Étrange animal que le pangolin, ce mammifère mal connu mais devenu une célébrité mondiale depuis que certains microbiologistes le soupçonnent d’être à l’origine de la transmission aux humains du Covid-19, le virus responsable de la plus grave crise sanitaire qu’ait connu l’humanité depuis un siècle. En cas de danger, le pangolin rabat sa tête entre ses pattes antérieures et se recroqueville sur lui-même. Par une ironie amère, le monde entier est en train de faire comme le pangolin face au danger, puisque des centaines de millions d’individus sont reclus dans leur domicile pour empêcher la propagation de l’épidémie dans nos sociétés.
Ironie amère aussi que ce soudain confinement mondial, alors que nous célébrions depuis trente ans la circulation universelle et le nomadisme des humains, des marchandises, des capitaux et des informations. En l’espace de quelques semaines, la phase de mondialisation la plus profonde de l’histoire, tant sur le plan commercial, que financier ou encore touristique, s’est brutalement interrompue : les frontières ferment les unes après les autres ; les nations se cloîtrent et les familles se confinent ; les flux commerciaux sont gelés ; les chaînes de valeur et les chaînes logistiques sont fortement perturbées ; le tourisme est à l’arrêt ; il n’y a presque plus aucun avion dans le ciel. Nous avons collectivement adopté la stratégie du pangolin. Seule continue la mondialisation technologique et informationnelle puisque nous n’avons jamais autant communiqué par internet et consommé de bande passante, au point que des craintes surviennent quant à la solidité des architectures réseau, et nous rappellent là encore à quel point nous sommes vulnérables.
La question qui reste profondément ouverte est de savoir si cette brutale fermeture sera temporaire, avant réouverture des activités une fois la bourrasque passée et lorsque les voyants seront au vert, ou si au contraire nous entrons dans une phase de démondialisation durable. La réponse à cette question est certainement indécidée, puisqu’elle dépendra profondément de nos choix collectifs. Même si nous sommes encore dans l’œil du cyclone et que la crise sanitaire sans précédent que nous connaissons risque de durer encore plusieurs semaines, sinon plusieurs mois, il me semble tout de même nécessaire et utile de disposer rapidement de quelques repères et bons cadres d’analyse pour comprendre le moment dans lequel nous nous trouvons et ce qu’il nous est permis d’espérer une fois que le plus dur sera passé. Voici comment je lis ce qui nous arrive.
À première vue, aucun point commun n’apparaît entre les attentats du 11 septembre 2001, la crise des subprimes de 2008 et l’épidémie de Covid-19 qui nous frappe en 2020. Sauf que les historiens qui étudieront notre époque dans deux ou trois cents ans y verront sans doute les trois dates les plus importantes du début du XXIe siècle. D’autant plus qu’il existe un facteur commun à ces événements : ils sont chacun à leur manière une crise de la mondialisation, en ceci qu’ils suivent le même schéma et manifestent la même « topologie » :
- un événement (attaque terroriste, choc financier, foyer épidémique) survient à un moment donné en un point précis (appelons-le épicentre) et provoque pourtant une crise systémique-globale en se propageant par cercles concentriques, à la manière des vibrations sismiques. L’épicentre de la crise financière de 2008 fut le marché américain du logement. L’épicentre de la crise sanitaire de 2020 fut la province chinoise du Hubei ;
- l’épicentre de l’événement est toujours un point nodal. Ce n’est pas un hasard si la crise financière est partie des États-Unis et la crise sanitaire de Chine : ces pays sont deux plaques tournantes essentielles de la mondialisation ;
- les régions périphériques finissent souvent par payer plus cher que les épicentres le prix d’une crise qu’elles n’ont pas provoquée : la crise des dettes souveraines découlant de la crise financière a particulièrement abîmé l’Europe du Sud alors qu’elle n’avait rien à voir avec le marché américain du logement ; la crise sanitaire est en train de toucher à nouveau, par une cruelle ironie, l’Europe du Sud, à commencer par l’Espagne et l’Italie, qui compte désormais plus de morts que la Chine.
C’est tout le paradoxe de la mondialisation qui apparaît chemin faisant avec ces trois crises : le fait d’être aussi intégrés et interconnectés nous rend à la fois plus forts et plus vulnérables. Plus forts, parce que l’intégration économique et technologique mondiale a :
- assuré des débouchés nouveaux aux économies américaine et européenne en voie d’essoufflement au sortir des Trente Glorieuses ;
- fait sortir des pans entiers de la population des pays émergents de l’extrême pauvreté, surtout en Asie du Sud d’ailleurs (le continent africain n’ayant hélas pas récolté les fruits de cette mondialisation) ;
- et amélioré les progrès de la connaissance, y compris scientifique.
Mais elle nous a aussi rendus plus vulnérables, et ce n’est pas contradictoire avec ce qui précède puisqu’un choc local appliqué à un point nodal entraîne d’incalculables conséquences en cascade, ce qui n’était pas le cas dans un monde moins ouvert.
Cette force qui peut se retourner contre elle-même et devenir une vulnérabilité s’explique tout simplement par l’organisation spatiale de notre mondialisation. Prenons les chaînes de valeur économiques. Celles-ci ne sont pas linéaires, mais étoilées : il existe des grands hubs métropolitains où se concentrent les donneurs d’ordres, qui eux-mêmes sont en lien avec des hubs régionaux où se trouvent les sous-traitants du second ordre, qui eux-mêmes sont en lien avec des hubs du troisième ordre et ainsi de suite, par imbrications successives. Loin d’être devenu « plat », comme le proclamait l’essai à succès de Thomas Friedman1, le monde n’a jamais été aussi rugueux et cabossé : d’un côté un archipel de hubs étroitement connectés entre eux ; de l’autre, un vaste hinterland plus ou moins bien irrigué, selon le niveau de solidarité défini au sein de chaque système national puisque la redistribution des centres vers les périphéries se fait quasi exclusivement sur une base nationale. En France, nous souffrons a priori moins qu’ailleurs de cette « archipellisation du monde », même si ce n’est pas toujours le sentiment des gens qui vivent dans des territoires en difficulté. Non pas que les activités à haute valeur ajoutée et les emplois très qualifiés ne se concentrent pas de plus en plus dans les métropoles, comme dans le reste du monde occidental : depuis la crise de 2008, l’essentiel des créations nettes d’emploi se fait dans quelques zones métropolitaines. Mais nous possédons un puissant système de cohésion interterritoriale2 qui assure la redistribution entre zones productives et zones moins productives grâce à des tuyaux publics et privés : la dépense sociale, les emplois publics et les administrations, les pensions de retraite… mais aussi les mobilités résidentielles et touristiques qui viennent irriguer des régions pauvres en base productive.
Dans un monde hyperconnecté économiquement et technologiquement, il suffit donc que l’un de ces points nodaux soit touché par un incident pour que l’ensemble du système se grippe, (selon le schéma suivant : d’abord les hubs, ensuite les périphéries), quel que soit le fait générateur. Le fait générateur peut être aussi bien involontaire (une épidémie, une panique financière) que délibéré (une attaque terroriste). En 2008, l’effondrement du marché des subprimes, qui n’étaient pas particulièrement signalés sur la cartographie mondiale des risques financiers, avait provoqué un gel du financement de gros des banques américaines qui s’était ensuite propagé au système financier européen, puis s’était reporté sur l’économie réelle pour enfin affecter très durement les finances publiques des États européens obligés de renflouer dans l’urgence leurs établissements bancaires et leurs industries névralgiques. Comme l’a montré Adam Tooze3 dans son récit magistral de la crise de 2008, il existe une profonde continuité entre ces événements – qui forment une chaîne de dominos. Le bon modèle pour comprendre et mesurer la crise de 2008 n’est donc pas celui de la comptabilité nationale État par État, mais bien celui de la « matrice imbriquée » des bilans d’entreprise, dont la profondeur est vertigineuse. Un seul exemple de ces étranges imbrications bilantielles : Rana, Hemnes, Hattfjelldal et Narvik, quatre petites communes du nord de la Norvège, ont collectivement perdu 350 millions de couronnes norvégiennes (43 millions d’euros) après avoir investi 451 millions de couronnes (55,6 milllions d’euros) dans des obligations adossées à des actifs, eux-mêmes composés de crédits immobiliers à risques du marché du logement américain.
En 2019, une mauvaise soupe au pangolin dégustée sur un marché de Wuhan a peut-être provoqué la pire pandémie que nous ayons connue depuis la grippe espagnole de 1918-1920. Elle s’est d’abord propagée dans la région du Hubei, avant de se diffuser au reste du monde, à cause de la force des mobilités humaines transfrontalières. Qu’on en juge : chaque seconde avant la crise, quelque 130 passagers prenaient l’avion quelque part sur la planète. 1,4 milliard de touristes internationaux ont pris l’avion en 2018, ce qui équivaut à 44 arrivées par seconde dans un aéroport. Ces chiffres laissent imaginer la rapidité avec laquelle peut se propager un virus dans un système ouvert où les personnes circulent intensément d’un pays à l’autre. Il ne s’agit pas d’incriminer la mondialisation comme cause efficiente de la pandémie, comprenons-nous bien, mais plutôt de montrer que notre mondialisation constitue un « contexte spatio-temporel » (ou un « milieu » pour parler un langage écologique…) favorable à la propagation des crises systémiques, où l’alignement des planètes est en effet total. Pour ce qui concerne les pandémies4 :
- les agents pathogènes sautent la barrière des espèces de l’animal à l’homme dans des lieux de rencontre (hotspots) entre l’activité humaine la plus urbanisée et un milieu naturel où se trouve encore une abondante faune sauvage, surtout lorsque les milieux naturels sont perturbés, par des pratiques comme la monoculture intensive ou la contrebande d’animaux sauvages (un business juteux, qui rapporte 19 Md$ par an en Chine) ;
- elles se diffusent de l’homme à l’homme dans des zones fortement urbanisées (la ville de Wuhan est un parfait candidat) ;
- elles deviennent des pandémies mondiales dans des contextes de grandes circulations humaines, que ce soit pour des raisons de guerre ou des raisons économiques : déjà au XIVe siècle, la Grande Peste apparue en Extrême Orient se propagea au monde occidental à cause du développement des routes commerciales eurasiennes (les fameuses « routes de la soie »). Aujourd’hui, on peut sans difficulté superposer la carte des vols aériens intercontinentaux et la carte de la diffusion du coronavirus hors de Chine dans les premières semaines.
Perte de biodiversité, mauvaise « diplomatie » entre l’humain et l’animal, urbanisation débridée et mobilités transfrontalières intenses : telles sont là des caractéristiques premières de notre mondialisation – ou de ce que Michel Lussault a appelé dans son vocabulaire « l’avènement du Monde5 ». Ce mauvais chaînage participe bien sûr à transformer une épidémie locale en une pandémie globale en quelques semaines, alors qu’il avait fallu deux années à la grippe espagnole pour arriver en Europe, et près de quinze à la Grande Peste.
Mais il nous faut aller plus loin. Ce n’est pas seulement que notre mondialisation fournit à cette pandémie un « contexte » ou un « milieu » propice à son développement. En sens inverse, cette crise d’une ampleur sans précédent agit comme un formidable révélateur de plusieurs phénomènes sociaux et environnementaux propres à la mondialisation dont nous n’avions pas pris toute la mesure. Cette crise est ainsi révélatrice de l’intensité de nos liens. Dans un très beau texte repéré par son lointain successeur le Professeur Philippe Sansonetti, Charles Nicolle (1866-1936) qui fut professeur au Collège de France et directeur de l’Institut Pasteur de Tunis écrivait : « La connaissance des maladies infectieuses enseigne aux hommes qu’ils sont frères et solidaires. Nous sommes frères parce que le même danger nous menace, solidaires parce que la contagion nous vient le plus souvent de nos semblables. »6
La rapidité de propagation d’un virus reflète l’intensité des liens qui nous unissent. Ce n’est pas un hasard si les aires métropolitaines sont des foyers particulièrement forts de propagation : chaque jour, nous sommes en contact actif ou passif avec des centaines de personnes, en plus de notre famille et de nos amis, les gens avec qui nous prenons les transports en commun, ceux que nous croisons dans la rue, les collègues de bureaux, les commensaux du restaurant. La cartographie régionale de la diffusion du virus à ce stade, récemment proposée par le Groupe d’études géopolitiques de l’École normale supérieure est particulièrement intéressante7 : sans surprise on trouve parmi les zones les plus touchées les mégapoles, mais aussi les zones frontalières, théâtres de fortes mobilités pendulaires. La fameuse « dorsale européenne », berceau du capitalisme européen puisqu’elle correspond aux anciennes routes commerciales et foires marchandes, est la zone la plus touchée à ce jour. L’on ne prend jamais mieux conscience de la densité de l’infrastructure sociale que lorsqu’un grain de sable enraye une machinerie très complexe qui fonctionne le reste du temps silencieusement. Ce n’est que lorsqu’apparaît chez nous une coupure d’eau à cause d’une canalisation percée ou une panne d’électricité en raison d’un court-circuit sur une ligne à haute tension que nous prenons conscience de la complexité de l’infrastructure matérielle qui distribue l’eau et l’électricité, que nous consommons « naturellement » le reste du temps. Il en va de même de « l’infrastructure sociale » en général. Elle ne nous apparaît dans sa complexité que lorsqu’elle se grippe : ce n’est que quand la fontaine de Trévi ou la place Saint-Marc se vident de leurs visiteurs et de leurs perches à selfie que nous réalisons à quel point des millions de touristes se déversent chaque année dans ces lieux devenus des « hyperlieux » sous l’effet du tourisme international8 ; ce n’est que lorsque les lignes de production chinoises sont à l’arrêt que les industriels américains réalisent la complexité de leurs assemblages productifs et s’inquiètent de la profondeur d’une chaîne de sous-traitants dont ils ignoraient jusqu’à l’existence9 ; ce n’est que lorsque nous sommes confinés dans la solitude ou le huis clos de la vie familiale, que nous prenons conscience de la densité de notre vie sociale quotidienne et la topologie qu’elle implique – à quel point notre quotidien est maillé, tramé par des interactions en tout genre, y compris de simples « voisinages » avec de sombres inconnus. La crise sanitaire que nous traversons est le révélateur ultime et brutal de notre niveau d’interdépendance.
D’ailleurs, la crise révèle l’intrication profonde entre la sociabilité internationale, réservée à une minorité d’individus (clientèle d’affaires et touristes de la classe moyenne mondiale) et les sociabilités infranationales. La vitesse de propagation de l’épidémie dans le nord de l’Italie s’explique par le télescopage de ces deux sociabilités : la Lombardie est un hub industriel et touristique où arrivent chaque année des centaines de milliers de visiteurs en provenance de Chine qui ont importé le virus, mais cette région est aussi le théâtre d’une autre temporalité, celle des mobilités quotidiennes très intenses entre l’arrière-pays formé de bourgades ou de villes moyennes comme Bergame et Brescia, où vivent de jeunes travailleurs précaires, et l’agglomération de Milan où ils travaillent. Le virus s’est vraisemblablement disséminé dans ces villes moyennes à cause de cette configuration spatiale : les jeunes travailleurs, obligés de vivre avec leurs parents et grands-parents, aussi bien pour des raisons économiques (précarité et chômage) que culturelles (la solidarité avec les personnes âgées), ont contracté le virus dans les agglomérations et l’ont transmis dans leur cellule familiale. L’Espagne semble suivre la même trajectoire. Il serre le cœur de se dire que ce sont sans doute les sociétés les moins individualistes, où la solidarité intergénérationnelle demeure la plus vivace, qui paieront le plus lourd tribut humain à la pandémie.
Malheureusement le niveau d’interdépendance de facto que nous avons acquis dans la mondialisation excède de très loin le niveau de solidarité de jure qu’il aurait fallu construire pour minimiser de tels risques. L’accélération des flux et l’interconnexion accrue renforcent les risques systémiques, nous l’avons suffisamment démontré. Après la crise de 2008, les risques propres au système financier ont été mieux identifiés et cartographiés dans le système financier, et l’une des raisons pour lesquelles le système financier ne s’écroule pas actuellement malgré la gravité du test grandeur nature auquel il est soumis tient sans doute à l’effort de normalisation qui a été accompli durant les années 2010 en matière de surveillance prudentielle et de ratios de fonds propres. Mais la finance n’est pas le seul domaine fortement intégré présentant des risques systémiques. Outre le domaine sanitaire, de tels risques existent également dans le domaine énergétique, nucléaire, alimentaire, ou encore technologique (liste non exhaustive).
Nos interdépendances sont mondiales, mais nos solidarités restent indécrottablement locales et nationales. Dans le confinement, nous redécouvrons la force des solidarités familiales et amicales « de proximité » ; nous redécouvrons aussi la force des solidarités nationales. Les États, même au cœur de l’espace Schengen, ferment brutalement leurs frontières, de manière souvent précipitée et désordonnée. Il ne faut pourtant pas y voir seulement un nationalisme de mauvais aloi, mais plutôt la manifestation d’un instinct collectif de survie dans des moments de crise aiguë, lequel se cramponne à la réalité sociale organisée la plus tangible – la nation. Cela ne doit pas nous empêcher de porter un jugement sévère sur l’insuffisante coordination européenne et le labyrinthe institutionnel qui empêche de protéger les citoyens et de produire des biens publics adaptés dans ces temps particulièrement difficiles. Espérons que cette solidarité nationale instinctive ne nous empêche pas du reste de nous sentir semblables partout dans le monde. Avec des centaines de millions de personnes confinées dans leur domicile aux quatre coins du monde, jamais nous n’avons autant fraternisé dans la même expérience commune. C’est peut-être une chance historique, dans nos sociétés segmentées et archipellisées10, que nous puissions nous redécouvrir une expérience commune, dont le ciment est certes un sentiment négatif : la peur. Face à ce gigantesque benchmark mondial des politiques publiques que constitue cette crise (puisqu’il suffit d’ouvrir un fil d’informations pour comparer la qualité de la réponse apportée par les différents États), il existe d’ailleurs un enjeu spécifique pour les nations européennes, que l’on peut qualifier de « démocraties sociales de marché » : montrer que le modèle d’État social et démocratique ne démérite pas dans la gestion de la crise, en comparaison de l’État-Parti chinois ou de l’État libéral américain…
Alors maintenant quelles leçons tirer pour la suite ? Je ne me risquerai pas aux pronostics sur la sortie de crise. Sans préjuger de l’évolution de la pandémie, on peut raisonnablement espérer atteindre rapidement un plateau et éviter la surcharge hospitalière. S’agissant de la crise économique, il faut s’attendre à une baisse très importante de la production, pour cette simple raison que durant un ou deux trimestres, des millions de travailleurs seront éloignés de leur poste de travail sous l’effet des mesures d’ordre public sanitaire, à commencer par le confinement, qui réduit également la demande dans des proportions incalculables. La priorité absolue est dans ce contexte de faire de l’État un assureur en dernier ressort : il doit « prendre sur lui » la chute d’activité temporaire due aux mesures d’ordre public sanitaire, et prémunir salariés et entreprises de ses conséquences désastreuses de long terme. Quoi qu’il en coûte. Les salariés peuvent être protégés par d’ambitieuses mesures de chômage partiel qui évitent les licenciements. La trésorerie des entreprises doit également être soutenue, par tous les moyens, pour leur éviter de mettre la clé sous la porte, dans un contexte très difficile de perturbation simultanée des chaînes de production et de la consommation. De nombreuses propositions ont été formulées par la communauté des économistes. Les plus convaincantes concourent à faire de l’État un « réassureur en dernier ressort ».
Plusieurs autres enseignements de plus long terme peuvent en revanche être tirés.
Premier enseignement : le retour de la puissance publique est désormais acquis, après trente ans de « pilotage automatique » et de « fin de l’Histoire ». Les trois crises majeures de la mondialisation (11 septembre, subprimes et coronavirus) ont à chaque fois ébranlé la finalité première de la puissance publique – qui est de garantir la paix publique. La paix publique possède en effet trois composantes : la sûreté, entendue comme l’absence de guerre ou d’agression ; la sécurité, entendue comme l’absence de crise ou d’accident ; la santé enfin, entendue comme l’absence de maladie. Avec le Covid-19, la boucle est donc bouclée. La paix civile, a été par trois fois testée en vingt ans, sur chacune de ses dimensions essentielles : le terrorisme a ébranlé la sûreté physique, la crise financière a ébranlé la sécurité économique et sociale, le coronavirus ébranle la santé humaine. Pour bien comprendre ce qui se joue, il faut revenir aux fondamentaux, c’est-à-dire au Leviathan de Hobbes. Le frontispice de la première édition du Leviathan (1651) est frappant. Le souverain qui vient d’être érigé pour mettre fin au désordre et à la guerre perpétuelle se tient presque en suspension au-dessus de la Cité – un Léviathan lévitant. La Cité est vide, comme si tout le monde était confiné dans son domicile, à l’exception de quelques individus qui se promènent à l’air libre. Si l’on regarde de plus près, avec une loupe, on discerne deux types d’individus sur la Grand-Place déserte : des gendarmes chargés d’assurer la sûreté publique, reconnaissables à leurs mousquets ; et des médecins, reconnaissables à leurs longs masques à bec censés les protéger contre la peste. Lorsque le danger est là, l’espace public n’est plus occupé que par ceux qui prennent soin de la paix civile, à commencer les gendarmes en charge de la sûreté et les soignants en charge de la santé. Pour Hobbes, fortement influencé par le passage de Thucydide sur la grande peste d’Athènes11, les moments de crise épidémique sont ceux qui dévoilent le rapport du peuple et de la souveraineté : une masse de malades dont il faut prendre soin, quitte à les exclure tout bonnement de l’espace public, « pour leur bien ». La différence entre la pensée de Hobbes et la crise que nous vivons, c’est que dans la crise que nous vivons cet état d’exclusion de l’espace public est temporaire, lié à des circonstances exceptionnelles, alors que chez Hobbes il est pour ainsi dire permanent. Il faut dire qu’entre Hobbes et nous, la démocratie s’est greffée à la Res Publica – et la nation démocratique à l’État.
Les crises de 2001, 2008 et 2020 ont chacune à leur manière infligé un cinglant démenti aux tenants de la fin de l’Histoire, qui soutinrent après 1989 que la mondialisation devait être placée en « pilotage automatique », c’est-à-dire que l’intégration progressive des marchés amènerait dans son sillage la démocratie libérale, la prospérité économique et la santé humaine – un état de paix perpétuelle sur fond de « zéro risque-zéro mort ». Bien sûr le nombre de morts du fait du Covid-19 risque d’être incommensurablement plus faible que le bilan de la grippe espagnole il y a un siècle qui fit plusieurs millions de victimes. Mais il se chiffre déjà en milliers, se chiffrera demain en dizaines de milliers et peut-être en centaines de milliers. Dans les régions les plus touchées comme l’Italie du Nord ou la province de Hubei, chacun connaît dans son cercle rapproché une victime du coronavirus. Nous pensions avoir éradiqué la mort de masse après la Seconde Guerre mondiale, et encore un peu plus depuis 1989 ; nous pensions que la mort n’était plus qu’une chose naturelle, qui pouvait de temps à autre surgir de manière accidentelle, mais selon la loi des individus et non la loi des séries, et voici qu’elle frappe à nouveau en masse, comme le montrent ces cercueils alignés dans les églises italiennes que les familles endeuillées ne peuvent même plus pleurer puisque même les rassemblements sont interdits.
Comme la lumière au bout du tunnel, l’après nous paraît bien loin. C’est une nouvelle architecture de la mondialisation qu’il nous faudra pourtant inventer, rien de moins. Face aux dérèglements provoqués par ces crises systémiques, la puissance publique devra jouer le rôle d’une écluse. En langage maritime, il s’agit d’un bassin séparé par deux vannes servant à réguler la dénivellation d’un canal. Lorsqu’un bateau qui navigue souhaite passer un dénivelé, il est invité à entrer dans un bassin de mise à niveau. Celui-ci se remplit ou se vide, ce qui permet au bateau d’être au même niveau que l’eau en aval, et ainsi de poursuivre sa navigation. Les États-nations doivent en quelque sorte redevenir les écluses de la mondialisation. Lorsque des flux humains, économiques ou financiers risquent d’avoir un impact sanitaire, social ou environnemental négatif, le gouvernement national (ou la puissance européenne, si l’on se décide à construire une Europe-puissance capable de produire des biens publics, plutôt qu’une Europe de la règle…) peut décider de mettre en place certaines limites, provisoires ou non. Il ne s’agit pas de se claquemurer derrière des remparts mais au contraire d’organiser une régulation des flux de la mondialisation, comme les écluses organisent la circulation des bateaux sur un canal. Les écluses constituent des valves de sécurité qui évitent la propagation rapide et exponentielle des incidents dans des systèmes complexes. Paul Valéry avait décidément raison de dire : « Ce qu’il y a de plus profond chez l’homme, c’est la peau. »
En complément de ces marges de manœuvre restaurées, il faudra envisager de construire un véritable état de droit mondial sans état mondial, comme le dit Mireille Delmas-Marty12. Il ne peut pas s’agir d’un Droit surplombant ou de réglementations émises par des autorités administratives non démocratiques, déconnectées de toute légitimité politique. L’effectivité et la légitimité restant largement du côté des États-nations démocratiques, l’erreur du globalisme fut depuis les années 1980 de penser que des institutions supranationales, comme l’OMC en matière commerciale, pourraient tout bonnement suppléer les États à mesure que l’économie se mondialisait. Cela a abouti à une intégration négative, les États abandonnant des morceaux de souveraineté à la faveur de traités multilatéraux, sans que ces abandons ne se traduisent par des gains de souveraineté ou de solidarité à une échelle supranationale – c’est ce que l’on appelle l’intégration négative, qui a surtout pris la forme d’un désarmement généralisé de la puissance publique (la fameuse « race to the bottom »). En lieu et place de ces abandons de souveraineté, il est crucial de revenir à une approche plus raisonnable : faire en sorte que les droits nationaux incorporent désormais des dispositions universelles, notamment celles qui touchent aux biens publics mondiaux (environnement, qualité de l’air, santé, stabilité financière…). C’était par exemple l’objet du Pacte mondial pour l’environnement. Proposé par la France en 2017, ce pacte proposait aux États-nations d’intégrer dans leur droit interne les principes fondamentaux du droit de l’environnement parmi lesquels le droit pour toute personne de vivre dans un environnement sain ; l’obligation d’évaluer l’impact environnemental de tout projet ; le principe de précaution ou encore le principe du pollueur-payeur. Ce projet a échoué à cause de l’opposition des États-Unis, de la Chine, de la Russie et du Brésil (les usual suspects…) à Nairobi, au printemps 2019, faute d’un engagement suffisamment ferme de l’Europe. On pourrait en faire de même en matière de droit du travail et bien sûr en matière sanitaire. Une telle approche, misant sur la responsabilité des États-nations, est sans doute plus riches de promesses que la voie « globaliste » et les abandons de souveraineté qui ont trop souvent conduit à la moins-disance pure et simple. L’équivalent philosophique de cette doctrine juridique doit être recherché dans « l’universalisme réitératif » promu par Michael Walzer13. Il n’est pas possible d’apercevoir l’Idée de Justice, abstraite et universelle ; nous n’avons, à chaque fois, affaire qu’à une idée concrète de la justice, telle qu’elle s’incarne dans les fins particulières que les nations démocratiques se donnent à elles-mêmes. Cette diversité des nations est productrice d’émulation et d’innovation. Les Cités italiennes du Moyen-Âge – Florence, Venise, Rome, Naples, Sienne… – étaient des phares dans la pensée, l’art, le droit mais aussi la production économique parce qu’elles étaient en situation d’émulation les unes avec les autres. Il en alla de même pour les nations européennes entre le XVIe siècle et le début du XXe siècle14, jusqu’à ce que l’hypernationalisme n’anéantisse cette saine émulation et ne la transforme en un déluge de feu et d’acier. L’hypermondialisation, comme l’hypernationalisme, n’est pas une bonne chose précisément parce qu’elle substitue la compétition féroce à l’émulation saine. Or l’émulation est un mélange de compétition et de coopération, et c’est ce subtil dosage qui est bon à la fois pour l’économie mondiale mais aussi pour la réalisation de la justice.
Ce nouvel ordre international pourrait s’appuyer assez largement sur les institutions existantes, à condition que certaines de leurs règles de fonctionnement évoluent. Dans les années 1980 et 1990, les partisans de la mondialisation libérale ont voulu s’assurer de la préséance de l’expansion des flux économiques sur toute autre considération collective, qu’elle soit sociale, environnementale, sanitaire ou autre. Une règle simple et de bon sens pourrait consister à dire que les nations démocratiques (ou l’Europe si, une fois encore, elle se décide à devenir une « puissance ») ont le droit de définir leurs règles, leurs institutions et même leurs systèmes de croyances propres. Si les citoyens européens ne veulent pas de viande de bœuf nourri aux hormones de croissance en provenance des États-Unis ou du Canada dans leurs assiettes parce qu’ils n’ont pas envie de manger ce type de viande, ils devraient avoir le droit de prendre des mesures de suspension des importations sans être obligés de prouver, études scientifiques à l’appui, que cette viande est cancérigène. Leur délibération démocratique décidant qu’ils ne veulent pas de ce bœuf aux hormones car il ne correspond pas à l’alimentation saine et écologique à laquelle ils aspirent devrait suffire. On ne peut que regretter l’incapacité de la science économique à prendre en compte ces enjeux vitaux de long terme qui ont pour nom : sûreté, sécurité et bien sûr santé.
Avec cette nouvelle architecture de la mondialisation, la puissance publique retrouvera sa fonction de « gare d’aiguillage », capable de discriminer entre ce qui a vocation à être mis sur le marché mondial et ce qui n’a pas vocation à y être ; capable d’imposer des décélérations sélectives en reprenant le contrôle des biens publics hors marché, à commencer par la lutte contre le changement climatique et l’érosion de la biodiversité ; capables de relocaliser certains actifs stratégiques, comme la production de protéines végétales ou des principes actifs des médicaments, afin de retrouver la maîtrise des chaînes d’approvisionnement essentielles pour la vie humaine : sanitaires, alimentaires, énergétiques, ou encore technologiques. C’est cette philosophie politique que j’ai essayé d’esquisser dans mon livre Slow Démocratie, Comment maîtriser la mondialisation et reprendre notre destin en main15.
Une économie circulaire et locale pourrait ainsi s’épanouir autrement que sous la forme de moignons, « hors mondialisation » mais dynamisée par les revenus des secteurs compétitifs qui, eux, vivent bien de la mondialisation. Les bâtiments sont rénovés avec des matériaux de qualité produits localement, par exemple du bois issu du domaine forestier du territoire. L’énergie renouvelable (éolien, solaire, biomasse…) forme une part plus importante du mix énergétique local. Les déchets sont intégralement recyclés grâce aux progrès de l’économie circulaire. Une part de plus en plus importante des fruits et légumes de saison que l’on consomme sont produits dans un rayon de quelques centaines de kilomètres, comme le proposent d’ores et déjà les AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne), qui rapprochent producteurs et habitants d’une même région, en reformant des circuits courts. Aujourd’hui ces initiatives existent mais elles sont extrêmement limitées et éparses. Un passage à l’échelle encouragé par la puissance publique doit s’organiser, car dans tous ces domaines, il y a des gisements énormes d’emplois sédentaires qui permettraient de sortir de la frustration des millions d’habitants qui vivent dans ces zones cassées par la mondialisation et la désindustrialisation. Les pouvoirs locaux peuvent encourager leurs producteurs locaux en labellisant leurs produits, en mettant à leur disposition des terrains viabilisés ou des terres agricoles en échange d’un loyer modique, en les accompagnant juridiquement pour former une coopérative de producteurs, en développant une monnaie locale qui ne peut être dépensée que dans les produits du territoire, en encourageant fiscalement le commerce de centre-ville et l’artisanat local, en faisant à nouveau de l’apprentissage et de la formation professionnelle des filières d’excellence, ce qui implique d’arrêter de tout indexer sur le diplôme universitaire. Petit à petit, à bas bruit, il est ainsi possible de soustraire localement des pans de la production économique et de la vie sociale au rythme effréné de la mondialisation et à ses chaînes de valeur éparpillées.
Il ne s’agit évidemment pas de « démondialisation » – cela n’aurait aucun sens. L’enjeu n’est pas de se barricader et de revenir au village d’Astérix, pas davantage que de rembobiner le film en appuyant sur un bouton, pour nous ramener dans la France sépia d’avant les Trente Glorieuses. Ces solutions-là sont illusoires. La division internationale du travail est là avec ses effets de spécialisation, et elle a apporté certains bienfaits, dont le moindre n’est pas d’avoir sorti des centaines de millions de personnes de la pauvreté. Il s’agit plutôt d’être en capacité de discriminer de manière démocratique entre ce qui peut et doit être mis sur le marché mondial, avec son inévitable exigence de compétitivité et de rapidité, et ce qui peut au contraire être abrité, préservé, encouragé dans des circuits courts, sédentaires, circulaires, ralentis – à l’abri de l’intégration économique mondiale et de sa force d’arasement.
On pourrait m’objecter qu’un tel programme risque de faire émerger un territoire à plusieurs vitesses : d’un côté ceux qui accueillent des entreprises compétitives, qui se projettent sur les marchés mondiaux et versent des salaires élevés à leurs cadres ; de l’autre les activités locales et circulaires. Sauf que le territoire à plusieurs vitesses est déjà là, entre les activités tournées vers l’économie mondiale, souvent concentrées dans les métropoles d’envergure internationale, et les activités sédentaires à faible valeur ajoutée disséminées sur tout le territoire. Et ce décrochage est aggravé par les récits que l’on raconte, par les mythes territoriaux sur les métropoles mondialisées et les périphéries déglinguées. Il faut au contraire prendre le contrepied de ces fragmentations, encouragées par les dynamiques hors de contrôle de la mondialisation. Il est urgent d’inventer un nouveau récit territorial où la solidarité entre secteurs nomades et secteurs sédentaires est restaurée et où les fractures territoriales sont remplacées par des coopérations et des complémentarités.
Si nous ne le faisons pas, deux offres politiques se disputeront les suffrages des classes moyennes désemparées et en perte de repères. Une offre ultra-nationaliste, déjà gagnante sur tous les continents, qui proposera des kits de « reprise en main » aussi simples qu’illusoires, fondés sur la race, le triage des identités, les fermetures de frontières aussi efficaces que les portes qui claquent au vent. Une offre encore en gestation mais dont on voit poindre les signaux faibles : l’ultra-localisme, désabusé par la mort des idéologies et la perte de repères générale de notre époque, considérant que la seule planche de salut à opposer au chaos du monde réside dans l’autarcie des territoires, à la mode collapsologique.
Lorsque les premiers feux de la mondialisation se sont manifestés, dès les années 1960, les économistes les plus sérieux nous avaient prévenus : les effets distributifs seront importants dans les sociétés ; il y aura de grands gagnants et de grands perdants. Rien de plus normal puisque des processus comme l’ouverture commerciale, l’intégration financière, la fragmentation des chaînes de valeur, revenaient à modifier la rémunération relative du travail et du capital dans tous les secteurs de l’économie. Ce simple constat aurait dû mettre la puce à l’oreille : il fallait une vigoureuse intervention publique pour corriger ou compenser les effets négatifs d’une plus grande interdépendance. Il aurait fallu un nouvel âge de la puissance publique. Cela n’a pas été le cas puisqu’on a promu au contraire l’affaiblissement de la puissance publique, à mesure que s’approfondissait la mondialisation. Le néolibéralisme, c’est exactement cela à mon sens : la promotion de la mondialisation en même temps que le recul de la puissance publique, dans ce qu’elle peut avoir de discrétionnaire et d’interventionniste, au profit de règles globales qui placent les démocraties en pilotage automatique. Il aurait été possible il y a trente ans de concevoir une toute autre mondialisation fondée sur l’interdépendance et la solidarité, mais cela aurait supposé d’armer tout à fait différemment la puissance publique. Au lieu de cela, nous avons eu l’interdépendance sans la solidarité. Nous voyons aujourd’hui à quel point cela nous a rendus vulnérables.
On ne rembobine pas l’Histoire. Tout au plus peut-on se prendre à espérer que l’humanité ne reproduira pas l’attitude moquée par Jean de La Fontaine dans sa célèbre fable « Les animaux malades de la peste » : celle qui consiste, au cœur de l’épidémie, sous l’empire de la peur, à désigner des boucs-émissaires plutôt que construire fraternellement des solutions pour une mondialisation maîtrisée, ralentie, bref : soutenable.
Sources
- Thomas Friedman, The World Is Flat The World Is Flat : A Brief History of the Twenty-First Century, Farrar, Straus and Giroux, 2005.
- Laurent Davezies, La République et ses territoires : La circulation invisible des richesses, Seuil, coll. « La République des idées », 2008.
- Adam Tooze, Crashed, Les Belles Lettres (trad. Française), 2018.
- Peter Daszak, « Anatomy of a Pandemic », The Lancet, vol. 380.
- Michel Lussault, L’avènement du Monde : Essai sur l’habitation humaine de la terre, Seuil, 2013.
- Charles Nicolle, Destin des maladies infectieuses, 1933.
- Voir ici : https://legrandcontinent.eu/fr/observatoire-coronavirus/
- Michel Lussault, Hyper-lieux : les nouvelles géographies de la mondialisation, Seuil, 2017.
- Voir cet article du Financial Times : https://www.ft.com/content/be05b46a-5fa9-11ea-b0ab-339c2307bcd4
- Jérôme Fourquet, L’archipel français, Seuil, 2019.
- « La maladie déclencha également dans la ville d’autres désordres plus graves. Chacun se livra à la poursuite du plaisir avec une audace qu’il cachait auparavant. À la vue de ces brusques changements, des riches qui mouraient subitement et des pauvres qui s’enrichissaient tout à coup des biens des morts, on chercha les profits et les jouissances rapides, puisque la vie et les richesses étaient également éphémères. Nul ne montrait d’empressement à atteindre avec quelque peine un but honnête ; car on ne savait pas si on vivrait assez pour y parvenir. Le plaisir et tous les moyens pour l’atteindre, voilà ce qu’on jugeait beau et utile. Nul n’était retenu ni par la crainte des dieux, ni par les lois humaines ; on ne faisait pas plus de cas de la piété que de l’impiété, depuis que l’on voyait tout le monde périr indistinctement ; de plus, on ne pensait pas vivre assez longtemps pour avoir à rendre compte de ses fautes. Ce qui importait bien davantage, c’était l’arrêt déjà rendu et menaçant ; avant de le subir mieux valait tirer de la vie quelque jouissance. »
- Voir notamment https://legrandcontinent.eu/fr/2020/03/18/coronavirus-mondialisation-droit-delmas-marty/.
- Michael Walzer, « Les deux universalismes », Esprit, n° 187, Décembre 1992, pp. 114-133.
- Voir le livre intéressant de David Cosandey, Le secret de l’Occident : Vers une théorie générale du progrès scientifique, Flammarion, coll. Champs Essais, 2008.
- David Djaïz, Slow Démocratie, Comment maîtriser la mondialisation et reprendre notre destin en main, Allary éditions, 2019.