Skopje. Ce vendredi 25 janvier à 14h30, après un débat parlementaire qui aura vu plus de 200 députés prendre la parole, le Parlement grec a voté en faveur de l’accord entre la Grèce et la Macédoine par 153 pour, 146 contre et une abstention. Résultat d’une négociation de longue haleine entre les deux Premiers ministres Alexis Tsipras et Zoran Zaev, ce texte, signé en juin 2018 sur les berges du lac Prespa, permet de lever le blocage grec à l’intégration euro-atlantique de la Macédoine, en échange d’une modification du nom de cette dernière, qui s’appellera désormais la « République de Macédoine du Nord ». Un nom supposé mettre fin aux suspicions d’Athènes sur les prétentions territoriales de Skopje sur la province grecque de Macédoine, et ce depuis l’implosion de l’ancienne Yougoslavie.

Depuis une dizaine de jours, de très nombreux affrontements ont eu lieu dans les rues d’Athènes comme ailleurs en Grèce entre les opposants à l’accord et les forces de l’ordre, sur fond de menaces de morts envers les hommes politiques favorables à l’accord, harcèlement des députés et autres jets de cocktails molotov. Dimanche dernier, des dizaines de milliers de personnes avaient protesté contre la ratification de l’accord. Les votes ont été ponctués par des cris de « Traîtres » lancés par des députés d’extrême-droite, tandis que l’opposition a quitté l’hémicycle avant l’annonce officielle des résultats.

Le scrutin fait immédiatement suite à la procédure de révision constitutionnelle entreprise par le Parlement macédonien et conclue le 11 janvier dernier par un vote positif. Le chemin vers la ratification définitive a pourtant été semé d’embûches : après un référendum sur l’accord le 30 septembre et qui s’est conclu par un vote pour le « oui » mais à un très faible taux de participation, le gouvernement macédonien est parvenu à survivre de justesse à tous les votes de la procédure de révision constitutionnelle. Il lui aura ainsi fallu arracher huit voix à l’opposition de centre-droit pour parvenir à la majorité des deux tiers, requise pour conclure la révision. Alexis Tsipras a également lui-même évité de justesse une motion de censure lorsque son Parlement a voté sa confiance par 151 voix sur 300 le 14 janvier dernier. Suite au départ de ses partenaires de coalition, les Grecs indépendants, sa majorité ne tient plus qu’à un fil.

« Félicitations à mon ami [Alexis] Tsipras. Ensemble avec nos peuples, nous avons remporté une victoire historique. Longue vie à l’accord de Prespa ! Pour une paix et un progrès éternels des Balkans et dans l’Europe ! » a twitté Zoran Zaev quelques minutes après le vote.

Cette victoire conforte la dynamique d’intégration européenne prônée par Bruxelles dans les Balkans. En effet, elle va dans le sens de la rhétorique de l’Union européenne tendant à ce que des pays doivent surmonter leurs différends bilatéraux pour converger vers le même but dans un esprit d’intégration économique et politique.

Outre un accélérateur pour le chemin vers l’adhésion européenne de la Macédoine, autrefois pressentie comme une « favorite » dans la régate balkanique, il s’agit également d’un signal adressé à Moscou, qui aurait activement contribué aux campagnes de dénigrement de l’accord. L’évènement est certainement suivi de près dans les chancelleries à Belgrade et Pristina, alors que le dialogue entre Serbie et Kosovo, lui, patine.

Perspectives :

  • Côté grec, Alexis Tsipras s’avance vers les élections législatives du 20 octobre 2019 avec une position très précaire : son parti Syriza a été échaudé par des divisions internes sur l’accord, le dossier a été utilisé par la droite grecque de Nouvelle Démocratie comme un cheval de bataille et la société grecque semble avoir été majoritairement opposée à l’accord. Le leader de Syriza conforte cependant une stature diplomatique reconnue et pourrait jouer sur l’hypocrisie de l’opposition, qui avait longtemps soutenu l’idée d’un changement de nom « par ajout d’épithète » au nom de la Macédoine, ce qui s’est effectivement produit.
  • Côté macédonien, Zoran Zaev et sa coalition de centre-gauche marquent certainement des points face à une opposition de droite moribonde, fragilisée par de nombreux scandales et par l’exil à Budapest de son ancien leader et Premier ministre, Nikola Gruevski. La voie s’ouvre cependant vers l’intégration européenne du pays : le différend sur le nom maintenant tranché, la prochaine réunion du Conseil de l’Union européenne pourrait être l’occasion de permettre enfin l’ouverture officielle des négociations d’adhésion de la Macédoine. Le prochain rendez-vous sera au Parlement hellénique, qui devra cette fois ratifier l’adhésion de la Macédoine à l’OTAN.
  • À long terme, l’opposition entre Athènes et Skopje pourrait se raviver au prochain changement de gouvernement. Le leader de la Nouvelle Démocratie de centre-droit, le Grec Kyriakos Mitsotakis, a d’ores et déjà annoncé que s’il était élu Premier ministre, il s’opposerait de nouveau à l’entrée de la Macédoine dans l’Union européenne.

Sources :

  1. Accord de Prespa, 2018.
  2. MARUSIC Sinisa Jakov, Greek MPs Approve Historic Macedonia ‘Name’ Agreement, Balkan Insight, 2019.
  3. RAFENBERG Marina, « Madédoine du Nord » : le Parlement grec ratifie l’accord avec Skopje, Le Courrier des Balkans, 2019.

Charles Nonne