São Paulo. Le député fédéral pour l’État de São Paulo et fils du président brésilien, Eduardo Bolsonaro (34 ans), est le nouveau directeur de The Movement en Amérique latine. Créé en 2017 par Steve Bannon, directeur de campagne de Donald Trump lors des élections présidentielles américaines de 2016 et conseiller stratégique à la Maison Blanche pendant six mois, ce mouvement avait comme principal objectif de rassembler, coordonner et soutenir les partis souverainistes et néo-nationalistes européens. L’élargissement des horizons du mouvement, deux ans plus tard, pose de nombreuses questions dans une région au sein de laquelle auront lieu dans les mois à venir cinq élections présidentielles.

Le premier rapprochement entre Eduardo Bolsonaro et Steve Bannon avait eu lieu à New York en août 2018, dans le cadre de la campagne pour les élections présidentielles qui se tiendraient quelques mois plus tard au Brésil. Le fils du candidat vainqueur déclarait déjà que Bannon et lui partageaient une même vision du monde et qu’ils étaient prêts à unir leurs forces pour combattre le “marxisme culturel”. Lors de l’annonce de son adhésion au mouvement, le jeune député brésilien est allé plus loin, en revendiquant ouvertement le néo-nationalisme, et en soulignant qu’il allait “travailler […] [pour] reprendre le contrôle de notre souveraineté face à des forces élitistes, progressives et mondialistes et [pour] diffuser un nationalisme de bon sens chez tous les citoyens d’Amérique latine” (1).

Ancien président exécutif (2012 – 2016) et directeur éditorial (2017-2018) de Breitbart News – “plus grande source […] de couverture organisée et écrite pour la nouvelle génération d’intellectuels indépendants et conservateurs” d’après leur site web (2) -, Bannon rejette toute association de son mouvement à l’extrême-droite. Celle-ci serait, selon lui, alimentée par les médias et les journalistes qui ont une tendance à “moraliser les électeurs” (7) du “populisme de centre-droite, conservateur et nationaliste” (3) en les qualifiant de racistes. Fernando Gabeira, fondateur du Parti vert brésilien, relevait déjà le danger que cette amalgame supposait lors de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle : “en considérant Jair Bolsonaro comme un fasciste, un nazi, […] vous perdez toute possibilité de dialogue avec ses electeurs” (5).

L’influence de la pensée de Steve Bannon dans les élections brésiliennes est évidente. Il faudrait maintenant se demander si l’arrivée formelle de The Movement en Amérique latine confirmerait le constat de l’homme d’affaires américain, celui de l’existence de plus de fenêtres d’opportunité pour le néo-nationalisme dans la région.

Perspectives :

  • Dans les mois à venir, les citoyens du Panamá (mai), du Guatemala (juin), de l’Uruguay, de l’Argentine et de la Bolivie (octobre) sont appelés aux urnes. Avec les élections parlementaires européennes qui se tiendront en mai 2019, se pose, plus que jamais, la question de la place du discours néo-nationaliste – et ainsi de la potentielle influence de The Movement – dans les élections présidentielles.
  • En Argentine, le débat public commence d’ores et déjà à associer différentes personnalités politiques au président brésilien, preuve du rôle potentiellement prépondérant que peut prendre la “doctrine Bolsonaro” pendant la campagne présidentielle. Cette longue élection – les Argentins sont obligés de voter lors des primaires ouvertes (PASO) en début août – semble a priori polarisée entre la coalition au pouvoir, Cambiemos, et le péronisme. Aussi bien Patricia Bullrich (3), ministre de la Sécurité, que Miguel Pichetto (6), leader d’Alternativa Federal, groupe parlementaire péroniste dissident du kirchnérisme, ont été qualifiés, à de nombreuses reprises, de Jair Bolsonaro du pays.
  • Aussi bien en Europe et qu’aux États-Unis, la presse latino-américaine stigmatise tous ceux qui se sentent représentés par les mouvements néo-nationalistes, jusqu’à maintenant incarnés dans la région par Jair Bolsonaro, au lieu de tenter de comprendre les motifs de cette représentation. Se pose ainsi la question de la capacité – et, surtout, la volonté – d’adopter de nouvelles stratégies de communication si ces mouvements continuent de se diffuser.

Sources :

  1. BILENKY Thais, Bannon anuncia Eduardo Bolsonaro como líder sul-americano de movimento de direita populista, Folha de S.Paulo. 02 février 2019.
  2. Site web de Breitbart News.
  3. CAMPOS MELLO Patrícia, Capitalismo esclarecido e populismo de Bolsonaro aproximarão o Brasil dos EUA, diz Steve Bannon, Folha de S.Paulo. 29 octobre 2018.
  4. INDART Ramón, Daniel Menéndez : “Patricia Bullrich quiere ser la Jair Bolsonaro argentina”, Perfil. 8 octobre 2018.
  5. Os eleitores de Bolsonaro não são as pessoas descritas nessas visões alarmistas, O Antagonista, 26 octobre 2018.
  6. Para Leopoldo Moreau, Argentina tiene su propio Bolsonaro, Perfil. 29 octobre 2018.
  7. SULLIVAN Kevin. A nationalist abroad : Stephen Bannon evangelizes Trump-style politics across Europe, The Washington Post. 26 septembre 2018.

Felipe Bosch