Cité du Vatican. La réforme institutionnelle voulue par le pape François bat son plein. C’est en tous cas ce que laisse penser le spectaculaire rapprochement qui s’est opéré, depuis lundi dernier, entre la Commission et le Parlement européens d’une part, et l’État de la Cité du Vatican d’autre part. Son principal artisan au sein de l’Union : la commission ICHTHUS (International Christianity, The Holy See and Union Scouts) formée le 14 mars dernier par une vingtaine de députés strasbourgeois à l’occasion de la canonisation du pape Pie II.

L’État de la Cité du Vatican, enclavé dans la ville de Rome, a été créé en 1929 par les accords de Latran qui la lient aujourd’hui encore à l’État italien. Si des accords douaniers additionnels avec la République italienne permettent un libre passage entre les deux territoires, les 3200 mètres de frontières du plus petit État au monde, non membre de l’Union européenne, sont bien des frontières extérieures de l’UE, de l’espace Schengen, du marché unique et de l’Union douanière. L’Union dispose également d’un unique accord monétaire avec la cité papale, signé en 2001, qui y introduit l’euro et l’autorise à frapper près de 700 000€ de pièces de monnaie chaque année 1.

Les relations entre l’UE et le Saint-Siège, sujet de droit international qui représente le pape et dispose de la souveraineté sur l’État de la Cité du Vatican, sont gérées par une délégation du Service européen pour l’action extérieure. Des relations bilatérales complètes existent depuis 2006. Ces relations diplomatiques, généralement cordiales, ont cependant été marquées par une série de désaccords, qui remontent à l’exhortation apostolique de Jean-Paul II, en faveur de l’inscription dans le projet de constitution européenne d’une référence aux racines chrétiennes de l’Europe 2. De plus, l’Institut pour les œuvres de religion (la « Banque du Vatican »), est régulièrement pointée du doigt pour son fonctionnement peu transparent, qui a entraîné la démission de son directeur général en 2013 3.

C’est à ces difficultés que souhaite remédier la commission ICHTHUS. Son président, José de las Bromas de Abril, a ainsi déclaré : « Nous souhaitons permettre une entrée graduelle de l’État du Vatican comme membre observateur dans la Zone euro et de l’Union bancaire, et même envisager à terme une demande d’adhésion à l’UE ». Une démarche qui risque de se heurter à un blocage légal de taille : l’État de la Cité du Vatican, monarchie absolue sans économie de marché, ne remplit pas les critères de l’article 49 TUE. L’obstacle semble cependant très loin d’inquiéter le secrétaire de la Commission ICHTHUS, John Lamproy : « Un collègue du Mouvement 5 Étoiles nous a suggéré une élection du pape au suffrage universel par internet ; nous attendons la réponse du Gouvernorat. » Et sa collègue Renate Lachs de renchérir : « Le Vatican pourra très aisément fermer certains chapitres des négociations, notamment dans le domaine budgétaire. Le budget du Vatican présente un excédent appréciable et la Cité a probablement le premier PIB par habitant du monde. C’est le cas également dans le domaine de la pêche, puisque de mémoire de Romain on n’a jamais vu personne tenter de braconner impunément une baleine dans les deux fontaines de la place Saint-Pierre. Notons enfin qu’avec 6 députés européens au moins pour environ 800 citoyens, le Vatican pourrait compter sur une représentation optimale au Parlement. »

En privé, le service de presse du Conseil européen confie cependant à la Lettre du Lundi : « Le problème, c’est que le Vatican est aussi dirigé par une Commission, la Commission pontificale, dont le Cardinal président porte le titre de président de la Commission. Il y aurait donc potentiellement deux présidents de la Commission autour de la table lors des discussions d’adhésion. Difficile de ne pas s’embrouiller dans les compte-rendus. »

Les institutions européennes pourraient donc être tentées de noyer le poisson.

François Hublet

Sources
  1. Convenzione monetaria tra l’Unione europea e lo Stato della Città del Vaticano, État de la Cité du Vatican, version du 17 décembre 2009.
  2. JEAN-PAUL II, Ecclesia in Europa, exhortation apostolique, 28 juin 2003.
  3. Banque du Vatican : démission du DG, Le Figaro, 1er juillet 2013.