Hambourg. La tension était palpable dans la grande salle du parc des expositions lorsque les 1001 délégués de l’Union Chrétienne démocrate (CDU) ont désigné leur nouveau dirigeant vendredi 7 décembre. Au premier tour, le peu d’écart d’Annegret Kramp-Karrenbauer (450 voix) avec son concurrent Friedrich Merz (392 voix) a pu surprendre, tout comme le bon score de l’outsider Jens Spahn (157 voix). On a pu sincèrement craindre pour la candidate favorite entre les deux tours, car ses deux concurrents représentaient une même aile conservatrice plus dure sur les valeurs et plus libérale économiquement. Mais “AKK” a bénéficié d’un report de voix honorable de la part des électeurs de Spahn pour atteindre un score final de 517 voix contre 482. Ce sont donc 67 des électeurs de Spahn qui lui ont accordé leur confiance contre 90 qui se sont reportés sur Merz. Cette confiance d’un nombre de délégués franchement conservateurs permet déjà de nuancer l’étiquette de Merkel 2.0 qui lui colle à la peau (5).

La victoire de la candidate réputée proche d’Angela Merkel est aussi une défaite sur le fil pour Wolfgang Schäuble, qui reste, à 76 ans, l’éminence grise du parti. C’est l’ancien ministre des finances qui avait poussé la candidature de Merz, un vieil adversaire de la chancelière. Après la consécration de Kramp-Karrenbauer à la tête du parti, il a nié “avoir mené bataille contre Merkel”. La rivalité sourde entre celui qui était dans les années 1990 le dauphin d’Helmut Kohl et la chancelière rythme la vie politique allemande depuis 20 ans (2).

Soutenue par l’association des salariés chrétiens démocrates, par la Frauen-Union (association de promotion des femmes au sein du parti), deux groupements représentatifs de l’aile centriste chrétienne-sociale de la CDU, AKK bénéficie d’une image de politicienne « sympathique » et « crédible », des qualités qui étaient moins attribuées à son concurrent Merz (1). Par son travail comme ministre-présidente de Sarre (2011-2018), puis comme secrétaire générale du parti (février-décembre 2018), cette catholique pratiquante venue de l’Ouest du pays, âgée de 56 ans et mère de trois enfants, s’est faite connaître et apprécier parmi les diverses tendances du parti, au sein duquel elle s’est rendue indispensable. Sur le plan biographique, elle a peu de points communs avec Merkel, protestante d’Allemagne de l’est et sans enfants.

Si elle assure la continuité de la “ligne Merkel” centriste et sociale, AKK s’est montrée ouverte à une participation accrue de l’aile droite du parti au gouvernement. Plus qu’une courroie de transmission de Merkel au sein du parti, elle sait aussi (re)prendre son indépendance et s’affirmer sur le régalien (frontières, armée, migrations), qui a pour le moment été son thème fort (3). Partisane de mesures énergiques pour l’égalité des sexes (instauration de quotas), elle est néanmoins beaucoup plus déterminée que Merkel face à certaines évolutions sociétales, comme en témoigne son opposition marquée au mariage homosexuel en 2015. Francophone, la nouvelle dirigeante est une européenne convaincue : elle avance souvent son expérience à la tête de la région frontalière franco-allemande de la Sarre comme signe de son européisme.

Samedi 8 décembre AKK a proposé pour lui succéder comme secrétaire général du parti Paul Ziemiak, 33 ans, le chef de la “Junge Union”, l’organisation de jeunesse chrétienne-démocrate, qui avait tenu des positions critiques envers la chancelière par le passé (4). Il a été élu à 62,8 pour cent des voix, un score décevant face aux 98,9 pour cent de sa prédécesseure. Malgré la volonté manifeste de donner à chaque courant un rôle au sein du parti, la campagne des semaines passées semble avoir laissé des traces visibles dans un parti habitué jusqu’ici à élire ses dirigeants sans long débat.

Perspectives

  • Janvier 2019 : Congrès de la CSU bavaroise. Horst Seehofer abandonnera la présidence du parti à Markus Söder.

Sources :

  1. EIGENMANN, Dominique, Die CDU hat eine echte Auswahl, Tagesanzeiger, 06.2.2018.
  2. KRAUEL, Torsten, Wolfgang Schäuble, der ewige Zweite, Die Welt, 08/12/2018.
  3. MENNERAT, Pierre, La course au clocher des chrétiens-démocrates allemands, La lettre du Lundi, 02.12.2018.
  4. Paul Ziemiak ist neuer Generalsekretär, Tagesschau, 08.12.2018.
  5. ULRICH, Berndt, CDU-Parteitag : Ein Hauch von Matriarchat, Die Zeit, 08.12.2018.

Pierre Mennerat