Paris. Irak, Syrie : l’armée de l’air a un rôle important dans la participation de la France à la coalition internationale contre le terrorisme. Elle est également opérationnelle 24 heures sur 24 sur le territoire français, dans le cadre de la Posture Permanente de Sûreté Air, avec toute une chaîne allant de la détection d’aéronefs suspects à l’intervention des avions de chasse, en passant par le contrôle aérien et les télécommunications associées, tout cela en coordination avec les aviations civiles européennes et l’OTAN : il peut s’agir de vols commerciaux suspects (éviter un 11 septembre bis) ou encore d’aéronefs militaires russes testant les défenses européennes.

Le général Vincent Lanata a déploré cette semaine dans les colonnes de L’Express que les postes de direction du ministère des armées, ainsi que les postes en cabinet (au ministère et auprès du président ou du premier ministre) soient monopolisés par des officiers de l’armée de terre ou de la marine. Le seul poste stratégique confié à un officier de l’armée de l’air depuis 10 ans serait celui de Supreme Allied Command Transform de l’OTAN, occupé par le général André Lanata (fils de Vincent). La « voix de la troisième dimension » est-elle pour autant inaudible ?

Reprenons dans l’ordre les types d’équipements militaires évoqués par le général Lanata, en gardant à l’esprit que les programmes d’armement sont décidés et gérés conjointement par les Armées et par la DGA (Direction Générale pour l’Armement).

L’actuel délégué général pour l’armement, Joël Barre, ayant un parcours alliant programmes militaires spatiaux et CNES, il paraît très peu probable que la problématique spatiale soit négligée. Le spatial militaire français est ainsi en plein renouvellement. Ces nouveaux moyens font par ailleurs l’objet d’accords européens (partage des données collectées…).

S’agissant de la défense antimissiles (3), les armées françaises disposent autour des missiles Aster de systèmes très performants, le SAMP/T (ou MAMBA) (1) pour l’armée de l’air.

Sur le sujet du SCAF (Système de Combat Aérien Futur), les déclarations de la ministre des armées française Florence Parly et de ses homologues étrangers se succèdent à un rythme élevé, au gré du lancement des différentes composantes (avion de chasse, réacteur…) ou de l’apparition de nouveaux États intéressés (l’Espagne a ainsi récemment rejoint l’initiative franco-allemande). Plus largement, et à plus brève échéance, avec la confirmation du standard F4 du Rafale, l’initiative Man Machine Teaming pour intégrer de l’intelligence artificielle dans cet avion, ou encore le premier tir du missile METEOR dans des conditions représentatives du contexte opérationnel, le 13 février 2019, peut-on sérieusement affirmer que la vision de l’armée de l’air est exclue des – nombreux – arbitrages entre programmes d’armement ?

De plus, le choix allemand du SCAF (et non du F35 américain) a semble-t-il été fait contre l’avis de l’armée de l’air allemande, afin de contribuer sur le plus long terme à l’autonomie stratégique européenne, ce qui rappelle la position de la marine française dans les années 80, qui préférait acheter un avion américain plutôt que d’attendre une déclinaison marine du Rafale… La décision de passer outre cette volonté de la marine a d’ailleurs été au centre de la dissociation Rafale/Eurofighter, et le SCAF doit résoudre ce relatif éparpillement des efforts européen. La voix des responsables militaires est donc un élément essentiel, mais pas unique, des choix en matière d’armement, quelle que soit la provenance des officiers aux postes d’influence.

Concernant la composante aéroportée de la dissuasion, l’armée de l’air (et la marine, sur le porte-avion Charles de Gaulle) disposent de moyens récents (la TNA, tête nucléaire aéroportée, est d’ailleurs la première arme nucléaire validée intégralement par la simulation et non par des essais réels), et en voie de modernisation (successeur du missile ASMP-A). La bascule vers le tout Rafale (en remplacement du Mirage) a eu lieu, et dans le domaine du ravitaillement, l’arrivée récente (5) du premier Airbus MRTT (octobre 2018), en remplacement d’avions américains datant du général de Gaulle, est un signe fort du renouvellement des moyens concourant à la dissuasion aéroportée – et la présence de la ministre des armées montre que le sujet est bien perçu au niveau politique.

Des domaines non évoqués par le général Lanata sont également très importants et bien pris en compte : avion de transport A400M dont les livraisons s’accélèrent (là encore une coopération européenne, avec également une mutualisation de l’emploi par les militaires des avions livrés aux différentes nations), lancement (2) de l’avion de guerre électronique CUGE….

Ainsi, bien qu’il s’en défende, la tribune (4) du général Lanata semble relever d’une forme de corporatisme, si l’on considère la réalité des risques mis en avant – liés à l’équipement des forces. Ce qui ne signifie pas qu’une répartition équilibrée des postes d’influence ne soit pas un objectif à viser.

Perspectives :

  • Défense aérienne : développement de systèmes turcs reprenant des composants du SAMP/T dont l’Aster ; future acquisition Suisse pour laquelle le SAMP/T candidate.
  • Suite des livraisons des ravitailleurs Airbus MRTT.

Sources :

  1. SAMP/T Aster 30 Mamba Surface-to-air defense missile system, Army Recognition, 27 septembre 2018
  2. BARNIER Léo, La France lance le programme d’avions de renseignement CUGE, Journal de l’Aviation, 1er mars 2018
  3. GAUTIER Jacques, PINTAT Xavier, REINER Daniel, La défense antimissile balistique : bouclier militaire ou défi stratégique ?, Rapport d’information (Sénat), 6 juillet 2011
  4. LANATA Vincent, « Mais où est donc passée l’Armée de l’Air ? », l’Express,05 mars 2019
  5. VIGOUREUX Thierry, L’A330 MRTT donne des ailes à la dissuasion nucléaire française, Le Point, 19 octobre 2018

Benoît de Laitre