Kiev. La crise ukrainienne est un enjeu territorial et sécuritaire incontournable de cette décennie, impliquant une confrontation très large entre l’Union européenne et la Russie. Le 31 mars prochain, les Ukrainiens seront amenés à élire leur nouveau président lors d’un scrutin probablement historique. L’élection de Petro Porochenko le 7 juin 2014 a ouvert une période nouvelle en Ukraine. Elle a permis l’intensification de la lutte contre une corruption endémique et un système oligarchique toujours puissant. La rupture reste pour l’heure incomplète, tant ces deux phénomènes sont profondément structurels dans le pays et brident l’ampleur des réformes qui y sont entreprises.

Pusillanime dans ses réformes, le président sortant a durablement fragilisé ses positions et se retrouve aujourd’hui crédité d’à peine six pourcents des intentions de vote. Porochenko s’est fait depuis janvier 2018 le champion d’un triptyque aux accents martiaux : armée, langue, foi. De la reconnaissance du Patriarcat de Kiev à l’instauration – temporaire – de l’Etat d’urgence en novembre 2018 des suites de l’incident de Kertch, Porochenko tente tant bien que mal de créer le sursaut patriotique qui lui assurerait un second mandat. Ses projets pourraient être mis à mal par Ioulia Timochenko. Déclarée gagnante dans les sondages, l’ancienne princesse du gaz et ministre peine néanmoins à fédérer ses électeurs, qui peinent à lui pardonner les scandales dont elle s’était rendue coupable en 2010.

La révolution et la guerre ont accentué, sinon transformé le nationalisme ukrainien. Grâce au prestige acquis par leur engagement sur le front en tant que volontaires, les ultra-nationalistes constituent aujourd’hui des acteurs normalisés dans l’Ukraine post-Maïdan. Les partis comme Secteur Droit ou le régiment Azov tentent aujourd’hui de se renouveler dans la société civile en apportant des solutions politiques sur le terrain, quitte à doubler ou remplacer l’Etat dans ces domaines. Autrefois érigés par le pouvoir de Ianoukovitch, en rempart contre l’opposition nationale-démocrate, les ultra-nationalistes peinent aujourd’hui à percer dans un paysage politique largement polarisé par l’opposition Porochenko/Timochenko. Divisés et indécis, il est donc peu probable que les ultra-nationalistes parviennent au pouvoir. Ils pourraient néanmoins être amenés à jouer un rôle vital dans le jeu électoral, en perturbant, au niveau local, le bon déroulement des campagnes électorales, en ayant recours aux milices armées, arrachant de cette façon la place de « courtiers » électoraux.