Rome. Luigi Di Maio, le leader du Mouvement Cinq Étoiles, vice premier-ministre et député, a annoncé le 21 octobre son intention de travailler à la création d’un nouveau groupe politique en vue des élections européennes. Cette annonce est capitale dans le processus de réalignement politique qui s’annonce, à la fois à l’échelle nationale et européenne, et pourrait rebattre les cartes (3).

L’importance de cette annonce s’explique par au moins trois raisons. Premièrement, le Mouvement Cinq Étoiles est presque le seul parti politique européen à n’avoir pas clairement pris position dans l’opposition de plus en plus franche entre les pro et les anti-européens. Malgré le fait qu’il gouverne avec la Ligue, le Mouvement Cinq Étoiles n’est ni un parti de droite (sa politique sociale est plutôt ancrée à gauche), ni un parti anti-migrant (il a pris ses distances avec la position très ferme de Matteo Salvini) et n’est finalement peut-être pas non plus anti-européen.

Deuxièmement, cette annonce pourrait non seulement l’amener au centre du spectre politique mais également le rapprocher des forces politiques qui s’opposent à une extrême-droite incarnée par Marine Le Pen, Viktor Orbán et son propre allié Matteo Salvini.

En effet, la première conséquence majeure de l’annonce de Luigi Di Maio est doit se comprendre à l’échelle nationale. Le Mouvement Cinq Étoiles a l’intention d’utiliser l’approche des élections européennes comme une opportunité pour se délivrer de son partenaire de coalition – la Ligue de Matteo Salvini – afin de redevenir populaire au sein de sa propre base électorale.

Enfin, l’annonce du Mouvement Cinq Étoile implique une autre conséquence politique majeure. En déclarant sa volonté de se délivrer de son groupe politique actuel, l’Europe de la liberté et de la démocratie directe, le Mouvement Cinq Étoile va déclencher son implosion, accélérant ainsi le réalignement politique en cours des différents partis européens. En effet, du fait du Brexit, les membres britanniques de l’Europe de la liberté et de la démocratie directe – les députés UKIP – ne seront pas réélus et le départ des Cinq Étoiles entraînera la mort inévitable de ce groupe.

Mais il y a plus. Bien qu’il puisse sembler prémature d’imaginer que le Mouvement Cinq Étoiles change brutalement de camp pour rejoindre les pro-européens, son nouveau projet suggère que le Mouvement Cinq-Étoile s’éloignera de son attitude anti-européenne. Pas nécessairement pour rejoindre un parti pro-UE ; mais très certainement pour quitter la sphère anti-UE. Le Mouvement Cinq Étoiles pourrait ainsi reconquérir une partie de son électorat, qui paye très cher les coûts économiques générés par l’incertitude politique actuelle. Pour effectuer ce tournant, le Mouvement Cinq Étoile n’a pas l’intention de cheminer seul : dans sa déclaration, Luigi Di Maio s’est référé aux négociations en cours avec les Verts et avec d’autres mouvement qui furent “abandonnés” par l’UE (2).

Si l’hypothèse d’une coalition arc-en-ciel – s’étendant de la gauche jusqu’au centre – devait émerger dans l’espace politique européen, le capital politique du Mouvement Cinq Étoile lui serait bien utile. Il en serait de même en cas de formation d’une alliance plus modeste des libéraux. Paradoxalement, le Mouvement Cinq Étoiles a plus de fraîcheur à apporter au camp pro-européen – et en particulier à En Marche – que le Partito Democratico. Aux rendez-vous annuels traditionnels de La Leopolda, l’ancien leader du PD Matteo Renzi a singé la posture pro-UE mise en avant par Emmanuel Macron. Ainsi, après une relation agitée avec l’UE durant ses années au gouvernement, Matteo Renzi semble à présent découvrir que les valeurs européennes doivent être protégées contre ses supposés ennemis. Cependant, sa vision du futur de l’Europe et de ses habitants ne s’exprime qu’en termes d’opposition, refusant l’avenir proposé par ses opposants politiques. Lui et son parti semblent incapables de formuler une vision positive pour la société européenne à travers un programme inventif luttant contre les nombreux problèmes réels auxquels est confrontée la société italienne. Non seulement cette incapacité renforcera la droite italienne, mais elle continuera à donner au Mouvement Cinq Étoiles l’avantage d’être la seule force politique à l’écoute des problèmes du peuple.

Dans ces circonstances, si le Mouvement Cinq Étoile se désolidarise de la droite et se rapproche des européistes, cela pourrait être l’occasion pour le populisme italien de sauver l’Europe (1).

Perspectives :

  • Cette déclaration a été faite dans un contexte plus global où le Mouvement Cinq Étoiles essaie de plus en plus de se distancier de son partenaire de coalition, la Ligue. Le dernier point d’achoppement entre les deux partis s’est manifesté ces derniers jours avec un nombre croissant de députés Cinq Étoiles annonçant leur refus de voter le « décret sécurité », l’une des plus importantes propositions du ministre de l’Intérieur Matteo Salvini. Une telle position pourrait même remettre en question la stabilité du gouvernement et sa survie à long terme.

Sources :

  1. ALEMANNO Alberto, Will Italian populism save Europe ?, Politico,15 mars 2018.
  2. Europee:Di Maio,a gennaio nuovo progetto, Ansa, 21 octobre 2018.
  3. Europee : Di Maio, faremo un nuovo gruppo, Ansa, 22 octobre 2018.

Alberto Alemanno