Rome. Parmi les différents pays où la lettre d’Emmanuel Macron “Pour une Renaissance européenne” a été publiée, l’Italie a fait l’objet d’une attention particulière pour sa réponse à l’appel du Président français. La raison de cet intérêt privilégié est la querelle diplomatique qui a divisé Rome et Paris ces dernières semaines, dans une escalade continue qui a explosé avec le retrait de l’Ambassadeur de France en Italie, et que nous avons suivie de près dans les éditions précédentes de cette Lettre (1).

Dans une telle situation, il n’est pas surprenant que la réponse italienne à la publication de la lettre du président Macron ait été peu enthousiaste, tant dans les médias qu’au gouvernement. Si la lettre a été publiée dans le Corriere della Sera, le principal journal de la bourgeoisie modérée, la plupart des journaux nationaux se sont contentés d’en rendre compte, sans commentaire particulier. La Stampa, par exemple, se concentre sur les propositions de la lettre concernant les questions de migration et sa gestion par un Conseil de sécurité européen (2). Deux journaux font exception : Il Foglio, journal d’opinion aux positions fortement anti-gouvernementales et anti-populistes, a publié un très fort soutien du président français, avec un article intitulé « Il y a un fait politique : l’Europe souveraine est le modèle Macron », qui note qu’avec la lettre et l’insistance sur une Europe qui protège, l’Élysée est entrée officiellement en campagne électorale pour les élections européennes (4). Le journal économique Il Sole 24 Ore, quant à lui, garde ses distances, rapportant que Macron propose une souveraineté européenne « très francocentrée » et relativisant la force de cette proposition, notant ses limites et affirmant qu’elle risque de n’être un « jeu » (5).

D’autre part, les réponses officielles ont scrupuleusement respecté les positions politiques et les perspectives électorales. Ainsi, si le gouvernement italien, composé de la Ligue et du Mouvement Cinq Étoiles et au centre de l’affrontement avec Macron, a fièrement gardé le silence, les seules voix en faveur des propositions françaises sont venues de Sandro Gozi, président du Mouvement fédéraliste européen, membre du PD, très proche de Matteo Renzi et principal référent de Macron en Italie pour sa recherche d’alliés durant les élections européennes : « Aujourd’hui, Emmanuel Macron, avec beaucoup de courage et de vision, relance l’Europe que nous voulons et pour laquelle nous luttons : l’Europe des citoyens, de la participation populaire et de la démocratie, qui multiplie la protection, la sécurité et la liberté des Européen (…) Sur cette plate-forme progressiste de Macron, nous pouvons et devons construire une nouvelle majorité politique au Parlement européen après les élections, comme nous le proposons également dans notre manifeste de l’Union des fédéralistes européens » (6). Certains députés du PD, comme Patrizia Toia, ont également affirmé leur proximité avec l’esprit de cette lettre, notant toutefois que les propositions sociales ont été le cheval de bataille de S&D pendant des années.

Dans les cercles gouvernementaux, par contre, le silence fait office d’euphémisme ostentatoire. Un silence qui semble cependant motivé par la nouvelle phase de reconstruction des relations diplomatique, lente et délicate, qui semble s’être ouverte ces derniers jours, avec le retour de l’ambassadeur de France en Italie et l’interview de Macron dans le programme italien Che tempo che fa, dimanche 3 mars. Une interview qui a également été accueillie avec indifférence par le gouvernement : Matteo Salvini a déclaré qu’il ne la regarderait pas car il était trop occupé à par le match Naples-Juventus, diffusé à la même heure que l’émission (3). Pourtant, après la querelle, même l’indifférence semble être le prélude à un éclaircissement.

Perspectives :

  • Au-delà du jeu politique, pour lequel la rivalité entre la France et l’Italie est une évolution naturelle en vue des élections européennes, lorsque les deux gouvernements se présenteront comme les leaders de deux fronts opposés, l’adoption d’un ton plus mesuré entre les deux pays la semaine dernière semble avoir une motivation internationale : selon une rumeur rapportée par le Premier ministre italien Giuseppe Conte, ce seraient les États-Unis de Donald Trump qui auraient demandé à Rome et Paris de s’accorder sur un point de vue commun.

Sources :

  1. ALEMANNO Alberto, Oltre la “gara di stupidità” tra Italia e Francia, La Lettera del Lunedì, 27 janvier 2019.
  2. BRESOLIN Marco, L’appello di Macron agli europei : “Fermiamo chi distrugge la Ue”, La Stampa, 5 mars 2019.
  3. CREMONESI Marco, Salvini preferisce la partita all’intervista di Fazio a Macron, Il Corriere della Sera, 3 mars 2019.
  4. FERRARA Giuliano, C’è un fatto politico : l’Europa sovrana è quella modello Macron, Il Foglio, 9 mars 2019.
  5. MASINI Fabio, Macron e il « Rinascimento europeo », azzardo e rischio boomerang, Il Sole 24 Ore, 6 mars 2019.
  6. Comunicato del MFE sull’Appello di Macron « Per un Rinascimento europeo », MFE, 5 mars 2019.

Giovanni Collot