’s Use Of ‘China Card’ Amid COVID-19 Crisis », RadioFree Europe/Radio Liberty, 2 avril 2020.
  27. Il y a aussi un côté symbolique dans la présence de véhicules militaires russes en Italie, libres de circuler non loin des bases de l’OTAN. Sur cette question, lire I. Lasserre, « L’agenda cassé de Moscou en Italie », Le Figaro, 29 mars 2020.
  28. Pour une étude des méthodes de la propagande russe à l’occasion de la crise, on se référera principalement aux rapports de la cellule de lutte contre la désinformation du Service européen d’action extérieure de l’Union européenne (EU vs. Disinfo) et notamment à sa récente mise à jour : « EEAS Special Report Update : Short Assessment of Narratives and Disinformation Around the Covid-19 Pandemic », 1er avril 2020. Voir aussi sur ce rapport J. Rankin, « Russian Media ‘spreading Covid-19 disinformation’ », The Guardian, 18 mars 2020.
  29. Voir en ce sens l’article de référence d’O. Schmitt, « “Je ne fais que poser des questions”. La Crise épistémologique, le doute systématique et leurs conséquences politiques », Temps présents, 15 juin 2018.
  30. À noter toutefois que la Chine semble emprunter de plus en plus, en partie, les techniques de la propagande du Kremlin. Voir notamment en ce sens, O. Gazis : « Amid Covid-19 outbreak, China Shifts to use ‘Russian-style’ Disinformation Tactics », CBS, 30 mars 2020.
  31. Voir notamment M. Ferraresi, « China Isn’t Helping Italy. It’s Waging Information Warfare », Foreign Policy, 31 mars 2020.
  32. Voir en ce sens, H. James, « A Pandemic of Deglobalization », Project Syndicate, 28 février 2020.
  33. J’avais critiqué cette utilisation du terme « la société » dans Le Tombeau de Machiavel. Essai sur la corruption intellectuelle de la politique, Flammarion, 1997.
  34. Hypothèse évoquée notamment par T. Wright et K. Campbell, « The Coronavirus Is Exposing the Limits of Populism », The Atlantic, 4 mars 2020.
  35. Voir notamment. J. Kraska, « China Is Legally Responsible for Covid-19 Damage and Claims Could be in the Trillions », War on the Rocks, 23 mars 2020.
  36. La goutte d’eau a été versée lorsque les autorités russes ont menacé physiquement le journaliste de La Stampa qui avait révélé la supercherie de l’aide russe, ces attaques ayant suscité une indignation de grande ampleur en Italie (voir notamment « Gli aiuti russi in Italia sul Coronavirus, il generale Kikot e i timori sull’intelligence militare in azione », La Stampa, 1er avril 2020 ; « Le accuse di Mosca e la nostra riposta », La Stampa, 3 avril 2020, et « Russia contro il giornalista de ‘La Stampa’ Jacopo Iacoboni. Esteri e Difesa : « Grazie per aiuti ma rispettare libertà di stampa » », La Repubblica, 1er avril 2020.
  37. On pense à la vision particulièrement noire de S. Walt, « A World Less Open, Prosperous, and Free », Foreign Policy, 20 mars 2020.
  38. Cette vision finalement optimiste est notamment celle de G. J. Ikenberry, « Democracies Will Come Out of their Shell », Foreign Policy, 20 mars 2020.
  39. Voir notamment I. Goldin, R. Muggah, « Après le coronavirus, le monde ne sera plus jamais le même », The Conversation, 2 avril 2020.
  40. Sur ce dernier plan, voir la tribune de P. Gentiloni, T. Breton, « Coronavirus : Aucun État européen ne dispose des moyens propres lui permettant de faire face seul à un tel choc », Le Monde, 6 avril 2020.
  41. Voir en ce sens, B. Haddad, « America First à l’épreuve du Covid-19 », Institut Montaigne, 3 avril 2020.
  42. On songe évidemment à H. Kissinger, « The Coronavirus Pandemic Will Forever Alter the World Order », Wall Street Journal, 3 avril 2020.
  43. Remarque que nous empruntons à J. Solana, « Our Finest Hour », Project Syndicate, 28 mars 2020. Il précise aussi que cette « guerre » s’accompagne d’une mobilisation des États et d’une démobilisation des personnes.
  44. Voir notamment P. Benkimoun, « Comment la Chine a fait pression sur l’OMS », Le Monde, 29 janvier 2020 ; M. Collins, « The WHO and China : Dereliction of Duty », Council of Foreign Relations, 27 février 2020 ; F. Godement, « L’OMS, la pandémie et l’influence chinoise », Institut Montaigne, 24 mars 2020 ; N. Eberstadt, D. Blumenthal, « China Deadly Coronavirus Co-conspirator – the World Health Organization », New York Post, 2 avril 2020 ; A. Ekman, « La route de la soie sanitaire », Le Grand Continent, 2 avril 2020.
  45. On pense évidemment à la « souveraineté numérique » de l’Europe, qui impose de rester totalement ferme dans notre refus des solutions de 5G poussées par Huawei. La pandémie aura été une alerte supplémentaire sur la réalité du régime chinois – ce qu’a encore récemment rappelé J. Fischer notamment (« The Politics of the Pandemic », Project Syndicate, 1er avril 2020).