Rome. Le 18 juillet, Matteo Salvini a évoqué pendant quelques heures la rupture du gouvernement, en prenant comme prétexte l’élection d’Ursula von der Leyen avec les voix du M5S. 

Les 14 voix des députés européens du Mouvement cinq étoiles se sont révélées décisives pour son élection, alors que la Ligue s’y est opposée, car elle aurait pu voter pour Ursula von der Leyen en échange d’une place importante au sein de la nouvelle Commission. Elle s’est finalement ralliée au Rassemblement national de Marine Le Pen et au reste du groupe Identité et démocratie. 

En conséquence Matteo Salvini a exprimé sa déception vis-à-vis du vote des M5S qui, à cette occasion, se sont alignés sur les forces opposées au gouvernement italien comme Forza Italia (PPE) ou le Parti démocrate (Spe), en qualifiant cette élection de fruit de l’axe « Merkel, Macron, Renzi, Di Maio ».1.

Cette fois-ci, le risque de crise gouvernementale est bien réel. Le ton des phrases et les argumentations semblent être de vraies anticipations d’une propagande électorale. D’une part, il est paradoxal que l’élection de Mme von der Leyen ait presque provoqué la rupture du gouvernement jaune et vert, puisque ce sont précisément ces deux formations qui, avant les élections européennes, menaçaient de bouleverser l’ancien équilibre européen.

D’autre part, l’élection de l’ancienne ministre allemande de la Défense à la tête de la Commission européenne aurait pu être le casus belli. En effet, les chances du gouvernement jaune-vert d’aller au terme de son mandat sont désormais infimes. N’importe quel autre sujet aurait pu précipiter ce conflit, tant les discordes accumulées après les élections européennes du 26 mai sont nombreuses. 

Isolé en Europe, assiégé par le M5S sur la question des financements russes, mais soutenu par son électorat comme on l’a vu avec le résultat obtenu lors des précédentes élections européennes, Matteo Salvini pourrait faire tomber le gouvernement et aller aux élections pour détourner l’opinion publique du scandale de l’argent russe dont aurait bénéficié la Ligue. Après des semaines de dénégations, de rétractations sous la pression de la presse, le leader de la Ligue pourrait être tenté d’aller aux urnes et de gouverner avec le centre-droit pour se sortir de ce piège, avant que le scandale des médias russes ne lui fasse perdre des pourcentages importants de voix.

La seule crainte de la Ligue est que se forme une majorité alternative au Parlement entre le M5s et le PD, même si au sein du Parti démocrate, l’aile renzienne, encore forte et médiatiquement importante, est aujourd’hui totalement opposée à une éventuelle alliance avec Di Maio et les 5 étoiles.

Dans ce contexte, le sous-sécretaire d’État et conseiller de Salvini, Giancarlo Giorgetti, est parti prendre la température auprès du président de la République Sergio Mattarella, officiellement pour expliquer les raisons de sa renonciation à la fonction de commissaire européen. En réalité, pour avoir aussi des garanties du chef de l’État. Mais si on créait une majorité alternative il ne pourrait pas dissoudre le Parlement. 

Par ailleurs, la priorité du président Mattarella reste de sécuriser le budget italien2. Ce ne sera pas un diktat, car le dernier mot sur la crise et les élections relève des partis, mais le conseil de Sergio Mattarella est d’assumer la responsabilité : mettre en sécurité la session budgétaire afin de ne pas conduire l’Italie en exercice budgétaire provisoire. Cela impliquerait inévitablement l’augmentation de la TVA, outre d’autres tensions sur les marchés. Les collaborateurs de Mattarella répondent de manière nette qu’au Quirinal il n’y a pas de construction de scénarios en dehors des indications que donneront éventuellement les partis et le Parlement. Si l’on veut verrouiller la session budgétaire, Salvini devrait ouvrir une crise immédiatement, d’ici la fin du mois, pour aller voter le 29 septembre ou la première semaine d’octobre3. De toute manière, le Palais Chigi, le siège du Premier ministre, demeure crucial : impossible d’avoir une crise s’il n’y a pas de démission de Giuseppe Conte ou de motion de défiance contre lui de la part du Parlement.

Perspectives :

  • Selon plusieurs observateurs, à la base de la crise italienne il y aurait aussi la discussion sur le prochain commissaire européen italien. Selon l’accord de gouvernement signé entre les deux parties, il devrait être nommé par la Ligue. Mais la radicalisation anti-européenne de Matteo Salvini et l’influence croissante du Mouvement 5 étoiles à Bruxelles pourrait créer des nouveaux équilibres dans la course vers la nomination.
Sources
  1. LOTTERO Luca, Lega et Cinq-Étoiles s’opposent en Europe, Le Grand Continent, 17 juillet 2019
  2. PALMERINI Lina, La linea di Mattarella : tutelare il bilancio, Il Sole 24 Ore, 19 juillet 2019
  3. Governo, il timing della possibile crisi : voto a settembre ancora possibile, Il Messaggero, 18 juillet 2019